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En cas de tumeur germinale non séminomateuse (non seminoma germ cell tumor, NSGCT), lorsque la localisation primaire de la tumeur est le médiastin ou en présence de métastases viscérales ou de marqueurs tumoraux très élevés, on considère que cette tumeur est de mauvais pronostic. Le traitement standard de ces tumeurs germinales de mauvais pronostic est inchangé depuis 1987.Williams et ses collaborateurs avaient alors démontré qu'en cas de tumeur germinale de mauvais pronostic, un traitement impliquant 4 cycles de cisplatine, bléomycine et étoposide (BEP) était supérieur à 4 cycles de cisplatine, bléomycine et vinblastine (PVB). Tant la survie sans maladie que la survie totale étaient significativement meilleures, et 4xBEP était également mieux toléré.Par la suite, on a connu 25 ans d'études négatives lors desquelles différents schémas ont été comparés à cette référence. Une chimiothérapie à dose élevée n'a pas non plus produit de meilleurs résultats, jusqu'à ce que les résultats à long terme de l'étude GETUG 13 soient présentés en 2017 lors de l'ASCO. Cette étude avait été conduite dans 3 pays - la France, les États-Unis et la Slovaquie -, ce qui a permis de randomiser 263 patients : il s'agissait donc de la plus grande étude impliquant des patients souffrant d'une tumeur germinale de mauvais pronostic.Dans cette étude GETUG 13, on a testé le principe de la chimiothérapie "dose dense". Les patients souffrant d'une tumeur germinale de mauvais pronostic n'ont été randomisés qu'après le premier cycle de BEP. Les marqueurs tumoraux (?-foetoprotéine (AFP) et gonadotrophine chorionique humaine (hCG)) ont été dosés au jour 21 de ce premier cycle, et comparés aux valeurs "préchimio". Une diminution des marqueurs tumoraux au cours de cette période était qualifiée de "favorable" quant à l'évaluation de la suite du traitement. La non-diminution de ces marqueurs tumoraux était qualifiée de défavorable quant à la suite du traitement.À cet effet, l'Institut Roussy a d'ailleurs développé une application en libre accès (https://www.gustaveroussy.fr/calculation-tu-mor/NSGCT.html). Ce n'est que chez les patients obtenant une prédiction "défavorable" qu'il y a eu une randomisation entre la poursuite des cycles de BEP et un traitement avec un schéma "dose dense", qui implique 6 produits. Au cours des 2 premiers cycles de BEP, on ajoute du paclitaxel et de l'oxaliplatine.Les 2 derniers cycles consistent en un traitement combiné avec du cisplatine, de l'ifosfamide et de la bléomycine. Le schéma " dose dense " se compose donc de 6 cytostatiques différents, administrés durant un laps de temps pratiquement identique à celui des 3 produits administrés lors d'un 4xBEP classique.Une première analyse du critère d'évaluation principal a prouvé que les marqueurs tumoraux AFP et hCG ont une valeur pronostique. La survie sans maladie à 3 ans atteint 70 % dans le groupe BEP avec pronostic favorable, contre 48 % dans le groupe BEP avec pronostic défavorable, ce qui constitue une différence significative. La survie sans maladie à 3 ans dans le groupe BEP avec pronostic défavorable traité avec le schéma "dose dense" atteint 59 %, ce qui est toujours significativement meilleur que le traitement classique par BEP pour ce groupe BEP à pronostic défavorable.Les patients du schéma "dose dense" présentent davantage de neurotoxicité que ceux qui ne reçoivent que le BEP. Une analyse ultérieure avec un suivi médian de 5,6 ans a confirmé une fois de plus la valeur pronostique des marqueurs tumoraux AFP et hCG, mais ici, en ce qui concerne la survie à 5 ans : 78 % pour le groupe ayant un pronostic favorable contre 61 % pour le groupe ayant un pronostic défavorable.Dans le groupe ayant un pronostic défavorable, la survie à 5 ans des patients traités avec le schéma "dose dense" est significativement meilleure que celle des patients ayant reçu le schéma 4xBEP classique (HR = 0,69, p = 0,12). Les patients traités avec un schéma "dose dense" n'ont pas d'incidence plus élevée de cancers secondaires et ont moins besoin d'une ultime chimiothérapie à dose élevée suivie d'une transplantation de cellules souches.Le Pr Fizazi conclut qu'en cas de tumeurs germinales de mauvais pronostic, une diminution des marqueurs tumoraux AFP et hCG est prédictive du résultat final du traitement. Si la prédiction basée sur ces marqueurs tumoraux est défavorable, 4xBEP n'est plus la norme thérapeutique, et il faut opter pour une intensification précoce du traitement. En cas de rechute après une chimiothérapie, des données indiquent qu'un triplet de chimiothérapie à base de cisplatine et d'ifosfamide est assurément indiqué. L'étude TIGER, en cours, évalue s'il y a une place pour une chimiothérapie à dose élevée en combinaison avec une transplantation de cellules souches.