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Lors du WCGIC, Philip A. Philip a abordé le traitement systémique du carcinome avancé du pancréas (PDAC). L'évolution est lente et dépend de la chimiothérapie. Le pronostic reste sombre. Lors des essais de détermination du traitement standard, la survie médiane sous traitement par gemcitabine+ nab- paclitaxel (gem+ nab-p) et FOLFIRINOX n'a pas atteint 12 mois. - Chimiothérapie: la séquence est importante L'étude SEQUENCE (ASCO, abstract n°4022) (1) a montré une survie plus longue avec les mêmes composants, mais administrés en alternance. Cette étude randomisée de phase II a atteint une survie globale médiane (mOS) de 13,2 mois avec l'alternance toutes les 6 semaines de gem+ nab-p et de mFOLFOX, contre 9,7 mois avec le traitement standard par gem+nab-p en 1re intention jusqu'à la progression. La survie globale (OS) après 12 mois était, respectivement, de 55,3% contre 35,4% (p=0,016). Ce régime offre une nouvelle option thérapeutique efficace et réalisable. - Gène KRAS de type sauvage (wt): activité d'un inhibiteur de l'EGFR mais avec d'autres cibles L'étude NOTABLE (ASCO, abstract n°LBA-4011) (2) a montré qu'en cas de PDAC métastatique ou localement avancé à gène KRASwt, l'ajout de nimotuzumab (un anticorps monoclonal humanisé dirigé contre l'EGFR) à la gem allongeait l'OS. La mOS y était de 10,9 mois contre 8,5 mois dans le groupe gem (HR: 0,50 ; p=0,025). Les résultats étaient meilleurs quand une opération à la suite d'une obstruction des voies biliaires n'était pas nécessaire. Une étude rétrospective menée à Gustave Roussy (WCGIC, abstract n°SO1) (3) a montré que 31 (11,5%) des 270 patients ayant subi le dépistage étaient atteints d'une tumeur à gène KRASwt. Dans ce groupe, 12 patients (38%) présentaient une altération moléculaire potentiellement traitable. Cette observation coïncide avec les conclusions d'une étude rétrospective de plus grande ampleur menée par Philip Philip4, sur les nouveaux marqueurs moléculaires dans le cadre de traitements ciblés dans le PDAC à gène KRASwt.Ce sous-groupe (266/2483) présentait un pourcentage plus élevé d'instabilité des microsatellites (MSI-high 4,7%, contre 0,7% ; p<0,05) et de charge tumorale mutationnelle (TMB 4,5%, contre 1% ; p<0,05), ainsi qu'un pourcentage élevé de fusion des gènes BRAF (6,6%), FGFR2 (5,2%), ALK (2,6%), RET (1,3%) et NRG1 (1,3%) et une amplification des gènes FGF3 (3%), ERBB2 (2,2%), FGFR3 (1,8%), NTRK (1,8%) et MET (1,3%). - Mutations du gène KRAS: premiers résultats des inhibiteurs de KRAS dans le PDAC 90% des patients atteints d'un PDAC ont une mutation du gène KRAS, dont 1 à 2% ont une mutation G12C. Les inhibiteurs de KRAS ont montré des résultats prometteurs dans ce sous-groupe. Le sotorasib est une petite molécule qui se lie de manière spécifique et irréversible au gène KRAS G12C. L'étude CodeBreaK100 (ASCO, session plénière virtuelle) (5) l'a évaluée dans les tumeurs solides à mutation KRAS G12C. Chez 38 patients atteints d'un PDAC avancé, le traitement par sotorasib a permis d'atteindre un taux de réponse objective (ORR) de 21,1% et un taux de contrôle de la maladie (DCR) de 84,2%. Lors de l'ASCO GI 2022, Bekaii Saab6 a dévoilé les résultats du traitement par adagrasib, un autre inhibiteur de KRAS G12C. La maladie était contrôlée chez 10 patients évaluables atteints d'un carcinome avancé du pancréas déjà traité, dont 5 présentaient une réponse partielle. Jordan Berlin et Thomas Seufferlein ont commenté l'indication du séquençage nouvelle génération (NGS) dans le PDAC. L'étude du statut MSI, des fusions NTRK