Si les corticostéroïdes inhalés jouent un rôle important, il apparaît que leurs formes orales et systémiques n'ont pas complètement disparu de la pratique clinique. Une bonne, ou une mauvaise chose? L'avis de Rudi Peché, qui dirige le service de pneumologie au CHU Charleroi-Chimay.

"Il faut faire la distinction entre asthme sévère et asthme difficile à traiter", souligne le pneumologue. "De nombreux cas d'asthme que nous pensons sévères sont le plus souvent des asthmes difficiles à traiter, par exemple à cause d'une mauvaise adhérence au traitement, en utilisant mal l'inhalateur, avec une éviction insuffisante des allergènes (literie non traitée dans les cas d'allergie aux acariens, notamment), en présence de comorbidités telles qu'un reflux gastro- oesophagien ou une sinusite, avec un tabagisme toujours présent, etc."

Dans l'asthme, une corticothérapie par voie orale ou systémique ne devrait pratiquement plus jamais être prescrite.

C'est seulement quand ce tri anamnestique est fait qu'on peut penser à l'éventualité d'un asthme sévère, correspondant aux critères évoqués dans les recommandations GINA 2023 à ce sujet [1]. "Le patient est-il bien traité par une association ICS/LABA à haute dose, a-t-il déjà pris au moins deux cures de corticoïdes per os, a-t-il dû être hospitalisé à cause de son asthme, a-t-il une altération de la fonction pulmonaire? Ensuite, la démarche consiste à vérifier si le patient est de type T2high ou T2low." L'inflammation de type 2 ou T2high, définie par une production de cytokines T2, est l'endotype d'asthme le plus fréquent et le mieux connu.

"En présence d'un patient T2high, on réalisera son phénotypage, qui sera plutôt éosinophilique et/ou allergique, et on peut aussi calculer le taux de NO exhalé - ce que les médecins généralistes ne sont pas encore en mesure de faire. Cela permettra de déterminer le mécanisme sous-jacent à sa maladie. À ce moment, on pourra sélectionner le traitement adéquat, soit sous la forme d'antiallergiques, soit d'anti- éosinophiliques, soit autre. Et le choix est assez large en Belgique, avec six médicaments remboursés actuellement."

Par contre, pour les patients T2low, les options thérapeutiques actuelles sont peu nombreuses, et ils seront principalement aidés par la cessation tabagique, la perte de poids ou, éventuellement, par la prescription d'un macrolide. Nous sommes dans l'attente de solutions biologiques pour cette population.

En 2022, le New England Journal of Medicine a publié un article rédigé par Guy Brusselle (UGhent) et Gerard Koppelmann (RU Groningue), qui propose un algorithme décisionnel au sujet du traitement biologique de l'asthme sévère [2].

La cortisone, une vieille histoire

Auparavant, les pneumologues rencontraient fréquemment des patients sous corticothérapie au long cours, que ce soit par cures dirigées par leur médecin ou prises spontanément, sans avis médical. "Je me rappelle notamment d'un patient asthmatique qui prenait de la cortisone avant de tondre son gazon", témoigne le spécialiste. "Certains patients étaient également traités par des injections mensuelles de cortisone sous forme dépôt. C'est heureusement devenu moins fréquent, mais cela peut encore s'observer occasionnellement."

Historiquement, les corticoïdes ont aidé et même sauvé de nombreuses personnes, mais au prix d'effets indésirables importants. Ainsi, plusieurs publications dont celle de David Price en 2018 [3] ont mis en évidence que deux ou trois cures de corticoïdes oraux prises au cours d'une vie pouvaient déjà entraîner des effets secondaires.

"Il faut donc faire prendre conscience tant aux patients qu'à leur famille et leur médecin généraliste ou spécialiste qu'il faut penser aux autres solutions possibles, et qu'une corticothérapie par voie systémique même courte n'est pas anodine. Nous disposons actuellement de médicaments biologiques efficaces notamment en rhumatologie, en pneumologie, en ORL et en gastro-entérologie. Certains médicaments, agissant sur l'inflammation de type T2, peuvent d'ailleurs traiter à la fois un asthme et une pathologie relevant d'un autre système organique (polyposes, oesophagite à éosinophiles, dermatites...)."

Et de conclure qu'au moins dans l'asthme, "une corticothérapie par voie orale ou systémique ne devrait pratiquement plus jamais être prescrite."

[1] Diagnosis and management of difficult-to-treat & severe asthma. GINA 2023. https://ginasthma.org/severeasthma

[2] Brusselle GG, Koppelman GH. Biologic Therapies for Severe Asthma. N Engl J Med. 2022 Jan 13 ; 386(2): 157-171. doi: 10.1056/NEJMra2032506.

[3] Price DB et al. Adverse outcomes from initiation of systemic corticosteroids for asthma: long-term observational study. J Asthma Allergy. 2018 Aug 29 ; 11: 193-204. doi: 10.2147/JAA.S176026.

L'évolution de la terminologie

Auparavant, il était question d'asthme intermittent versus persistant (léger, modéré ou sévère).

