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Le Pr Van den Eynde est revenu sur les nouvelles données relatives aux tumeurs de l'oesophage, de la jonction gastro-oesophagienne (JGO) et de l'estomac, qui confirment la place de l'immunothérapie dans le traitement. L'étude CheckMate 648 1 a évalué l'immunothérapie en 1re intention dans le carcinome épidermoïde de l'oesophage (ESCC). Cette étude de phase III a randomisé 970 patients atteints d'un ESCC avancé, récurrent ou métastatique, non résécable, dans trois bras: le groupe témoin recevait une chimiothérapie (CT) à base de cisplatine-5FU, le 2e groupe la CT + nivolumab (nivo) et le 3e groupe une immunothérapie combinant nivo + ipilimumab (ipi). Dans le groupe exprimant le PD-L1 avec un TPS (tumor proportion score) ? 1 (n = 315), tant la survie sans progression (PFS - médiane de 6,9 vs 4,4 mois ; HR 0,65, p 0,0023) que la survie globale (OS - médiane de 15,4 vs 9,1 mois ; HR 0,54, p < 0,0001) étaient statistiquement meilleures dans le groupe CT + nivo, par rapport à la CT seule. Chez tous les patients (n = 645 ; 329 PD-L1 < 1), cette différence était moins marquée, en accord avec l'observation d'absence de différence significative en matière d'OS dans l'analyse du sous-groupe présentant une expression tumorale du PD-L1 < 1. Le bras 3, traité par nivo + ipi, a vu son OS statistiquement meilleure que le bras témoin, tant chez les patients présentant une expression tumorale du PD-L1 ? 1 (médiane de 13,7 vs 9,1 mois ; HR 0,64, p = 0,001) que lors de l'évaluation de tous les patients. Ici également, aucun avantage en termes d'OS n'a été observé dans le sous-groupe de patients avec une expression du PD-L1 < 1. Notons que dans le bras immunothérapie, il n'y avait pas de différence significative de PFS, pas même chez les sujets présentant une expression du PD-L1 ? 1 (médiane de 4 vs 4,4 mois ; HR 1,02, p 0,8958). L'étude ESCORT2 est une étude chinoise qui montre des résultats similaires pour le camrélizumab, un anticorps anti-PD1, en 1re intention dans l'ESCC. Ces études dans le prolongement des résultats de l'étude KEYNOTE-590 ( Lancet 2021) confirment le rôle de l'immunothérapie en association avec la CT dans le traitement de 1re intention standard de l'ESCC. En 2e intention, l'étude RATIONALE-202 3, également une étude chinoise de phase III, a confirmé l'efficacité de l'anticorps anti-PD- L1 (tislelizumab) dans l'ESCC, déjà objectivée précédemment dans les études ATTRACTION-3 ( The Lancet Oncol. 2019) et KEYNOTE-181 ( J. Clin. Oncol. 2020). L'étude CheckMate 649 ( Lancet. 2021) a été la première à démontrer l'efficacité de l'immunothérapie en 1re intention dans le traitement des carcinomes avancés de l'estomac et de la JGO. Ces patients qui exprimaient le PD-L1 avec un CPS (combined positive score) ? 5 présentaient une OS et une PFS plus longues avec la CT + nivo, par rapport à la CT seule.Bien qu'une survie significativement meilleure ait également été observée lors de l'évaluation de tous les patients, indépendamment de l'expression du PD-L1, l'indication chez les patients présentant un score plus faible d'expression du PD-L1 reste controversée. Lors de l'ASCO 2021, Moehler 4 a soumis de nouvelles données montrant que le sous-groupe de patients (606/1561) présentant une expression du PD-L1 < 5 ne tirait pas d'avantage en matière de PFS ou d'OS avec l'ajout du nivo à la CT. L'étude CheckMate 577 ( New Eng J Med 2021) a montré que le nivo en adjuvant améliorait significativement la survie sans maladie (DFS) par rapport au placebo lorsqu'il était administré aux patients après une radiochimiothérapie et une chirurgie de l'oesophage et de la JGO (tant adénocarcinome que carcinome épidermoïde) avec maladie résiduelle pathologique. Kelly 5 a communiqué les résultats actualisés, qui confirment l'efficacité avec une survie sans métastase médiane de 28,3 contre 17,6 mois (HR 0,74 ; IC 95% 0,60-0,92). Le profil des effets indésirables était acceptable, avec un