et des mutations germinales BRCA1/2 peut révéler des anomalies pour lesquelles un traitement efficace a été mis en évidence. L'étude moléculaire n'est pertinente que si elle offre la perspective d'un traitement ciblé, de préférence dans le contexte d'une étude clinique. Une approche débutant par la détermination du statut KRAS et une étude supplémentaire en cas de tumeur à gène KRASwt est défendable. Le traitement du carcinome des voies biliaires évolue rapidement. La recherche moléculaire a identifié des modifications oncogéniques potentiellement utilisables. Aucune donnée influençant la pratique n'a été présentée au congrès de l'ASCO ni au WCGIC. Lors de la session du WCGIC consacrée aux voies biliaires, Teresa Macarulla a donné un aperçu des nouveaux traitements. - 1re intention: gem+ cis+ durva, un nouveau traitement standard? Le traitement de 1re intention associe cisplatine+ gemcitabine (cis+ gem), à savoir le traitement standard sur la base de l'étude ABC-02 publiée en 2010 (7). L'étude TOPAZ-1 (8,9) a mis en évidence l'association de gem+ cis+ durva (durvalumab) comme nouveau traitement standard possible. Cette étude de phase III a comparé cette dernière association au traitement standard+ placebo chez 685 patients atteints d'un carcinome biliaire avancé. La mOS a atteint 12,8 mois, contre 11mois (HR: 0,80 ; p=0,021). He (WCGIC 2022, abstract n°O-1) (10) a présenté les résultats d'une analyse planifiée de sous-groupes. Les résultats permettent de penser que, indépendamment de la localisation de la tumeur primitive, l'ajout de durva au cis+ gem a amélioré l'efficacité chez les patients atteints d'un carcinome de la vésicule biliaire, intra-hépatique ou extra-hépatique. Malgré les différences de localisation de la tumeur primitive, le HR pour l'OS, la survie sans progression de la maladie (PFS) et l'ORR est resté en faveur du durva. Les auteurs mènent de plus amples études moléculaires afin d'identifier les sous-groupes qui bénéficient de l'ajout de l'immunothérapie. - 2e intention: l'étude moléculaire est importante En 2e intention, le FOLFOX est le traitement standard sur la base de l'étude ABC-06 (11). Et le traitement ciblant des anomalies moléculaires y a sa place. L'ESMO a élaboré la classification ESCAT (ESMO Scale for Clinical Actionability of Molecular Targets), qui classe les altérations moléculaires sur une échelle de 1 à 5, en vue d'une utilisation clinique. Les altérations potentiellement traitables dans le cholangiocarcinome sont: ESCATI: mutations IDH1, fusions FGFR2, fusion NTRK et MSI-H ; ESCATII: BRAFv600e ; ESCATIII: ERBB2, PIK3CA, BRCA1/2 et MET (12). Teresa Macarulla a montré dans une analyse rétrospective que, dans le cholangiocarcinome intra-hépatique, un traitement ciblant les anomalies ESCATI-II était associé à une meilleure survie (13). L'étude ClarIDHy de phase III (14) a montré une amélioration significative, cliniquement pertinente, de la PFS avec l'ivosidénib (ivo, inhibiteur d'IDH1), vs placebo, en 2e intention dans le cholangiocarcinome intra-hépatique avancé avec mutation IDH1. Une mise à jour présentée lors de l'ASCO GI 2022 (15) n'a pas montré d'allongement de l'OS sur le plan statistique, mais 70% des patients du groupe témoin ont également reçu l'ivo en cas de progression. Après correction pour permutation, l'avantage en termes d'OS de l'ivo était significatif et la mOS corrigée s'élevait à 10,3 mois, contre 5,1 mois (HR: 0,49 ; p<0,001). L'étude FIGHT-202 de phase II (16,17) a montré l'efficacité d'un traitement par pemigatinib en 2e intention chez les patients atteints de tumeurs