...

La Pr Annick Timmermans, professeur en revalidation musculo-squelettique (UHasselt) a présenté le potentiel de la télérevalidation en soutien à la revalidation "en présentiel". Certains patients atteints d'un cancer du sein et ou y ayant survécu rencontrent des obstacles les empêchant de s'engager (durablement) dans une revalidation (préventive): la fatigue, les étourdissements, la douleur, le déconditionnement, les difficultés émotionnelles et psychologiques (anxiété, dépression...), mais aussi un manque de connaissance de l'importance de l'activité physique. Le risque accru d'infection peut aussi démotiver les patients à avoir d'étroits contacts avec des prestataires de soins.La télérevalidation peut offrir quelques opportunités, surtout grâce aux technologies modernes. Ainsi, elle permet non seulement un meilleur isolement et une meilleure distanciation sociale en cas de besoin (par exemple lors du COVID-19), mais elle réduit également les déplacements entre le domicile et l'hôpital, ainsi que les frais hospitaliers (visites moins nombreuses et admissions moins longues). En outre, l'observance thérapeutique est supérieure en cas de télérevalidation par rapport aux patients qui reçoivent un programme d'exercices à domicile et dont le suivi n'est pas assuré immédiatement. "Le kinésithérapeute peut garder contact à distance avec un patient et le suivre étroitement. Ce suivi peut se faire au travers de consultations vidéo, mais aussi grâce à une application dans laquelle les exercices sont mis à disposition par le thérapeute et qui permet par ailleurs un feedback rapide. L'idéal est toutefois d'utiliser une thérapie combinée, qui alterne contacts en face à face et soutien en distanciel."Les études révèlent en outre que les survivants d'un cancer du sein sont également ouverts à la télérevalidation via des apps, à condition que la technologie leur soit conseillée par une source fiable et que sa plus-value soit manifeste. "L'idée est de tester la prise en charge à distance avec le patient et de lui en expliquer les avantages."On peut avoir recours à des apps pour smartphone, faciles à utiliser et qui peuvent offrir des fonctions différentes, comme des exercices standard, des modules éducatifs et l'utilisation de capteurs. Certaines apps permettent même au prestataire de soins d'enregistrer des instructions personnalisées et de déterminer les vidéos auxquelles le patient peut avoir accès, et quand il peut y avoir accès, tandis que le patient peut lui-même donner du feedback."Il reste néanmoins important de rester critique, y compris lorsque l'avantage d'une app spécifique a été démontré dans une étude scientifique. Finalement, on ignore souvent sur quels exercices ces études se basent."D'autres technologies employées dans les soins de télérevalidation reposent sur la réalité virtuelle (RV), impliquant l'utilisation d'un casque de RV ou d'un grand écran. Elle est généralement combinée à des serious games, jeux vidéo conçus pour l'atteinte d'un objectif thérapeutique déterminé. Elle peut éventuellement être associée à une série de capteurs qui mesurent comment et quand le patient bouge. Cette technologie donne un feedback rapide sur l'intensité et la qualité des mouvements et le niveau de difficulté des exercices peut être adapté en temps réel, en fonction des performances du patient. Le prestataire de soins est également en mesure d'assurer, à distance, un bon suivi de l'évolution du patient."Sans ces technologies, le feedback au prestataire de soins est beaucoup plus lent, de même que l'évaluation et l'ajustement du programme d'exercices."Il existe à ce jour peu de preuves scientifiques concernant les effets d'applications technologiques pour la revalidation pendant ou après un cancer, bien que les premiers résultats d'études soient prometteurs. Ainsi, une récente revue systématique avec méta-analyse a démontré les bénéfices significatifs d'interventions utilisant la RV chez des survivants d'un cancer du sein (1). Les auteurs ont observé une mobilité améliorée de l'épaule, dans toutes les directions de mouvement, ainsi qu'une amélioration de la fonction cognitive et une diminution de l'anxiété et de la douleur.Une autre étude (pilote) sur l'utilisation de serious gaming a établi une réduction du stress et une amélioration de l'humeur parmi des patients atteints d'un cancer du sein (2).Pour ce qui concerne la télérevalidation en général, plusieurs études ont déjà été réalisées. Elles ont démontré, chez des patients atteints d'un cancer (du sein), un impact positif sur le plan du fonctionnement physique, de la douleur, de l'anxiété et de la qualité de vie (3-5).Mais ces technologies peuvent également poser certains défis. Afin d'éviter un isolement social complet, la télérevalidation sera de préférence prescrite en association avec des contacts en présentiel. Il est par ailleurs important de tenir compte de l'habileté numérique du patient (en vérifiant et revérifiant que la technologie est bien comprise et appliquée correctement), ainsi que de l'accès à Internet à la maison. L'usage que l'application fera des données de l'utilisateur doit également être abordé.De plus, tous les systèmes ne sont pas disponibles et l'utilisation de ce type de technologie a souvent un coût. Vu les faibles preuves scientifiques disponibles actuellement, la prudence s'impose donc avant de proposer une technologie de revalidation.Enfin, du fait de l'évolution croissante de l'intelligence artificielle et des métadonnées, la singularité technologique constitue un obstacle considérable à la mise en oeuvre de technologies dans le domaine de la revalidation. Le Pr Timmermans ne les voit toutefois pas remplacer les kinésithérapeutes: "Je pense que la technologie peut surtout offrir une plus-value lorsqu'elle est utilisée en plus des soins de revalidation traditionnels: elle apporte une aide supplémentaire au patient, mais ne peut jamais remplacer le programme de revalidation mis en oeuvre par un prestataire de soins."Références:Bu X, et al. JMIR Serious Games 2022; 10:e31395Kim SM, et al. Games Health J 2018; 7: 409-417Cheville AL, et al. JAMA Oncology 2019; 5; 644-652Loubani K, Schreuer N, Kizony R. J Clin Med 2022; 11: 1022Bártolo A, et al. Disabil Rehabil 2019; 41: 870-878