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La session était subdivisée en deux parties : d'une part, une mise à jour concernant la thérapie cellulaire Chimeric Antigen Receptor-T (CAR‑T) en Belgique et, d'autre part, un commentaire du rôle des lymphocytes T ciblant le virus d'Epstein-Barr (EBV).Après une présentation des trois orateurs par le Dr Lewalle, le Dr Sophie Servais a été la première à prendre la parole. Le Dr Servais est hématologue pour adultes au CHU Sart-Tilman, à Liège, et a été invitée à cette réunion de la BHS afin de présenter les premières données de vie réelle des traitements par cellules CAR‑T anti-CD19 dans le lymphome diffus à grandes cellules B (DLBCL) réfractaire ou en rechute (R/R) en Belgique.Il existe quatre centres pour le traitement par cellules CAR‑T en Belgique. L'investigateur principal de cette étude était le Dr Sarah Bailly, de l'UCL Saint-Luc, à Bruxelles.La thérapie cellulaire CAR‑T anti-CD19 a révolutionné le traitement du DLBCL R/R et fait fortement augmenter l'OS par rapport aux traitements antérieurs. En Belgique, deux de ces thérapies sont actuellement approuvées et remboursées, à savoir le Tisa-cel et l'Axi-cel, toutes deux après deux traitements précédents. Elles ne peuvent être administrées que dans quatre centres de traitement, à savoir l'UZ Gent, l'UZ Leuven, l'UCL Saint-Luc et le CHU Liège.Cette analyse rétrospective a débuté en mars 2021, à un moment où seul le Tisa-cel était disponible, et a inclus tous les patients traités à partir du remboursement, en juin 2019. Au cours de cette période, 38 patients ont été traités, mais seules les données de 26 patients étaient disponibles aux fins de l'étude.Les caractéristiques des patients sont résumées dans le tableau.La production de cellules CAR‑T a réussi chez tous les patients et la majorité d'entre eux ont reçu un traitement de transition. Deux patients n'ont plus pu recevoir les cellules CAR‑T pour cause de décès et de progression rapide. Chez les autres patients, la durée médiane depuis la leucaphérèse jusqu'à la perfusion était de 44 jours (plage de 30 à 104). Dans quelques cas, des complications survenues entre-temps ont donné lieu à un report de l'administration.Au cours des cent premiers jours suivant la perfusion, 15 des 24 patients ont développé une réponse, dont 9 réponses complètes (CR) et 6 réponses partielles. Les 9 autres ont présenté une maladie stable (SD) ou une progression (PD). Sur les 6 patients qui avaient déjà développé une CR après 28 jours, 5 étaient toujours dans le cas après 100 jours. Par ailleurs, la réponse des 6 patients qui avaient une SD ou une PD après 28 jours ne s'était pas améliorée après 100 jours.L'OS et la PFS médianes étaient, respectivement, de 13 et 3 mois lors d'un suivi médian de 16 mois.La sécurité au cours des 28 jours suivant la perfusion était majoritairement satisfaisante. Bien que 16 patients aient développé un syndrome de libération de cytokines (CRS), seul un était une forme grave. Un patient a également développé un syndrome de neurotoxicité associée au traitement par cellules CAR‑T (ICANS) (grave). Un quart des patients a développé une infection et seuls deux ont dû être admis en soins intensifs.Bien qu'aucune comparaison directe avec d'autres études ne soit possible, le Dr Servais a souligné que la réponse et l'OS dans l'étude belge étaient similaires à la fois à l'étude d'enregistrement et à d'autres études observationnelles européennes. La PFS était toutefois inférieure, ce qui peut être en partie dû à la sélection un peu moins stricte des patients : toutes les personnes qui remplissent les critères ne sont pas de bons candidats pour un traitement par cellules CAR‑T.Le deuxième orateur lors de cette session était le Dr Barbara De Moerloose, onco-hématologue pédiatrique à l'UZ Gent. Elle a présenté l'expérience belge en matière de Tisa-cel chez les patients pédiatriques et adultes jeunes atteints de LAL. Elle a commencé par un bref retour en arrière et a rappelé au public que lors de l'étude d'enregistrement, le premier patient européen a été inclus et traité en Belgique. Les résultats, publiés en 20181, ont confirmé les données antérieures, avec une OS et une survie sans évènement (EFS) satisfaisantes pour ces patients difficiles à traiter.Depuis 2019, le traitement par Tisa-cel est remboursé en Belgique pour les patients jusqu'à 25 ans atteints de LAL de la lignée B réfractaire ou en rechute. Ces patients sont également traités dans les quatre centres précités, bien que les patients pédiatriques jusqu'à 18 ans soient centralisés à l'UZ Gent.Pour cette analyse, le Dr De Moerloose a tenu compte de tous les patients traités en Belgique dans ce contexte, tant dans l'étude Eliana (n = 3) que dans le programme d'accès élargi (n = 6) et depuis le remboursement (n = 20). Au total, les données de 29 patients ont donc été collectées, parmi lesquels 23 âgés de moins de 18 ans (dont 5 de moins de 3 ans).La plupart des patients (22) avaient déjà reçu une ou deux lignes de traitement. Le Dr De Moerloose a fait remarquer à cet égard que les patients traités avant 2019 avaient généralement reçu plus de traitements préalables. 