présentant une fusion/un réarrangement de FGFR dans le carcinome de la vésicule biliaire intra-hépatique. Les résultats définitifs après un suivi médian de 45,4 mois (WCGIC 2022, abstract n°O-2) (18) ont confirmé le pourcentage élevé de réponse durable et de longue survie. Après un suivi médian de 45,4 mois, l'ORR atteignait 37%, tandis que la PFS médiane était de 7 mois et l'OS de 17,5 mois. Le T-DXd, un conjugué anticorps-médicament composé d'un anticorps monoclonal humanisé anti-HER2, lié de manière sécable à un inhibiteur de la topoisomérase I, se montre prometteur en 2e intention chez les patients atteints d'un carcinome des voies biliaires avec expression de HER-2 (ASCO2022, abstract n°4006) (19) (Fig. 1). 8 des 22 patients (36,4%) ont présenté une réponse. Les effets secondaires, en particulier la pneumopathie interstitielle (25%), doivent faire l'objet d'une attention particulière lors de la poursuite de l'étude de ce traitement. Teresa Macarulla a conclu en affirmant que l'étude moléculaire est un "must" dans le carcinome de la vésicule biliaire. L'immunothérapie s'implante dans le traitement systémique du carcinome hépatocellulaire avancé (HCC). L'étude HIMALAYA (20) publiée récemment a placé le durvalumab+ une dose de trémélimumab ("STRIDE") et le durva en monothérapie aux côtés de l'atélizumab+ bévacizumab comme traitement de 1re intention. Des abstracts ont mis à jour cette étude sur le traitement de 1re intention, mais aussi des études antérieures en 2e intention. - Étude Himalaya: l'immunothérapie aussi efficace en cas de diminution de la fonction hépatique? Arndt Vogel (WCGIC 2022, abstract n°O5) (21) a présenté une analyse exploratoire de sous-groupes de l'étude HIMALAYA. Elle évalue la corrélation entre la fonction hépatique (score ALBI), les paramètres d'efficacité et les effets secondaires. Le score ALBI était pronostique, mais le résultat du traitement par STRIDE ou durva seul est resté identique, indépendamment du score ALBI. Les sous-groupes étaient composés de patients présentant un score ALBI1 (52,8%) et un score ALBI 2 ou 3 (47,1%, dont <1% de grade 3). A l'analyse de tous les patients, le protocole STRIDE a permis d'atteindre une survie significativement plus longue, par rapport au sorafénib (HR: 0,78). L'OS avec le durva seul n'était pas non plus inférieure par rapport au sora (HR: 0,86)20. Lors de l'analyse des sous-groupes, le HR pour l'OS dans le groupe à score ALBI1 et le groupe à score ALBI2/(3) était comparable à celui des patients dans leur ensemble. Les résultats concernant le durva seul allaient dans le même sens.Indépendamment du traitement, le score ALBI1 était associé à une survie plus longue, par rapport au score ALBI2(/3). Contrairement au sora, le protocole STRIDE et le durva seul présentaient un profil de sécurité comparable dans les deux sous-groupes ALBI. La fonction hépatique est restée stable pendant le traitement. - Les résultats à long terme de KEYNOTE-224 confirment la place de l'immunothérapie en 2e intention KEYNOTE 224, une étude ouverte de phase II (WCGIC 2022, abstract n°SO-13) (22), a évalué le pembrolizumab en monothérapie, en 2e intention après le sorafénib, chez des patients atteints d'un HCC avancé. Les résultats après un suivi médian de 59,1 mois ont confirmé une activité antitumorale durable, une OS prometteuse et un profil de sécurité gérable. L'ORR s'élevait à 18,3% et le DCR, à 61,5%. Une analyse post-hoc de la survie à partir du premier scanner a montré une mOS de 53,1 mois chez les répondeurs, contre 10,3 mois chez les non-répondeurs. Ces résultats, ainsi que les