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D'emblée, le président du GBO soupire. "Ce qui manque dans ce pays, souvent, c'est une concertation entre protagoniste. On prend une mesurette, sans prendre le temps de se dire: ' Tant qu'à réformer, n'y aurait-il pas une mesure plus profonde à envisager? ' Auquel cas, il faut mettre autour de la table les professionnels concernés pour qu'ils puissent envisager une vraie réforme quant au partage des tâches en première ligne." Dans le cas de la vaccination par les pharmaciens étendue au vaccin antigrippe, le projet de loi a été déposé par le ministre de la Santé au coeur de l'été, soit bien avant la concertation entre médecins et pharmaciens qui s'est déroulée... ce mardi[1]. "Lors de la réunion que nous avons eue avec le ministre avant les congés parlementaires pour échanger sur une série de dossiers, dont celui de la vaccination par les pharmaciens que le ministre a lui-même mis sur la table, je lui ai demandé s'il savait qu'il existe une Concertation médico-pharmaceutique. Le cabinet n'était visiblement pas au courant", rembobine le Dr De Munck. "Nous avons créé cette ASBL, qui travaille depuis plusieurs années déjà, pour mettre autour de la table les pharmaciens et les médecins, justement pour aborder les questions de partage des tâches ou la réalisation d'outils (schéma de médication, projet Vidis...) Le chef de cabinet du ministre, Jan Bertels, a bien pris note et l'ASBL a reçu dans la foulée une invitation du ministre à organiser une réunion avec des membres du cabinet." La concertation ne changera sans doute rien à l'avancement du projet ministériel. "J'ai dit au ministre que s'il forçait la main aux médecins, il risquait de nuire à la qualité du dialogue entre médecins et pharmaciens, alors que nous voulons tout le contraire", regrette le Dr De Munck. "Le partage des tâches ne doit pas être une question taboue, mais il faut une saine concertation, et non nous mettre devant le fait accompli. Ce n'est pas une posture corporatiste du genre 'Il n'y a que les médecins qui peuvent vacciner' - d'ailleurs, dans la loi, les infirmiers le peuvent aussi, et nous ne nous sommes pas opposés au fait que les pharmaciens puissent vacciner contre le covid dans le cadre d'une stratégie de lutte en pleine pandémie, parce qu'il fallait aller vite. Mais nous ne sommes plus dans un contexte pareil." La démarche, unilatérale, soulève d'autres questions: les pharmaciens pourront-ils administrer d'autres vaccins demain, vu que la couverture vaccinale est aussi insuffisante pour la rougeole, par exemple? Et quid de l'information dans le dossier des patients auquel les pharmaciens n'ont pas (encore) accès? Comment le médecin saura-t-il que son patient a été vacciné? Et est-ce le rôle du pharmacien de faire le tri entre patients vaccinables ou non? "Enfin, quel est le projet en termes de santé publique et d'organisation des structures de soins derrière tout ça?", s'inquiète le président du GBO. "Les officines pourraient-elles devenir de mini-dispensaires? Je suis prêt à débattre de tout, mais alors ça doit être très clair et il y a des conditions. Nous ne défendons par exemple pas que les pharmacies telles qu'elles sont organisées aujourd'hui - qui vendent bien d'autres choses que des médicaments reconnus par l'évidence scientifique - soient progressivement transformées en dispensaires de première ligne. Mais si, encore une fois, c'est le projet, discutons-en cartes sur table."