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À ce jour, dix ADC à peine ont été approuvés en vue d'une utilisation clinique, dont neuf appartiennent à la première génération et un seul à la seconde. Mablink Bioscience est actuellement l'un des trois seuls acteurs au monde à développer des ADC de troisième génération et bénéficie pour cela du soutien de la fondation belge Fournier-Majoie.ADC : les limitations actuellesLe développement de conjugués anticorps-médicaments ou ADC en tant que traitements oncologiques ciblés avance à une vitesse fulgurante. Ces produits se composent d'un anticorps monoclonal (mAb), auquel des médicaments cytotoxiques "désactivés" (la "charge utile") sont couplés au moyen d'un agent de liaison chimique - un système qui permet à l'anticorps, sélectivement dirigé contre certains antigènes ou récepteurs des cellules tumorales, de délivrer l'agent de chimiothérapie de façon extrêmement ciblée. Une fois dans la cellule cancéreuse, le médicament est libéré et voit son potentiel cytotoxique activé.Le développement d'un ADC pleinement fonctionnel et efficace représente toutefois un formidable défi. La sélection de l'antigène, du mAb,de la charge cytotoxique et de la manière dont l'anticorps y est lié (stabilité de l'agent de liaison) sont les principaux facteurs qui déterminent la sécurité et l'efficacité des ADC. Neuf des dix conjugués approuvés jusqu'ici appartiennent à la 1e génération et présentent malheureusement certaines limitations, explique le Dr Warren Viricel, cofondateur et CSO de Mablink Bioscience (Lyon) : "La plupart des ADC de 1e génération sont confrontés à une certaine instabilité de la charge utile dans l'environnement plasmatique. On observe ainsi une fuite d'une partie de la charge utile dans la circulation, ce qui débouche sur une toxicité systémique. En plus, ces ADC présentent une forte hétérogénéité, en ce sens que le nombre de molécules de médicament couplées à un anticorps - exprimé par le rapport médicament-anticorps (drug-to-antibody ratio ou DAR) - n'est pas constant. Il y a aussi une variation des sites de conjugaison où la charge cytotoxique peut être couplé à l'anticorps, ce qui peut influencer les paramètres pharmacologiques du médicament."Les ADC de 2e génération ont été développés en vue d'une meilleure homogénéité et d'une stabilité plasmatique accrues. "Pour ce faire ont été mises au point des techniques de conjugaison spécifiques à des sites bien précis. L'inconvénient est toutefois qu'on est alors limité à deux sites de conjugaison, ce qui débouche sur un DAR plus faible (DAR2 en général)." La majorité de ces ADC ne sont toutefois pas encore approuvés en clinique.PSARlink™Le Dr Viricel a développé une technologie de liaison qui permet d'atteindre un DAR à la fois élevé et homogène (DAR8). Baptisée PSARlink™, cette technologie novatrice repose sur l'agent de liaison polysarcosine, un polymère monodisperse de poids moléculaire homogène qui forme une couche protectrice hydrophile autour des médicaments cytotoxiques hydrophobes. "En augmentant le caractère hydrophile de l'ADC, et en masquant l'hydrophobicité des composés toxiques, nous pouvons coupler une charge utile plus importante sur l'anticorps, accroître sa demi-vie de circulation et minimiser son élimination non-spécifique dans les tissus sains. Ceci permet de délivrer une plus forte dose de médicaments cytotoxiques, en abaissant le risque d'effets secondaires. Cela revient à augmenter l'index thérapeutique."Un large champ d'applicationCette technologie offre un large éventail de possibilités, et peut être utilisée aussi bien avec des molécules cytotoxiques déjà existantes ou nouvelles. Les ADC ainsi générés peuvent traiter indifféremment des tumeurs liquides et solides. En comparaison avec les ADC de 1e et 2e génération, les ADC basés sur la technologie PSARlink™ ont déjà démontré une efficacité anti-tumorale accrue et une tolérabilité plus élevée. De plus, cette plateforme ADC se prête parfaitement à des applications ciblées hors-oncologie, avec la possibilité d'attacher sur un mAb des composés actifs immunostimulants, anti-inflammatoires ou anti-infectieux.Le formidable potentiel de cette technologie n'a pas échappé à la Fondation Fournier-Majoie. "Il n'est pas question ici d'un produit spécifique, mais d'une plateforme technologique avec un large champ d'application", explique Jérôme Majoie, président et CEO de la Fondation Fournier-Majoie. "Les ADC cadrent parfaitement dans l'esprit d'une approche thérapeutique plus spécialisée et plus personnalisée. Nous sommes convaincus que, dans le futur, ces produits seront amenés à avoir un impact majeur sur le traitement des patients atteints de cancers."La Fondation Fournier-Majoie offre à des chercheurs prometteurs un pont vers l'entrepreneuriat, afin de permettre à leurs projets d'atteindre les phases cliniques du développement. Elle se focalise spécifiquement sur l'oncologie.Perspectives"Nous avons actuellement trois candidats médicaments ADC en cours de développement préclinique. Les deux premiers sont destinés au traitement de la leucémie aiguë myéloïde et du myélome multiple. Grâce à un récent tour d'investissements et face à un important besoin de santé non satisfait, nous avons aussi pu débuter le développement d'un candidat ADC ciblant des tumeurs solides. Ce programme est aujourd'hui prioritaire, l'objectif étant de débuter une étude clinique de phase I/II en 2024. Nous pourrons ensuite lancer une étude-pivot de phase II qui, si elle livre les résultats espérés, ferait en sorte que cet ADC pourrait recevoir une approbation précoce dès 2028", avance le Dr Viricel.