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L'étude CLL14 a été mise sur pied par le Groupe allemand d'études sur la LLC afin de comparer les effets d'un traitement exempt de chimiothérapie dont la durée ne serait plus indéfinie, mais fixée par avance (VEN+OBI pour vénétoclax+obinutuzumab) à une des chimio-immunothérapies classiques (CHL+OBI pour chlorambucil+obinutuzumab).OBI est un anticorps monoclonal anti-CD20 recombinant humain, connu pour son aptitude à se lier aux cellules lymphoïdes malignes et à les détruire. Quant à VEN, il s'agit d'une petite molécule permettant d'induire une apoptose rapide des cellules lymphoïdes malignes via l'inhibition de BCL2, une protéine qui participe à la régulation de la mort cellulaire et qui est surexprimée par les cellules lymphoïdes malignes. Des données précliniques suggèrent un renforcement de l'efficacité de chacune de ces deux molécules lorsqu'elles sont administrées conjointement.Afin d'apprécier cliniquement l'impact de cette association exempte de chimiothérapie, les investigateurs ont recruté 432 patients âgés (médiane d'âge >70 ans) atteints de LLC, indemnes de traitement antérieur et avec comorbidités : Cumulative Illness Rating Scale >6 (médiane 8) ou clairance de la créatinine <70 ml> Ces patients ont été répartis par randomisation 1 : 1 vers le bras expérimental VEN+OBI (n=216) à raison de 6 cycles puis VEN seul en 6 cycles ou vers le bras contrôle CHL+OBI (n=216) à raison de 6 cycles puis CHL seul pour 6 cycles.Le critère principal d'évaluation était la survie sans progression (PFS), les principaux critères secondaires étant les taux de réponses, la maladie résiduelle mesurable (MRD) et la survie globale (OS).Les résultats présentés par Kirsten Fischer (Cologne, Allemagne) attestent de la puissance de l'association sans chimiothérapie délivrée sur une période fixe de 12 cycles de 28 jours :Taux global de réponses objectives : 85%, versus 71% avec le schéma CHL+OBI, p=0,0007.Réponses complètes : 50%, versus 23% avec le schéma CHL+OBI (p<0,0001).PFS : 30 progressions ou décès, versus 77 dans le bras OBI-CHL dans le cadre d'un suivi médian de 28 mois (évaluation des investigateurs). Soit une amélioration de 65% à 24 mois avec des taux estimés de 88% versus 64% avec le schéma CHL+OBI (HR 0,35 ; IC 95% 0,23-0,53 ; p<0,0001).Taux de MRD systématiquement plus bas tout au long des 12 mois de l'étude et du suivi de 18 moisTaux de MRD négative dans le sang périphérique (seuil <10-4) de 76%, versus 35% chez les patients du bras CHL+OBI (p<0,001) 3 mois après arrêt du traitement (taux respectif dans la moelle osseuse 57% versus 17%, p<0,001). Les taux dans le sang périphérique à 12 mois de suivi sont respectivement de l'ordre de 60% versus moins de 10%. Ces taux de MRD négative dans le sang périphérique sont les plus élevés documentés à ce jour dans une étude randomisée prospective.Cela suggère fortement que l'obtention d'une MRD négative pour un seuil de détection élevé est un élément essentiel de l'obtention d'une PFS prolongée. Et lorsque l'on réalise que ces résultats ont été obtenus chez des patients âgés, cela laisse entrevoir que certains patients pourraient bien n'avoir à prendre qu'un tel traitement de durée relativement brève pour bénéficier d'une rémission très prolongée les mettant définitivement à l'abri d'un décès en rapport avec leur leucémie.Et même si cela n'est pas le cas, il est très probable que dans la vraie vie, la surveillance régulière du taux de MRD contribuera à l'avènement de traitements sur mesure en fonction de l'intensité de la réponse obtenue et de son évolution dans le temps pour décider du moment opportun d'arrêter et/ou de reprendre un traitement.Aucune différence significative d'effets indésirables n'a été constatée entre les deux bras pendant la durée de l'étude. Tout au plus un léger surcroît de neutropénies, mais non fébriles et sans risque majoré d'infections pulmonaires. Après arrêt de l'étude, 11 décès ont été déplorés chez les patients du bras VEN+OBI (4 d'origine infectieuse, mais 3 considérés comme sans relation avec le traitement) versus 4 (dont aucun d'origine infectieuse) dans le bras CHL+OBI.Le régime sans chimiothérapie de durée fixe VEN+OBI peut être administré en 1re ligne sans problème particulier de tolérance et de toxicité chez les sujets atteints de LLC âgés avec comorbidités.Le régime sans chimiothérapie de durée fixe VEN+OBI donne de meilleurs résultats que la classique immuno-chimiothérapie CHL+OBI en termes de PFS (critère principal), de taux globaux de réponses objectives, de taux de réponses complètes et de taux de MRD négative.Ces résultats concernent tous les sousgroupes d'intérêt, en ce compris les porteurs de la délétion 17 p (8%) ou d'une mutation ou délétion de TP53 (12%) ainsi que les patients avec IgVH non mutés (60%) Notons que des PFS identiques ont été documentés sous VEN+OBI chez les patients avec et sans mutation IgVH.Cependant, l'immunochimiothérapie donne elle aussi d'excellents résultats chez les patients avec mutation IgVH (PFS du même ordre qu'avec le schéma VEN+OBI). La recherche du statut mutationnel IgVH semble donc très amplement justifiée pour traiter adéquatement et à meilleur coût les patients concernés.