15 patients avaient déjà subi une greffe.La durée médiane depuis la leucaphérèse jusqu'à la perfusion était de 72 jours, avec une plage de 36 à 99 jours et deux données aberrantes, à savoir 167 et 278 jours.28 des 29 patients ont atteint une CR. L'EFS était de 67 % après 6 mois et de 61 % après 12 mois, ce qui est similaire aux résultats de l'étude Eliana et à d'autres données de vie réelle2. Il est important de souligner que les critères de l'EFS dans l'étude étaient plus restreints que dans la pratique quotidienne, où, par exemple, le début d'un nouveau traitement est aussi considéré comme un événement. L'OS était également comparable avec d'autres études, à savoir 62 % après 36 mois dans ce groupe.En ce qui concerne la sécurité, 9 patients ont séjourné en USI, dont seulement 2 pendant plus de 6 jours. Un CRS a été observé chez 19 patients, dont 7 de grade 3‑4, et un ICANS chez 4 patients, dont 3 de grade 3‑4.Le Dr De Moerloose a conclu sa présentation en annonçant de plus amples analyses détaillées et a insisté sur l'importance d'un enregistrement continu des patients dans les bases de données nationales et internationales.Le troisième et dernier orateur de cette session était le Prof. Dr Daan Dierickx, de l'UZ Leuven. Sa présentation portait sur la réorientation des lymphocytes T contre l'EBV. L'EBV est un herpèsvirus humain, qui infecte environ 95 % de la population mondiale. Dans les pays en développement, il touche principalement les jeunes enfants, qui demeurent asymptomatiques, tandis que dans les pays développés, ce sont surtout les adolescents et les jeunes adultes qui sont atteints et développent souvent la mononucléose. L'ADN viral produit, d'une part, des protéines lytiques qui provoquent l'infection aiguë et, d'autre part, des protéines latentes qui sont à l'origine de la présence persistante dans l'organisme (spécifiquement dans les lymphocytes B) et peuvent avoir un effet oncogène.Selon les estimations, environ 1,3 à 1,9 % de tous les cancers dans le monde (soit 300.000 cas) seraient liés à l'EBV chaque année. Il existe ainsi différents "programmes de latence", dans lesquels divers antigènes latents jouent un rôle. L'EBNA3 est une protéine très immunogène, qui intervient dans le programme de latence 3 auquel le syndrome lymphoprolifératif post-transplantation (PTLD) est notamment lié. Les facteurs de risque du PTLD sont :Lors de la transplantation d'un organe solide (TOS), 50 à 70 % des cas de PTLD sont liés à l'EBV, tandis que lors de la greffe de cellules souches (GCS) allogéniques, ce chiffre atteint 95 % environ. En outre, le PTLD peut être lié à l'EBV du receveur (généralement en cas de transplantation d'organe) ou du donneur (généralement en cas de GCS).Le schéma présente les trois approches du PTLD avec, en rouge, les traitements spécifiques à l'EBV.L'immunothérapie adaptative a été longtemps limitée au PTLD, en raison de la production nécessitant un travail intensif, de sa disponibilité limitée et de son coût élevé. Des injections de lymphocytes du donneur (DLI) ou des lymphocytes T cytotoxiques (CTL) autologues spécifiques à l'EBV peuvent être utilisés lors d'une TOS, des CTL de donneur spécifiques à l'EBV lors d'une GCS et des CTL d'une tierce partie spécifiques à l'EBV dans les deux cas. Le rôle de la thérapie cellulaire CAR‑T est très limité pour l'instant.Les DLI étaient déjà étudiées dans les années 1990, mais s'accompagnaient malheureusement d'un pourcentage élevé de maladie du greffon contre l'hôte (GVHD). Les CTL autologues spécifiques à l'EBV ont été étudiés dans le cadre de la prophylaxie et du traitement de patients TOS et ont effectivement permis de prévenir un PTLD. Les CTL de donneur spécifiques à l'EBV ont également donné de bons résultats, tant dans la prévention que dans le traitement, sans apparition d'une GVHD.Enfin, les CTL d'une tierce partie spécifiques à l'EBV, produits à partir du sang d'individus sains positifs à l'EBV, sont sélectionnés en fonction de la spécificité du virus et d'une compatibilité HLA aussi bonne que possible. Ils sont désormais disponibles, via des banques du sang, pour environ 95 % des patients atteints d'un PTLD. Les études montrent un bon taux de réponse globale chez les receveurs tant d'une GCS que d'une TOS, à savoir entre 50 et 70 %.L'étude ALLELE de phase III, qui est notamment menée à Liège, approfondit actuellement ce point.Les antiviraux ne sont malheureusement pas actifs en cas de PTLD si le virus se trouve en phase latente. Lors d'études en cours, un passage de la phase latente à la phase lytique est induit, puis un antiviral est instauré. Les données en la matière sont encore limitées, mais elles semblent indiquer une efficacité moindre par rapport à l'immunothérapie adaptative.Selon la conclusion du Prof. Dierickx, l'immunothérapie adaptative est sûre et efficace, surtout en cas de PTLD, car cette tumeur est particulièrement immunogène. Les CTL d'une tierce partie spécifiques à l'EBV, en particulier, sont intéressants, car ils peuvent être utilisés à la fois chez les receveurs d'organes solides et chez les receveurs d'une greffe de cellules souches. De plus amples études montreront si, par exemple, des traitements combinés avec les cellules CAR‑T, entre autres, offrent une valeur ajoutée.Le Dr Lewalle a demandé au Prof. Dierickx comment procéder dans la pratique, par exemple si l'on souhaite utiliser des lymphocytes de donneur. Le Prof. Dierickx a répondu que c'est pour cette raison qu'il convient de se tourner davantage vers les CTL d'une tierce partie spécifiques à l'EBV, car ils sont disponibles plus rapidement.Le Dr Lewalle a également demandé si les immunosuppresseurs utilisés par le patient devaient répondre à des critères spécifiques. Il a été répondu qu'il convient de s'efforcer de les réduire autant que possible, mais que le traitement par CTL reste possible, même sans immunosuppresseur.