2021 est l'année de la percée de l'immunothérapie en oncologie digestive. Il n'est donc pas étonnant que le congrès annuel du BGDO, qui s'est tenu virtuellement le 15 janvier, ait traité ce sujet.
...
Nous vous donnons ici un résumé des exposés cliniques des Prs Marc Peeters (UZ Antwerpen), Eric Van Cutsem (UZ Leuven) et Karen Geboes (UZ Gent), ainsi que de la présentation du Pr Lieven Annemans (UGent) sur les aspects liés à l'économie de la santé. Le Pr Peeters a abordé les critères de remboursement et les preuves sur lesquelles ceux-ci reposent. ? AdjuvantL'assurance soins de santé octroie un remboursement pour le nivolumab en monothérapie comme traitement adjuvant des patients atteints d'un carcinome de l'oesophage ou de la GEJ, tel que le carcinome épidermoïde, qui présentent encore une maladie résiduelle après un traitement néoadjuvant avec chimioradiothérapie (CRT)*. Cette approbation repose sur l'étude CheckMate 577 de phase III 1, qui a testé le nivolumab en adjuvant vs placebo dans cette indication, démontrant une amélioration significative de la survie sans maladie (DFS) avec le nivolumab. ? Première ligneLe pembrolizumab, en association avec la chimiothérapie (CT) à base de fluoropyrimidine (FP) + platine, est remboursé en traitement de 1re ligne du carcinome de l'oesophage localement avancé inopérable ou métastatique ou de l'adénocarcinome de la GEJ HER-2 négatif avec un CPS PD-L1 > 10**. Ce remboursement découle de l'étude KEYNOTE-590 2, qui a montré que le pembrolizumab + CT donnait lieu à une meilleure survie globale (OS) que le placebo + CT chez les patients atteints d'un carcinome épidermoïde avancé non traité de l'oesophage (tous/CPS PD-L1 > 10) et, indépendamment de l'histologie, d'une tumeur de l'oesophage ou de la GEJ (tous/CPS PD-L1 > 10). L'avantage d'OS était supérieur chez les patients atteints d'une tumeur avec un CPS PD-L1 > 10. ? Deuxième ligneLe nivolumab est remboursé pour le traitement des patients atteints d'un carcinome épidermoïde de l'oesophage inopérable, avancé, récidivant ou métastatique, après un traitement à base de fluoropyrimidine et de platine*. Cette autorisation est basée sur les résultats de l' essai ATTRACTION-3 3 qui a montré la supériorité du nivolumab par rapport aux taxanes en deuxième ligne, indépendamment du statut PD-L1. ? Première ligneLe nivolumab en combinaison avec la CT par FP + platine est également remboursé en 1re ligne pour l'adénocarcinome avancé ou métastatique de l'estomac, de GEJ ou de l'oesophage. L'adénocarcinome doit être HER2 négatif et exprimer le PD-L1 avec un CPS > 5*. Cette décision fait suite aux résultats de l'étude CheckMate 649 4 qui a démontré que les patients répondant à ces critères présentaient une OS et une survie sans progression (PFS) plus longues avec la CT + nivolumab qu'avec la CT seule. Un remboursement est prévu pour le pembrolizumab en monothérapie dans le traitement de 1re ligne du CCRm MSI-H/dMMR chez les patients adultes**. Le remboursement repose sur l'étude KEYNOTE-177 de phase III 5, qui a comparé le pembrolizumab et la CT +/- thérapie ciblée dans le traitement du CCRm MSI-H/ dMMR et a mis en évidence une PFS significativement meilleure dans le bras recevant l'immunothérapie. L'assurance soins de santé octroie un remboursement pour l'atézolizumab en combinaison avec le bévacizumab dans le traitement des adultes atteints d'un carcinome hépatocellulaire (CHC) Child Pugh A avancé ou inopérable, qui n'ont pas reçu de traitement systémique précédemment***. Ce remboursement est basé sur les résultats de l'étude IMbrave150 6 qui a montré que ce schéma donnait lieu à une OS et une PFS significativement meilleures, par rapport au sorafénib, dans le CHC non résécable. Le Pr Van Cutsem s'est intéressé aux défis de l'immunothérapie en oncologie digestive. Nous nous limitons ici à une sélection. ? Pembrolizumab dans le CCRm MSI-H: pas toujours un succèsSur la base des résultats de l'étude KEYNOTE-177 (5), le pembrolizumab est le traitement de 1re ligne standard chez les patients atteints d'un CCRm MSI-H. Une progression rapide après le démarrage (résistance primaire) et une récidive après une réponse (résistance secondaire) continuent de poser un défi. Selon certaines indications, des traitements combinés peuvent briser les mécanismes de la résistance. Le Pr Van Cutsem a mentionné à cet égard l'étude CheckMate-142, lors de laquelle des cohortes traitées par nivolumab + ipilimumab (nivo/ipi) tant en 1re ligne 7 que plus tard ont présenté un taux de réponse élevé. ? Traitement néoadjuvant par nivo/ipi: prometteurLors de l' essai NICHE 8, l'administration en néoadjuvant d'ipi (1 x)/nivo (2 x) à des patients atteints d'un carcinome colorectal à un stade précoce a entraîné une réponse pathologique prometteuse dans les tumeurs dMMR. Sur les 20 patients, 19 ont présenté une réponse majeure et 12 une réponse pathologique complète. Ces résultats offrent des perspectives, en particulier chez les patients atteints d'une tumeur rectale dMMR, a conclu le Pr Van Cutsem. ? Le CCRm MSS/dMMR reste froid95% des patients atteints d'un CCRm présentent une tumeur MSS/dMMR qui répond sporadiquement à l'immunothérapie. Un grand défi reste de passer d'une tumeur MMS immunorésistante "froide" à une tumeur immunosensible "chaude". Des essais testent des anti-PD-L1 ou anti-PD-1 en association avec des anti-CTLA-4 et des inhibiteurs de tyrosine kinase. Les combinaisons avec le régorafénib 9 et le lenvatinib 10 ont montré un signe d'activité. ? Expression du PD-L1: le chaos?L'expression du PD-L1 est un biomarqueur prédictif pour les inhibiteurs de point de contrôle dans les tumeurs de l'oesophage et de l'estomac. La détermination et l'interprétation du test nécessaire pour le remboursement de l'immunothérapie en 1re ligne suscitent une certaine confusion. Les kits de test et les valeurs limites diffèrent. En outre, le résultat dépend de l'investigateur, ainsi que du moment et de la localisation du prélèvement de tissu. Le chaos n'est pas complet, a conclu le Pr Van Cutsem, mais l'expertise de l'anatomopathologiste est indispensable et une standardisation des tests est nécessaire. ? MSI-H?MSI-H identifie un petit sous-groupe de tumeurs qui répondent bien au traitement par inhibiteurs de point de contrôle. Lors de l'étude CheckMate-649, l'OS médiane a atteint 38,7 mois dans le groupe recevant la CT + nivolumab (11). Le Pr Van Cutsem a plaidé pour le remboursement en cas de tumeur MSI-H, indépendamment du statut PD-L1. ? Inhibiteurs de HER2 et immunothérapie unissent leurs forcesUne analyse intermédiaire de l'étude KEYNOTE-81112 a montré que les patients atteints d'un adénocarcinome de l'estomac ou de la GEJ avec amplification de HER2 présentaient une réponse de 74,4% avec le traitement par FP + cisplatine + trastuzumab, contre 51,9% avec le traitement par trastuzumab. Ces résultats sont prometteurs mais incomplets. Il est donc trop tôt pour les mettre en pratique, a souligné le Pr Van Cutsem. Il a conclu avec une mise à jour de l'algorithme de l'ESMO pour le traitement du carcinome gastrique métastatique et y a adjoint des remarques personnelles s'appuyant sur des preuves (Fig. 1). La Pr Karen Geboes a commenté les effets indésirables de l'immunothérapie (irAE), qui peuvent survenir dans tout organe ou tissu. Les irAE se manifestent généralement au niveau de la peau, du côlon, des organes endocriniens, du foie et des poumons. D'autres sont plus rares mais graves, voire mortels, comme les troubles neurologiques et la myocardite. Les irAE sont les plus fréquents au cours des premières semaines à trois mois après le début du traitement, mais ils peuvent survenir à tout moment, même longtemps après l'arrêt du traitement 13. ? Un bon départAvant le début du traitement, il est recommandé d'évaluer si le patient présente un risque élevé de maladies auto-immunes. En plus des tests de routine, y compris les tests de la fonction hépatique et pancréatique, la Pr Geboes a particulièrement mentionné les tests endocriniens. Comme dépistage hormonal, elle a conseillé un examen de la fonction thyroïdienne et surrénalienne, ainsi que de l'axe gonadotrope. Elle conseille un examen de suivi toutes les six semaines. ? Restez vigilantIl est important de reconnaître et de traiter tôt les symptômes des irAE, a souligné la Pr Geboes. Nous devons faire preuve d'une grande suspicion en présence de symptômes aspécifiques, tels qu'une modification du transit intestinal, une toux, une céphalée, des nausées, une éruption cutanée, une fatigue, une douleur musculaire ou articulaire, une faiblesse musculaire ou une perte de poids. ? Consultez les directivesDes directives sont disponibles pour la prise en charge des irAE. La Pr Geboes a notamment mentionné à cet égard les directives de l'ESMO, du NCCN, de l'ASCO et, en particulier, de la BSMO. L' Immuno Task Force de la BSMO a élaboré le site Internet " ImmunoManager" (www.bsmo.be/immunomanager/start). Le forum électronique offre également la possibilité de discuter virtuellement de cas rares ou complexes d'irAE. ? Concertation pluridisciplinaireLa Pr Geboes a insisté, à l'aide de cas, sur l'importance de l'approche pluridisciplinaire et de la concertation avec des confrères expérimentés en matière d'immunothérapie ainsi qu'avec des spécialistes des organes.