résultats positifs récents de l'étude KEYNOTE-394 23, compatibles avec les résultats de l'étude KEYNOTE-240 24, et une méta-analyse de ces 2 études étayent l'utilisation du pembro en 2e intention dans le traitement du HCC avancé. - HCC associé à une NASH/NAFLD: immunothérapie ou lenvatinib en 1re intention? Les analyses de sous-groupes d'études d'immunothérapie pourraient laisser penser que le HCC non viral, en particulier le NASH-HCC, répond plus mal à l'immunothérapie (25), mais les preuves sont insuffisantes pour transposer cette observation en clinique. Andrea Casadei-Gardini (WCGIC 2022, abstract n°SO 14) (26) a présenté une analyse d'une grande base de données prospective multicentrique. Des patients atteints d'un HCC avancé associé à une NASH/NAFLD et traités par lenvatinib présentaient une OS significativement plus longue que le groupe traité par atézolizumab+ bévacizumab (HR: 0,46 ; p=0,0181). Une analyse par score de propension, comptant 187 patients dans chaque bras, a confirmé l'avantage de survie pour le lenvatinib (HR: 0,33 ; p=0,0028). Aucune différence significative en termes de survie n'a été observée chez les patients ayant reçu l'association atézo+ béva, par rapport au sorafénib. Cette étude souligne l'importance clinique de la cause sous-jacente dans le résultat du traitement. - Tumeurs oesophagiennes: nouvelles données probantes sur l'immunothérapie en 1re intention Yelena Janjigian a abordé l'utilisation des inhibiteurs de points de contrôle dans le carcinome spinocellulaire de l'oesophage (ESCC). Les études randomisées de phase III KEYNOTE-590 (27) et ESCORT (28) ont montré la supériorité de la combinaison d'anticorps anti-PD-1, à savoir, respectivement, le pembrolizumab et le camrélizumab, en association avec la chimiothérapie (CT) en 1re intention. L'étude CheckMate648 (29) a fourni des preuves pour le nivolumab, qui a permis d'obtenir une OS et une PFS significativement plus longues, ainsi qu'un ORR plus élevé, en association tant avec le 5FU+ cisplatine qu'avec l'ipilimumab, par rapport au 5FU+ cisplatine. L'avantage a été observé dans le groupe PD-L1 TPS (tumor proportion score)>1% et chez tous les patients randomisés. Lors du WCGIC, Chau (WCGIC 2022, abstract O-3) (30) a rapporté des résultats complémentaires. Après un suivi d'au moins 13 mois, la PFS2 (le temps entre la randomisation et la progression sous traitement de 2e intention) chez tous les patients, indépendamment de l'expression de PDL-1, était plus longue dans les bras nivo+ CT (HR 0,64) et nivo+ ipi (HR: 0,74), par rapport au bras CT. Les réponses à l'immunothérapie ont duré plus longtemps. L'avantage était plus grand dans le groupe de patients présentant un score PD-L1>1%. Yoon a présenté l'étude RATIONALE-306 (WCGIC 2022, LBA-1) (31) en tant que "late breaking abstract". Les résultats ont confirmé l'efficacité et la sécurité d'un anticorps anti-PD-1, le tislélizumab, +CT par un platine, par rapport à un placebo+ CT, en 1re intention chez les patients atteints d'un ESCC avancé ou métastatique. Cette étude de phase III, qui a inclus 649 patients dont 75% d'Asiatiques, a mis en évidence une amélioration significative de l'OS et de la PFS, ainsi qu'un taux de réponse plus élevé, dans le bras recevant l'immunothérapie. Les effets indésirables liés au traitement étaient comparables dans les deux groupes, mais le nombre d'effets indésirables graves (28,7% vs 19,3%) et d'effets secondaires à médiation immunitaire (21,6% vs 1,6%) était plus élevé dans le bras expérimental. - Immunothérapie en 1re intention: pas de nouvelles données Dans sa présentation, Kei