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Une équipe d'oncologues néerlandais a interrogé 524 patients souffrant d'un cancer métastatique/inopérable, suivis dans 7 hôpitaux néerlandais. Les patients avaient une survie médiane attendue de ≤ 12 mois. La question centrale de l'enquête était : voulaient-ils connaître leur pronostic ? Et pourquoi (pas) ?L'enquête a montré que 25 à 31 % des patients préféraient ne pas recevoir d'estimation globale de l'espérance de vie ou du risque de décès à 5/2/1 ans. Pour justifier ce choix, ce groupe de patients a plus souvent indiqué qu'il voulait rester optimiste, éviter les informations anxiogènes et qu'il ne comprenait pas bien ces informations. En outre, les chercheurs ont constaté que les femmes, les patients recevant une nouvelle ligne de traitement systémique et les patients ayant une forte combativité étaient plus susceptibles de préférer ne pas connaître leur pronostic.ÉvolutionSelon les chercheurs, les patients dotés d'une forte combativité "tirent peut-être des bénéfices" de l'ignorance, car elle leur permet de garder espoir et de s'accrocher. Toutefois, les médecins doivent se demander si cette préférence pour "l'ignorance pronostique", reposant sur une forte combativité, peut changer. Les auteurs soulignent qu'une telle attitude pourrait bien nuire à l'anticipation de la fin de vie.La volonté des patients de discuter du pronostic peut évoluer avec le temps. C'est pourquoi les médecins feraient bien d'évoquer à plusieurs reprises les préférences concernant les informations pronostiques. Les auteurs de l'étude donnent quelques exemples de la manière dont les médecins peuvent aborder le sujet : "Certaines personnes aiment tout savoir sur leur maladie et sur ce qui pourrait se passer à l'avenir, d'autres préfèrent ne pas trop en savoir. Que souhaitez-vous savoir au sujet de votre pronostic actuellement ?" ou "Au ce sujet de votre pronostic, vous ai-je bien donné toutes les informations dont vous avez besoin ?".Si le patient ne change pas d'avis, et souhaite rester dans l'ignorance, les médecins peuvent envisager de négocier afin de recevoir l'autorisation de lui donner des informations limitées, indiquent les chercheurs, ce qui permettra de prendre des décisions éclairées sur les meilleurs soins (futurs) possible.Une autre approche, disent-ils, consiste à discuter de la planification des soins en cas de détérioration hypothétique, de sorte que les médecins puissent (tout de même) se faire une idée des souhaits des patients, sans faire d'estimations pronostiques.AmbivalenceLes chercheurs notent également que les patients qui préfèrent ne pas connaître leur pronostic sont généralement plus susceptibles d'être favorables aux raisons de recevoir des informations complètes sur le pronostic que des informations limitées. Ainsi, les patients qui préfèrent ne pas connaître leur espérance de vie reconnaissent la pertinence des informations médicales, par exemple pour avoir un sentiment de contrôle. Selon les auteurs, il convient de prêter attention aux attitudes ambivalentes des patients lorsqu'il s'agit de communiquer sur le pronostic, car les patients sont souvent partagés entre désir de clarté, d'une part, et besoin d'espoir, d'autre part. Ainsi, les médecins peuvent expliquer les différents types d'informations pronostiques qui existent, comme l'espérance de vie, le risque de décès, la probabilité d'événements, les estimations ponctuelles, les délais, les scénarios multiples, des mots, des chiffres.Toutefois, selon les chercheurs, les médecins participant à l'étude ignoraient souvent les préférences des patients en matière d'informations pronostiques. "Ils n'ont peut-être pas évalué les besoins d'information des patients", tentent d'expliquer les auteurs, liant ceci à une possible réticence des médecins lorsqu'il s'agit d'aborder le pronostic.Les chercheurs soulignent toutefois qu'il convient d'interpréter ce résultat avec prudence. "Ainsi, les contacts entre médecins et patients peuvent être limités, car certains patients ont consulté plusieurs médecins et la participation à l'étude n'était pas liée à un moment précis de la trajectoire de la maladie."Sous-estimationNéanmoins, ils encouragent (à nouveau) leurs confrères à s'enquérir de manière explicite et répétée des préférences des patients en matière d'informations pronostiques et de motivations. En effet, "nous avons démontré que, dans un pays occidental sécularisé, une proportion significative de patients préfère ne pas connaître le pronostic". Selon les auteurs, il pourrait même s'agir d'une sous-estimation, car les patients qui évitent les informations inquiétantes sont plus susceptibles de refuser de participer à une telle étude.En outre, l'étude se limite à la population néerlandaise, qui est occidentale, largement non religieuse et connue pour sa franchise. "Le désir de ne pas connaître le pronostic pourrait être encore plus marqué dans d'autres pays", estiment les chercheurs.