maintien de la qualité de vie. Définir la stratégie de traitement dans cette abondance de données, tout en restant dans les limites du remboursement, constitue un défi. Le Pr Van den Eynde a ensuite présenté un aperçu informatif, résumé dans le schéma ci-dessous. L'administration adjuvante de l'immunothérapie est, selon les critères de remboursement, limitée aux tumeurs de l'oesophage et de la JGO avec rémission incomplète après une radiochimiothérapie néoadjuvante. Pour l'adénocarcinome métastatique de l'estomac et de la JGO, l'autorisation du nivolumab combiné avec le protocole FOLFOX ou CAPOX (pour un score CPS du PD-L1 ? 5? ) comme traitement standard est attendue. Pour le traitement du carcinome de l'oesophage (adénocarcinome et carcinome épidermoïde) en 1re intention, le pembrolizumab (pembro) combiné au 5FU + cisplatine est indiqué lorsque le score CPS du PD-L1 est ? 10. Pour le traitement de l'ESCC, le nivolumab en monothérapie est indiqué en 2e intention, indépendamment de l'expression du P-L1. Bien choisir le traitement est difficile. Le Pr Dekervel a abordé les problèmes de détermination et d'interprétation de l'expression du PD-L1. Il ne faut pas confondre TPS et CPS: le TPS traduit le pourcentage de cellules tumorales exprimant le PD-L1 par rapport au nombre total de cellules tumorales viables, tandis que le CPS traduit le rapport de cellules exprimant le PD-L1 (cellules tumorales, lymphocytes, macrophages) par rapport au nombre total de cellules tumorales viables. Une observation intéressante de Zhou et al. 6 était que l'expression du PD-L1 peut différer selon la localisation (tumeur primitive vs métastase) et le moment (après une CT, par exemple). Le Pr Dekervel a conclu que l'expression du PD-L1 est le meilleur test dont nous disposons actuellement, mais que des limitations compliquent encore son utilisation en pratique quotidienne. Le Pr Prenen s'est intéressé aux nouvelles données concernant l'amplification du gène HER2, la mutation BRAF V600E et l'ADN tumoral circulant (ADNtc). Il a souligné l'importance du NGS au début d'un traitement du carcinome colorectal métastatique (CCRm). La prévalence de l'amplification du gène HER2 est faible et concerne 3 à 4% des CCRm. Le pourcentage d'amplification du gène HER est plus élevé en cas de tumeur localisée à gauche ou de tumeur RAS WT. Des indications claires montrent qu'en présence d'une amplification du gène HER2, les tumeurs RAS WT répondent à une inhibition double du HER2 par trastuzumab + lapatinib ou pertuzumab. L'essai DESTINY-CRCO1 7, présenté lors de l'ASCO 2021, offre une nouvelle possibilité. Cette étude de phase II porte sur le T-DXd, un conjugué anticorps-médicament (ADC) composé de trastuzumab lié au deruxtecan, un inhibiteur de la topoisomérase 1 (DXd), chez les patients atteints d'un CCRm avec expression de HER2/RAS WT/BRAF WT. L'ORR chez ces patients avec un statut HER2 IHC3+ ou IHC2+/ISH+, déjà traités de manière intensive auparavant, atteignait 45,3%, mais s'accompagnait d'effets indésirables tels qu'une pneumopathie d'issue fatale chez 3%. De plus amples études sont nécessaires avant d'intégrer ce traitement en pratique quotidienne. La mutation BRAF V600E est présente dans 5 à 12% des CCRm et possède un pronostic défavorable dans un contexte métastatique. 15 à 25% présentent une instabilité des microsatellites et sont donc candidats à l'immunothérapie.En 2e intention, la combinaison d'encorafenib et de cétuximab est le traitement standard, sur la base de l'essai Beacon ( New Eng J Med. 2019). La question de savoir quel est le traitement de 1re intention optimal n'a pas encore de réponse. L'étude FIRE-4.58 a été le premier essai en 1re intention randomisé portant spécifiquement sur la mutation BRAF V600E. Cet essai de phase II n'a pas indiqué que la combinaison de mFOLFOXIRI et de cétuximab était meilleure que la combinaison avec le bévacizumab. Une trithérapie ou une bithérapie en combinaison avec le bévacizumab reste le