Muro s'est intéressé aux études ATTRACTION-04 (32) et CheckMate-649 (33), qui ont montré l'efficacité de l'immunothérapie chez les patients atteints d'une tumeur avancée de l'estomac ou de la jonction gastro-oesophagienne (GEJ). Lors de l'étude CheckMate-649, la chimiothérapie (CT)+ nivolumab a donné lieu à une OS et une PFS plus longues que la CT seule chez tous les patients inclus ainsi que dans le sous-groupe atteint d'une tumeur PD-L1 CPS (combined positive score) >5. L'efficacité chez les patients présentant un score PD-L1 plus faible reste controversée (34). En ce qui concerne les patients atteints d'une tumeur de l'estomac ou de la GEJ avec amplification de HER2, nous attendons les résultats définitifs de l'étude Keynote-81135 qui a évalué le 5FU+ cisplatine+ trastuzumab+ pembrolizumab. Les résultats provisoires, présentés par Yelena Y. Janjigian à l'ASCO 2021, ont montré un ORR prometteur de 74,4%, contre 51,9% dans le groupe témoin sans immunothérapie. - Traitement (néo)adjuvant en association avec l'immunothérapie prometteur L'étude CheckMate577 (36) a défini le nivolumab comme traitement adjuvant standard pour les patients atteints d'un carcinome de l'oesophage ou de la GEJ qui ne présentent pas encore de maladie résiduelle après un traitement néoadjuvant par chimioradiothérapie (CRT). Deux études récentes ont évalué une extension de cette indication. L'étude de phase II NEONIPIGA (37) a atteint une réponse pathologique complète avec l'administration préopératoire d'ipilimumab+ nivo chez 17/32 patients atteints d'un adénocarcinome dMMR de l'estomac ou de la GEJ. L'étude DANTE a évalué l'atézolizumab+ immunothérapie FLOT, contre FLOT seul, chez les patients atteints d'un adénocarcinome résécable de l'estomac et de la GEJ. Une analyse intermédiaire (ASCO, abstract n°4003) (38) a mis en évidence des chiffres de morbidité et de mortalité chirurgicales ainsi que des taux de résectionR0 comparables dans les deux bras. Le down-staging était en faveur du bras atézo+ FLOT, avec une augmentation de la régression pathologique en présence d'une expression plus élevée de PD-L1. Les résultats définitifs de cette étude et d'autres études de phase III testant l'immunothérapie (néo)adjuvante dans le carcinome résécable de l'estomac et de la GEJ sont annoncés. - Traitement adjuvant dans le carcinome du côlon de stade II: meilleure sélection grâce au ctDNA Des tests sensibles permettent de détecter l'ADN tumoral circulant (ctDNA), à savoir <1% de l'ADN libre circulant total (cfDNA). Tie et al. ont prouvé que la détection du ctDNA, à l'aide d'un test "tumor-informed", permet de déterminer la maladie résiduelle et que celle-ci est corrélée à un risque élevé de récidive après la résection d'un carcinome du côlon de stade II (39). Cette corrélation a depuis lors été confirmée pour tous les stades de la maladie. L'étude DYNAMIC (ASCO2022, LBA100) (40,41) a montré qu'une indication orientée par le ctDNA réduisait l'utilisation d'une chimiothérapie adjuvante (aCT) chez les patients atteints d'un carcinome colorectal (CRC) de stadeII, sans compromettre la survie sans récidive (RFS). L'étude a randomisé 455 patients atteints d'un CRC de stade II au traitement adjuvant après résection totale. Dans le groupe expérimental, 15% des patients présentaient du ctDNA et ont reçu un traitement adjuvant sur cette base. Dans le groupe témoin, 28% ont reçu un traitement adjuvant sur base de facteurs de risques clinico-pathologiques standard (risque relatif: 1,82). La RFS à 2 ans était de 93,5% dans le groupe expérimental et de 92,4% dans le groupe