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GORTEC 2015-01, étude randomisée de phase II " Pembro-Rad ", a été la première à évaluer l'administration concomitante de pembrolizumab (pembro) avec une radiothérapie (RT) chez des patients avec carcinome épidermoïde de la tête et du cou localement avancé (LA-HNSCC) (1). 133 patients, inéligibles au cisplatine à haute dose et sans traitement antérieur, ont été randomisés (1: 1) pour recevoir 3 cycles de cétuximab (dose de charge 400 mg/m2, puis 250 mg/m2/semaine) + IMRT (69,69 Gy/33 Fr) ou l'association pembro (200 mg Q3W) + IMRT (69,69 Gy/33 Fr). La médiane de suivi était de 25,6 mois. En dépit des résultats prometteurs du pembro dans le HNSCC récidivant et métastatique (R/M), aucun bénéfice n'a été trouvé dans cette population d'étude après ajout du pembro à la RT par rapport au traitement de référence. Le critère d'évaluation principal était le contrôle locorégional (LCR) à 15 mois après la RT: il était respectivement à 59% et 60% pour le bras cétuximab et pour le bras pembro (OR 1,05 ; p=0,91), avec aucune différence en termes de survie globale (OS) à 2 ans ou la survie sans progression (PFS). Le profil de sécurité était cependant légèrement moins favorable dans le bras cétuximab, avec des effets indésirables de grade ≥ III (principalement une toxicité cutanée). La question était de savoir si l'association de 3 cycles de pembro + RT était suffisante et si une sélection des patients sur la base de l'expression de PDL-1 était nécessaire. JAVELIN Head & Neck 100 est la première étude randomisée de phase III ayant testé un inhibiteur de points de contrôle immunitaire en association avec une chimio-radiothérapie (CRT) (2). 697 patients à haut risque avec LA-HNSCC ont été randomisés (1: 1) pour recevoir soit le traitement de référence par cisplatine (100 mg/m2) + IMRT (70 Gy/35 Fr/7 semaines), soit l'association avélumab (10 mg/kg Q2W) + cisplatine (100 mg/m2 Q3W) + IMRT (70 Gy/35 Fr/7 semaines). Les sujets du bras avélumab ont reçu une dose de charge d'avélumab la semaine précédente, ainsi qu'une dose d'entretien (10 mg/kg IV Q2W) jusqu'à 1 an. L'étude a été interrompue lors de l'analyse intermédiaire: l'association avélumab + CRT n'a pas amélioré significativement la PFS (critère d'évaluation principal), par rapport à l'association placebo + CRT. Le profil de sécurité n'était pas davantage favorable. Les données actualisées à 3 ans de l'étude de phase II avec Debio 1143 (xévinapant), un antagoniste d'IAP (protéine inhibitrice de l'apoptose) ont également été présentées (3). 96 patients à haut risque (gros fumeurs, > 80% de stade III, > 80% des OPV étaient HPV-) avec LA-HNSCC non résécable ont été randomisés (1: 1) pour recevoir soit l'association cisplatine haute dose + CRT + placebo, soit l'association CRT + Debio 1143 (200 mg/j Q3W). Les résultats du suivi de 2 ans, présentées lors de l'ESMO 2019, révélaient une amélioration significative (21%) du LRC à 18 mois et une amélioration clinique et statistiquement significative de la PFS (à 24 m) sous traitement par xévinapant (4). Le profil de sécurité était également très bon. Après un suivi de 3 ans, la supériorité de l'association Debio 1143 + CRT sur la CRT + placebo a été confirmée. Le LRC à 36 mois se montait à 78% et 56%, respectivement, pour le bras Debio et pour le bras témoin (HR: 0,47 ; p=0,095). Le risque de progression de la maladie était réduit de 66% par le xévinapant (HR: 0,34 [IC 95% 0,17-0,68] p=0,0023) et la PFS à 36 mois s'élevait à 72% et 36%, respectivement, pour le bras Debio et pour le bras témoin. L'OS à 3 ans était significativement et cliniquement améliorée (66% vs 51% en faveur du xévinapant), avec une réduction de 51% du risque de décès (HR: 0,49 [IC 95% 0,26-0,92] p=0,0261), et sans toxicité grave augmentée. L'investigateur responsable, le Pr Jean Bourhis (Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, Suisse) remarque que c'est certainement la première fois, en 30 ans, qu'un tel bénéfice de survie est observé dans ce type de cancer, par rapport à l'association cisplatine-RT. Trilynx, l'étude confirmative de phase III, est actuellement en cours. De très bonnes réponses ont été obtenues avec une immunothérapie (IO) néoadjuvante dans IMCISION, une étude de phase Ib/IIa à petite échelle (5). 