traitement de 1re intention. Pour déterminer ces variants génétiques, du tissu tumoral est utilisé, mais ils peuvent aussi être détectés dans l'ADN tumoral circulant (ADNtc) dans le sang périphérique, à l'aide d'une biopsie liquide (BL). Outre une application diagnostique, l'examen de l'ADNtc possède une valeur prédictive et pronostique. L'essai CHRONOS 9 est le premier à avoir utilisé une BL comme marqueur prédictif afin de sélectionner les patients pour une nouvelle exposition à l'anticorps anti-EGFR. Les patients avaient déjà reçu un traitement par anticorps anti-EGFR précédemment, auquel ils avaient bien répondu, et ont été sélectionnés après une progression sous traitement sans anticorps anti-EGFR, afin d'être à nouveau exposés aux anticorps anti-EGFR si aucune mutation des gènes RAS/BRAF/EGFR n'était observée à la BL. L'ORR s'élevait à 30% et le contrôle de la maladie à 63%, ce qui est bon dans ce groupe de patients déjà traités de manière intensive auparavant. Le Pr Dekervel a commenté l'étude CIRCULATE10, qui a illustré la BL et l'ADNtc comme facteur pronostique chez les patients atteints d'un CCR résécable. Pour ce faire, un test personnalisé de dépistage de l'ADNtc a été utilisé. Les résultats du prélèvement 4 semaines après l'opération ont confirmé la valeur pronostique élevée de l'ADNtc. La DFS après 6 mois dans le groupe atteint d'un stade I-III, bien que de courte durée, s'élevait à 99,2% (ADNtc-) contre 83,1% (ADNtc+), HR 24,4. Le Pr Dekervel est convaincu que ce test sera important à l'avenir pour le suivi des patients. Les membres du panel l'ont confirmé, mais ont épinglé les problèmes pratiques. Le Pr Dekervel a également attiré l'attention sur la mutation KRAS G12C, une mutation ponctuelle avec substitution de la glycine par la cystéine dans le codon 12. Elle se traite potentiellement de manière ciblée au moyen d'un inhibiteur de KRAS (sotorasib). Une analyse rétrospective de 17.009 patients atteints de tumeurs gastro-intestinales présentée lors de l'ASCO 2021 et de l'ESMO 2021 11 nous a permis de découvrir la prévalence des variants de la mutation KRAS et, en particulier, le G12c. Les mutations KRAS G12C sont rares, observées dans 4,3% des tumeurs gastro-intestinales, relativement plus souvent dans les tumeurs de l'appendice et du côlon, rarement dans les tumeurs de l'oesophage et de l'estomac ainsi que dans le HCC, et jamais dans les tumeurs anales. Le Pr Van Laethem (ULB) a passé en revue les nouvelles données cliniquement importantes concernant le cholangiocarcinome (CC). La CT reste essentielle, par Gemcitabine-Cis en 1re intention et FOLFOX en 2e intention comme traitement standard. L'essai NIFTY 12 préconise nal-IRI + 5FU comme traitement de 2e intention possible.Dans ces études de phase II, cette combinaison obtient de meilleurs résultats que le contrôle 5FU à tous les critères d'évaluation. L'avenir des nouvelles possibilités thérapeutiques réside dans les traitements spécifiques ciblant des altérations moléculaires. L'étude de phase II FIGHT-202 ( Lancet Oncol. 2020) avait déjà mis en évidence l'efficacité du traitement par pemigatinib en 2e intention chez les patients atteints de tumeurs présentant une fusion/un réarrangement de FGFR dans le CC intra-hépatique (ICC). L'EMA a approuvé le traitement, qui est disponible dans le cadre d'un programme d'usage compassionnel. Une mise à jour 13 de l'essai FIGHT-202 lors de l'ASCO 2021 a confirmé les résultats. L'ORR était de 37%, la PFS médiane de 7 mois et l'OS médiane de 17,5 mois, avec en cas de réponse, une impressionnante OS médiane de 30,1 mois. Pour les mutations IDH1 également, l'efficacité du traitement a déjà été démontrée. L'essai de phase III ClarIDHy ( Lancet Oncol. 