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Le CBNF forme une entité clinique à part entière : contrairement au cancer broncho-pulmonaire lié au tabac, le CBNF a une faible charge mutationnelle et les cellules tumorales ne présentent pas de "signature ADN" caractéristique. La pollution atmosphérique peut-elle déclencher un cancer du poumon sans agir directement sur les gènes ?"La génétique et la génomique nous apprennent que les irradiations ou les substances cancérogènes entraînent des mutations qui, à leur tour, entraînent un cancer, explique le Pr Swanton. Mais il n'en va pas toujours ainsi. La mutation pilote (driver) la plus fréquente dans les mélanomes cutanés, à savoir BRAF-V600E, n'est par exemple pas provoquée par la lumière UV. D'autre part, nous retrouvons des mutations oncogènes dans du tissu sain normal. Les mutations jouent un rôle évident dans le développement de tumeurs, mais elles ne font pas tout."Le modèle initiation/promotion, tel décrit par Isaac Berenblum en 1947, semble plus proche de la réalité. Berenblum parle d'une mutation génétique sous-jacente, après laquelle un processus inflammatoire active la formation tumorale dans une deuxième phase. L'équipe du Pr Swanton a examiné si la pollution atmosphérique pouvait déclencher un CBNF selon ce modèle alternatif.Les mutations activatrices de l'EGFR sont caractéristiques du CBNF et sont présentes chez plus de la moitié des patients. Si l'on en croit la théorie de Berenblum, un promoteur (ici, la pollution atmosphérique) active des mutations latentes existantes dans le tissu sain. "Nous avons en effet trouvé un nombre étonnamment élevé de mutations pilotes dans des échantillons de tissu pulmonaire sain après autopsie. Et le nombre de mutations augmentait avec l'âge. Chacun d'entre nous les accumule en vivant, en respirant et en métabolisant - il n'est donc pas nécessaire d'avoir une source cancérogène externe," relate le Pr Swanson.Pour pouvoir démontrer le lien de causalité de la pollution atmosphérique, l'équipe a généré des mutations de l'EGFR dans l'épithélium pulmonaire de modèles murins. Les souris ont reçu des doses croissantes de particules fines PM2,5(1) par intubation trachéale. Après 10 semaines, les chercheurs ont constaté une augmentation dose-dépendante du nombre de lésions, d'adénomes préinvasifs et de carcinomes dans les poumons.Que se passe-t-il au niveau cellulaire ? Les cellules alvéolaires de type II sont des cellules progénitrices : elles repeuplent la paroi alvéolaire en cas de dommage tissulaire, après activation du médiateur inflammatoire IL1β. Ces pneumocytes sont également à la base d'un cancer du poumon porteur de mutations de l'EGFR. L'exposition aux particules fines entraîne un afflux massif de macrophages alvéolaires. Ces macrophages sécrètent de l'IL1β, tout comme les cellules épithéliales. Chez les souris exposées aux particules fines PM2,5 qui recevaient des anticorps anti-IL1β, les chercheurs n'ont détecté aucun cancer broncho-pulmonaire. Ce résultat concorde avec les conclusions de l'étude CANTOS(2), qui a établi un rapport entre le canakinumab et l'incidence réduite de cancer du poumon.