"On est passés ensuite à la notion de contrôle, avec l'asthme contrôlé versus non contrôlé (en notant qu'un asthme sévère peut être contrôlé et qu'un asthme léger peut ne pas être contrôlé). Actuellement, l'accent est aussi mis sur le phénotypage: éosinophilique ou allergique, contrôlé ou non contrôlé."

Si les corticostéroïdes inhalés jouent un rôle important, il apparaît que leurs formes orales et systémiques n'ont pas complètement disparu de la pratique clinique. Une bonne, ou une mauvaise chose? L'avis de Rudi Peché, qui dirige le service de pneumologie au CHU Charleroi-Chimay. "Il faut faire la distinction entre asthme sévère et asthme difficile à traiter", souligne le pneumologue. "De nombreux cas d'asthme que nous pensons sévères sont le plus souvent des asthmes difficiles à traiter, par exemple à cause d'une mauvaise adhérence au traitement, en utilisant mal l'inhalateur, avec une éviction insuffisante des allergènes (literie non traitée dans les cas d'allergie aux acariens, notamment), en présence de comorbidités telles qu'un reflux gastro- oesophagien ou une sinusite, avec un tabagisme toujours présent, etc." C'est seulement quand ce tri anamnestique est fait qu'on peut penser à l'éventualité d'un asthme sévère, correspondant aux critères évoqués dans les recommandations GINA 2023 à ce sujet [1]. "Le patient est-il bien traité par une association ICS/LABA à haute dose, a-t-il déjà pris au moins deux cures de corticoïdes per os, a-t-il dû être hospitalisé à cause de son asthme, a-t-il une altération de la fonction pulmonaire? Ensuite, la démarche consiste à vérifier si le patient est de type T2high ou T2low." L'inflammation de type 2 ou T2high, définie par une production de cytokines T2, est l'endotype d'asthme le plus fréquent et le mieux connu. "En présence d'un patient T2high, on réalisera son phénotypage, qui sera plutôt éosinophilique et/ou allergique, et on peut aussi calculer le taux de NO exhalé - ce que les médecins généralistes ne sont pas encore en mesure de faire. Cela permettra de déterminer le mécanisme sous-jacent à sa maladie. À ce moment, on pourra sélectionner le traitement adéquat, soit sous la forme d'antiallergiques, soit d'anti- éosinophiliques, soit autre. Et le choix est assez large en Belgique, avec six médicaments remboursés actuellement." Par contre, pour les patients T2low, les options thérapeutiques actuelles sont peu nombreuses, et ils seront principalement aidés par la cessation tabagique, la perte de poids ou, éventuellement, par la prescription d'un macrolide. Nous sommes dans l'attente de solutions biologiques pour cette population. En 2022, le New England Journal of Medicine a publié un article rédigé par Guy Brusselle (UGhent) et Gerard Koppelmann (RU Groningue), qui propose un algorithme décisionnel au sujet du traitement biologique de l'asthme sévère [2]. Auparavant, les pneumologues rencontraient fréquemment des patients sous corticothérapie au long cours, que ce soit par cures dirigées par leur médecin ou prises spontanément, sans avis médical. "Je me rappelle notamment d'un patient asthmatique qui prenait de la cortisone avant de tondre son gazon", témoigne le spécialiste. "Certains patients étaient également traités par des injections mensuelles de cortisone sous forme dépôt. C'est heureusement devenu moins fréquent, mais cela peut encore s'observer occasionnellement." Historiquement, les corticoïdes ont aidé et même sauvé de nombreuses personnes, mais au prix d'effets indésirables importants. Ainsi, plusieurs publications dont celle de David Price en 2018 [3] ont mis en évidence que deux ou trois cures de corticoïdes oraux prises au cours d'une vie pouvaient déjà entraîner des effets secondaires. "Il faut donc faire prendre conscience tant aux patients qu'à leur famille et leur médecin généraliste ou spécialiste qu'il faut penser aux autres solutions possibles, et qu'une corticothérapie par voie systémique même courte n'est pas anodine. Nous disposons actuellement de médicaments biologiques efficaces notamment en rhumatologie, en pneumologie, en ORL et en gastro-entérologie. Certains médicaments, agissant sur l'inflammation de type T2, peuvent d'ailleurs traiter à la fois un asthme et une pathologie relevant d'un autre système organique (polyposes, oesophagite à éosinophiles, dermatites...)." Et de conclure qu'au moins dans l'asthme, "une corticothérapie par voie orale ou systémique ne devrait pratiquement plus jamais être prescrite." [1] Diagnosis and management of difficult-to-treat & severe asthma. GINA 2023. https://ginasthma.org/severeasthma [2] Brusselle GG, Koppelman GH. Biologic Therapies for Severe Asthma. N Engl J Med. 2022 Jan 13 ; 386(2): 157-171. doi: 10.1056/NEJMra2032506. [3] Price DB et al. Adverse outcomes from initiation of systemic corticosteroids for asthma: long-term observational study. J Asthma Allergy. 2018 Aug 29 ; 11: 193-204. doi: 10.2147/JAA.S176026.