2021) a comparé l'ivosidenib (inhibiteur d'IDH1) avec un placebo en traitement de 2e intention de l'ICC avancé avec mutation IDH1. Le bénéfice était modéré, avec, surtout, un pourcentage plus élevé de contrôle de la maladie et une amélioration statistique de la PFS. Lors de l'ASCO GI 2021, les auteurs ont présenté une mise à jour 14 sur les résultats de l'OS. Le traitement par ivosidenib a amélioré l'OS et, après une correction statistique pour cross-over, les résultats étaient significatifs (survie médiane corrigée de 10,3 mois vs 5,1 mois, HR 0,49, p < 0,001). Cet avantage de survie est cliniquement pertinent et il est dommage, a déclaré le Pr Van Laethem, que cette molécule ne soit pas encore disponible en Belgique. Durant la session consacrée à la recherche translationnelle, le Pr Dekervel a abordé l'étude de Makawita 15. Lors de l'ASCO 2021, celui-ci a présenté les résultats d'un profilage génomique de 3067 patients atteints d'un ICC et a placé la mutation IDH1 dans le contexte plus vaste des mutations traitables. Celle-ci a été observée chez 14% et une mutation IDH2 chez 4%. Les mutations IDH1 et IDH2 ne sont pas présentes simultanément. Un élément cliniquement important est que d'autres altérations génétiques potentiellement traitables, telles que les altérations du FGFR, et les biomarqueurs potentiellement prédictifs de la réponse à l'immunothérapie (instabilité des microsatellites, TMB, expression du PD-L1) sont significativement moins présents en cas de mutation IDH, par rapport à l'ICC IDHwt, ce qui est cohérent avec le fait que l'IDH est une mutation oncogène. Tous les membres du panel ont confirmé la nécessité de demander une recherche de ces altérations moléculaires tôt dans le traitement palliatif de l'ICC, soulignant l'importance des essais cliniques. Le traitement adjuvant standard après la chirurgie du carcinome pancréatique résécable (PDAC) est le protocole FOLFIRINOX ( New Eng J Med 2018) chez le patient en forme. L'étude APACT ( J Clin Oncol. 2019) qui a testé la combinaison nab-paclitaxel + gem était négative pour le premier critère d'évaluation de la PFS. Les résultats à long terme présentés par Tempero16 ont toutefois montré une survie plus longue, mais, a conclu le Pr Van Laethem, ce n'est pas une raison pour modifier le traitement standard actuel et il n'y a pas de place pour la combinaison de nab-paclitaxel + Gem dans le contexte adjuvant. La tendance en cas de PDAC résécable, borderline ou non, est d'administrer la CT +/- radiothérapie (RT) en néoadjuvant. L'étude PREONPAC17 est la première étude de phase III qui compare la Gem + RT en traitement néoadjuvant à la Gem en postopératoire. Le Pr Van Laethem a commenté les résultats à long terme 18 présentés lors de l'ASCO 2021 après un suivi médian de 56 mois et a souligné leur importance. Dans la population ITT (intention de traiter), après une plus longue observation, l'OS médiane était de 15,7 mois dans le groupe traité en néoadjuvant, contre 14,3 mois dans le bras traité en adjuvant (HR 0,73 ; p = 0,025) ; chez les patients ayant subi une résection, la survie médiane était respectivement de 33,7 mois contre 17,3 mois (HR 0,47 ; p < 0,001) avec une survie à cinq ans de 31,2% contre 10,3%. L'essai a donc confirmé un avantage de survie pour les patients qui ont reçu une radiochimiothérapie néoadjuvante. La question de savoir quel est le schéma de CT optimal et si la combinaison avec la RT offre un avantage reste encore sans réponse et fait l'objet de plusieurs études en cours. Des chercheurs chinois ont testé la CT par perfusion artérielle hépatique (HAIC) dans le HCC. Une étude de phase III 19 a randomisé des patients atteints d'un HCC avancé, n'ayant pas encore été traités, à la HAIC avec un protocole FOLFOX (HAIC-FO) ou au sorafénib. La HAIC-FO était supérieure au sorafénib. Cette observation est cohérente avec les résultats positifs de trois autres essais asiatiques portant sur la HAIC, dont deux en association avec le sorafénib ( Lancet Gastroenterol. Hepatol. 2018, JAMA Oncol. 2019) et un en comparaison avec la TACE ( Ann.Oncol. 2020). Le Pr Van Laethem a conclu que la HAIC est une spécialité chinoise, mais qu'il est temps de la tester également dans une population occidentale.