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Commençons avec l'étude KRISTINE dont les résultats finaux de survie ont été rapportés par Sara Hurvitz et al1. Cet essai comparait en néoadjuvant 6 cycles de chimiothérapie classique (docétaxel + carboplatine) + double inhibition HER2 (trastuzumab + pertuzumab) à 6 cycles de trastuzumab emtansine (T-DM1) + pertuzumab (donc sans chimiothérapie classique) chez des patientes ayant un cancer du sein HER2+ de stade II ou III.Après l'intervention, en adjuvant donc, les patientes du bras T-DM1 continuaient le même traitement, tandis que les patientes de l'autre bras continuaient la double inhibition HER2 (12 cycles dans les deux cas). La tolérance était certes meilleure dans le bras T-DM1, mais le taux de réponses pathologiques complètes (critère principal) était inférieur (44,4% versus 55,7%, p=0,016).L'instauration d'une chimiothérapie adjuvante standard avant passage au traitement adjuvant prévu par la randomisation était recommandée pour les patientes du bras T-DM1 n'ayant pas obtenu de réponse pathologique complète. Prémonition ou précaution légitime ?Toujours est-il que chez les patientes opérées et dans le cadre d'un suivi médian de 37 mois, 214 rechutes invasives ont été observées dans le bras avec chimiothérapie et 204 dans le bras T-DM1 (HR 1,11 ; IC95% 0,52-2,40). En dépit de cette victoire numérique, la survie sans rechute à 3 ans s'avère supérieure dans le bras avec chimiothérapie, 94,2% versus 85,3% avec le T-DM1. Ce résultat s'explique essentiellement par la survenue de progressions loco-régionales avant la chirurgie dans le bras T-DM1.Lors de cette analyse, la meilleure tolérance du régime T-DM1 est de nouveau retrouvée (moins d'effets secondaires de grade ? III), ce qui n'empêche cependant pas la documentation de plus d'arrêts de traitement dans ce bras.Sur base de ces résultats, la place du T-DM1 en néoadjuvant n'est pas acquise, mais gardons en mémoire pour la suite que les patientes en progression loco-régionale avant la chirurgie avaient souvent une expression faible ou hétérogène de HER2.Deuxième pièce versée au dossier, l'étude suédoise randomisée de phase II PREDIX HER2 présentée par Jonas C. S. Bergh et al2, incluant 190 femmes ayant un cancer du sein HER2+. Elles ont reçu un traitement néoadjuvant de 6 cycles de docétaxel + double inhibition HER2 par trastuzumab + pertuzumab (bras A) ou un traitement néoadjuvant de 6 cycles de l'anticorps monoclonal conjugué T-DM1 (bras B).Le taux de réponse pathologique complète, critère principal de l'essai, est équivalent dans les deux bras : 46,4% dans le bras A et 44,1% dans le bras B (p= 0,75). Dans cet essai un transfert vers l'autre bras était autorisé en cas de non-réponse (progression/stabilité) ou de toxicité avant la chirurgie. Et si ce fut le cas pour 18 femmes du bras A versus 9 femmes du bras B, la différence essentielle est que la cause du changement était une non-réponse dans 4 cas dans le bras A versus dans 7 cas dans le bras B. Certes on peut arguer qu'il s'agit d'une phase II et d'un effectif modeste de patientes, mais il n'en demeure pas moins que cela va dans le même sens que dans l'étude précédente.La troisième étude, menée par une équipe du Dana Farber Cancer Institute a été rapportée par Otto Metzger-Filho et al. 3 Elle pourrait apporter une explication plausible aux résultats précédents.Cette étude de phase II a concerné 162 femmes ayant un cancer du sein HER2+ traité en néoadjuvant par 6 cycles de T-DM1 + pertuzumab. L'hypothèse de départ de ce travail était que la sensibilité aux agents anti-HER2 pouvait varier en fonction du caractère homogène ou hétérogène de l'expression de HER2 par les cellules tumorales. La recherche d'une hétérogénéité, définie par la constatation d'une zone tumorale HER2 négative ou par une positivité en hybridation in situ constatée sur seulement 5 à 20% des cellules tumorales, a été effectuée de façon centralisée.Le taux de réponses pathologiques complètes après traitement néo-adjuvant, évalué sur 157 patientes est globalement de 49%. Chez les 16 patientes du groupe (10%) présentant une hétérogénéité de l'expression de HER2, aucune réponse pathologique complète n'a été observée. Cela signifie donc que le taux de réponse pathologique complète est de 55% chez les femmes sans hétérogénéité de l'expression de HER2 versus 0% chez les femmes avec hétérogénéité de cette expression.Sur cette base, il paraît logique de considérer qu'envisager une approche néo-adjuvante par agents HER2 seuls (anticorps monoclonaux classiques ou conjugués) n'est pas une bonne idée chez les femmes porteuses de tumeurs avec hétérogénéité d'expression de HER2.La piste de l'hétérogénéité est séduisante, mais reste à confirmer. À ce titre, il serait intéressant de savoir si les progressions loco-régionales préopératoires de l'étude KRISTINE et les permutations de bras pour non-réponse de l'étude PREDIX HER2 peuvent être mises sur le compte de l'hétérogénéité d'expression de HER2. Nous attendons d'autres travaux...