32 patients HNSCC (T2-4, N0-3, M0 ; 31 HPV-) ont été inclus pour subir une chirurgie curative ou une chirurgie de sauvetage + une RT postopératoire. 6 patients ont reçu du nivolumab (240 mg aux semaines 1 et 3) et 26 ont reçu l'association nivolumab (à la même dose) + ipilimumab (1 mg/kg) à la semaine 1 avec le nivolumab à la semaine 3, la chirurgie étant réalisée à la semaine 5. Au final, 29 patients ont pu subir l'intervention. La phase I de l'étude comptait 6 patients pour chaque option de traitement, tandis que l'association nivo+ipi était la seule option utilisée pour la phase II. Des examens d'imagerie et des biopsies tumorales ont été effectués à l'inclusion et à la semaine 4 afin de déterminer les réponses tumorales et les biomarqueurs en corrélation. La phase I a évalué le profil de sécurité et la faisabilité (pas de report (> 1s) de chirurgie lié à l'immunité). 38% avaient des effets indésirables liés à l'immunité de grade III-IV, mais qui étaient contrôlables, selon le Dr Lotje Zuur (Nederlands Kanker Instituut), investigatrice principale. Les interventions chirurgicales n'ont jamais dû être reportées en raison des effets indésirables liés à l'immunité. La phase II a ensuite examiné la réponse pathologique (pR). 31% avaient une pR (quasi-)complète (pR ≥ 90%) au niveau de la tumeur primitive, et 31% avaient une pR entre 20 et 89%. Après 14 mois de suivi, la survie sans récidive (RFS) était de 100% parmi les patients avec une pR (quasi-)complète, ce qui était significativement mieux que les patients avec une pR < 90% (p<0,05). Le pourcentage de différence au niveau de la glycolyse lésionnelle totale (TLG) à l'examen FDG-PET permettait d'identifier les patients avec une pR quasi-complète. Par ailleurs, les investigateurs ont vu aussi bien des patients ayant une pR quasi-complète au niveau de la tumeur primitive et une réponse partielle/nulle dans les ganglions lymphatiques métastasés, que l'inverse. Le Dr Zuur souligne qu'on ignore encore s'il s'agit de véritables réponses immunitaires ou d'une réponse tardive à l'IO. Le score positif combiné (CPS) n'a eu aucune valeur prédictive de la réponse au traitement. En revanche, une augmentation des cellules CD8+ et CD3+ a été enregistrée chez les patients ayant une grande pR (MPR), malgré l'absence de correction pour tests multiples. La charge tumorale mutationnelle (TMB) n'était pas davantage prédictive de la réponse au traitement. Une hausse de la signature mutationnelle de la famille AID/APOBEC (signature COSMIC 2) était cependant fortement corrélée à une MPR à un stade précoce du traitement néoadjuvant par nivolumab (avec ou sans ipi). Dans cette étude, la signature COSMIC 2 était également corrélée à la TMB. Enfin, l'expression de gènes par l'hypoxie à l'inclusion n'était pas non plus prédictive, alors qu'une corrélation a été établie entre les MPR, une diminution de l'expression de gènes par l'hypoxie et une augmentation de l'expression de gènes dans les cellules endothéliales après ICB. Le Dr Zuur en conclut que le profil mutationnel tumoral initial associé à la famille AID/APOBEC, la δTLG à l'examen FDG-PET et la diminution de l'expression de gènes par l'hypoxie devront être validés pour pouvoir évaluer leur potentielle valeur de biomarqueur d'une MPR à un stade précoce du traitement par nivolumab dans le HNSCC avancé. 1. Tao Y, et al. Annals of Oncology 2020 ; 31 (suppl_4): S1142-S1215. 10.1016/annonc/annonc325 2. Cohen EE, et al. Annals of Oncology 2020 ; 31 (suppl_4): S599-S628. 10.1016/annonc/annonc277 3. Bourhis J, et al. Annals of Oncology 2020 ; 31 (suppl_4): S1142-S1215. 10.1016/annonc/annonc325 4. Sun X-S, et al. Lancet Oncol 2020 ; 21: 1173-1187 5. Zuur L, et al. Annals of Oncology 2020 ; 31 (suppl_4): S1142-S1215. 10.1016/annonc/annonc325