témoin. Julien Thaïeb a conclu lors de sa présentation que le ctDNA peut servir d'aide pour sélectionner les patients qui recevront un traitement adjuvant et moduler celui-ci en fonction du stade de la maladie. Un pas est ainsi franchi dans l'amélioration de la prise en charge, mais il a plaidé pour de plus amples recherches, dans le cadre d'études de plus grande envergure, afin d'améliorer à la fois les méthodes de test et le traitement. - Traitement de 1re intention du mCRC: de nouvelles données confirment le consensus de l'ESMO Lors du WCGIC, Dirk Arnold a présenté un algorithme de traitement du CRC métastatique (mCRC). Voici ses recommandations pour le traitement de 1re intention (Fig. 2), dans lesquelles les études présentées récemment à l'ASCO2022 soutiennent la prise en charge. - mCRC primitif gauche à gène RASwt/BRAFwt: doublet + inhibiteur de l'EGFR La recommandation consistant à traiter les tumeurs à gène RAS de type sauvage (wt) du côlon gauche par un doublet de chimiothérapie (CT)+ anticorps anti-EGFR restait controversée. Elle reposait sur des analyses rétrospectives de sous-groupes montrant de meilleurs OS, PFS et OR pour le doublet+ anticorps anti-EGFR par rapport au doublet+ bévacizumab. Trois études présentées lors de l'ASCO2022 ont confirmé cette recommandation dans l'algorithme présenté par Dirk Arnold au WCGIC (Fig. 2). L'étude de phase III PARADIGM (ASCO2022, LBA1) (42) a comparé le protocole FOLFOX6+ panitumumab, par rapport à mFOLFOX6+ bévacizumab, dans le mCRC à gène RASwt chez 802 patients, dont 604 atteints d'une tumeur primitive du côlon gauche. Chez ces derniers, l'OS s'élevait à 37,9 (34,1-42,6) mois dans le bras mFOLFOX6+ pani, soit significativement plus que les 34,3 (30,9-40,3) mois dans le bras témoin. Le profil de sécurité était conforme aux attentes (Fig. 3). L'étude STRATEGIC-1 (ASCO2022, abstract n°3504) (43) a évalué la séquence FOLFIRI+ cétuximab suivis de mFOLFOX6+ béva (n=131), par rapport à OPTIMOX+ béva suivis de FOLFIRI+ béva et inhibiteurs de l'EGFR +/- irinotécan (n=132) chez des patients atteints d'un mCRC à gène RAS/BRAFwt. Le DCR, critère d'évaluation principal, ne présentait pas de différence significative dans les deux bras, mais démarrer le traitement par FOLFIRI+ cétu a donné lieu à un ORR plus élevé et à une tendance en faveur d'une meilleure OS médiane. Enfin, l'étude TRIPLET (ASCO2022, abstract n°LBA3505) (44,45) a montré que l'intensification de la CT+ pani n'offrait pas d'avantage supplémentaire et était associée à une toxicité gastro-intestinale accrue chez les patients atteints d'un mCRC à gène RAS/BRAFwt. Cette étude de phase III n'a pas mis en évidence de différences en termes d'ORR dans le bras mFOLFOXIRI+ pani, vs bras FOLFOX+ pani (respectivement 73% vs 76% ; OR: 0,87 ; p=0,526). - mCRC à gène RAS muté: envisagez un triplet+ bévacizumab Chez les patients atteints d'un mCRC à RAS muté, Dirk Arnold envisage un triplet+ bévacizumab (Fig. 2). Une méta-analyse (46) a confirmé que FOLFOXIRI+ béva améliorait significativement l'OS des patients atteints d'un mCRC, par rapport aux doublets+ béva et offrait un avantage en termes de PFS, d'ORR et de résectionR0 secondaire, moyennant une augmentation modérée de la toxicité. Les résultats de l'étude CAIRO5 (ASCO2022, LBA n°3506) (47) ont confirmé les données antérieures selon lesquelles un triplet+ béva est supérieur et ont clarifié l'indication. Cette étude de phase III a induit une PFS plus longue que le doublet (FOLFOX/FOLFIRI)+ béva (PFS médiane de 10,6 mois vs 9,0 mois respectivement ; HR: 0,77 ; p=0,038) chez des patients (n=291) atteints de métastases hépatiques non résécables du CRC (tumeur primitive à gène RAS ou BRAFv600e muté et/ou tumeur primitive du côlon droit). - Mutation BRAFv600e: un doublet+ bévacizumab reste la recommandation en 1re intention Il n'y a pas de nouvelles données en ce qui concerne le mCRC à mutation BRAFv600e. Mais, sur base d'une analyse de sous-groupes de patients avec cette mutation dans la méta-analyse précitée (46), un doublet+ bévacizumab est le traitement recommandé (Fig. 2). Le béva est privilégié parmi les anticorps anti-EGFR, y compris en ce qui concerne la réponse, sur base de l'étude FIRE-4.5 (48). Dans cette étude, le traitement par FOLFOXIRI+ béva a donné lieu à une réponse comparable au cétuximab dans le mCRC à mutation BRAFv600e (respectivement 66,7% et 52,0%). Mais la PFS médiane était significativement plus longue dans le bras béva (8,3mois vs 5,9mois ; p=0,03 ; HR: 1,8). - mCRC à gène RAS/BRAFwt et expression de HER2: le tucatinib, nouveau traitement potentiel? Selon certaines indications, le mCRC à gène RAS/BRAF de type sauvage (wt), avec expression de HER-2, a répondu à un double blocage de HER-2 par trastuzumab+ lipatinib49 ou pertuzumab (50). Le T-DXd, un conjugué anticorps-médicament composé de trastuzumab couplé au déruxtécan (DXd), a obtenu une réponse élevée dans ce sous-groupe sélectionné (51). C'est dans ce contexte que J.Stickler a présenté l'étude MOUNTAINEER (WCGIC, abstract n°LBA-2) (52) lors du WCGIC. Cette étude de phase II en ouvert, multicentrique, a évalué le tucatinib, un inhibiteur de tyrosine kinase ciblant l'HER2, chez 117 patients atteints d'un mCRC à gène RASwt, HER2 positif, réfractaire à la chimiothérapie. Le traitement par tuca+ trastu (n=86) a obtenu un ORR de 38,1%, avec une durée médiane de la réponse de 12,4mois. La PFS médiane était de 8,2mois ; la mOS de 24,1mois. Le tuca a le potentiel de devenir une nouvelle norme de soins chez les patients atteints d'un mCRC HER2+. L'étude MOUNTAINEER-03 de phaseIII comparera le tucatinib, le trastuzumab et le protocole FOLFOX6 modifié en 1re intention avec le traitement standard (52). - L'immunothérapie est-elle la nouvelle norme pour le traitement néoadjuvant du carcinome rectal MSI-H? Après la percée du traitement néoadjuvant complet dans le carcinome rectal, l'ASCO2022 a placé l'immunothérapie au centre de l'attention. La recherche a montré que les tumeurs colorectales MSI-H/dMMR induisent une réponse immunitaire forte, comme l'a déclaré André Thierry dans sa présentation. Des données rétrospectives indiquent que la chimiothérapie et la radiochimiothérapie sont moins efficaces que dans les tumeurs pMMR (53). Chez les patients atteints d'un carcinome dMMR du côlon, dans l'étude NICHE (ASCO2022, abstract n°3511) (54), le traitement néoadjuvant par nivolumab+ ipilimumab a donné lieu à une réponse chez 100% des patients, dont 69% ont développé une réponse pathologique complète. Cercek (ASCO2022, LBA n°3502) (55,56) a évalué le traitement néoadjuvant du carcinome rectal dMMR/MSI-H de stade II ou III localement avancé par le dostarlimab (anticorps monoclonal anti-PD-1). Les résultats provisoires de 14 patients ayant terminé le traitement de 6mois ont montré chez tous une rémission clinique complète dans une stratégie "watch and wait". Ces résultats sont importants sur le plan clinique, a conclu André Thierry Mais, idéalement, une étude de phase III devrait les confirmer, ce qui est impossible dans la pratique. Il faudra plus de données, un plus long suivi et une standardisation du schéma avant d'accepter l'immunothérapie comme étant la norme.