Un des points forts de l'ESMO 2012 aura sans doute été la présentation, par le Dr Alice Shaw (Boston, USA), des résultats d'une étude de phase III menée chez des patients présentant un cancer du poumon non à petites cellules, ALK +. Le crizotinib, un inhibiteur des tyrosine-kinases d'un type particulier, a permis d'obtenir une prolongation significative de la survie sans progression et une augmentation du taux de réponse globale, par rapport à la chimiothérapie classique.
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Alice Shaw a rappelé que l'ALK (anaplastic lymphoma kinase) était une tyrosine-kinase exprimée dans plusieurs types de cancer, dont le NSCLC où il peut être l'objet d'une mutation activatrice, via un réarrangement au niveau des chromosomes (inversion et translocation). Le crizotinib est une petite molécule inhibant les tyrosines kinases qui peut être administrée oralement. Il exerce une action inhibitrice sur différentes tyrosines kinases comme ALK, ROS1 et MET. Crizotinib contre les standards thérapeutiques L'étude présentée à Vienne, baptisée PROFILE 1007, a identifié, par immunoassay de type FISH, un total de 347 patients présentant une forme avancée de cancer du poumon non à petites cellules (NSCLC de stase IIIB/IV) ALK+. Ces patients, qui avaient été tous préalablement traités avec un schéma de chimiothérapie comportant un dérivé de platine, ont été randomisés en seconde ligne vers deux groupes thérapeutiques. Dans le premier groupe, le traitement consistait en l'administration de crizotinib 250 mg deux fois par jour per os pour un cycle de 21 jours ; dans le second, les patients recevaient l'un des traitements standards actuellement utilisés à ce stade de la pathologie, à savoir le pemetrexed 500 mg/m² toutes les trois semaines ou du docetaxel (75 mg/m²) IV au jour 1 d'un cycle de 21 jours). La PFS, principal critère d'évaluation Le principal critère d'évaluation de PROFILE 1007 était la survie sans progression (évaluée par une analyse radiologique réalisée par une équipe indépendante). Parmi les critères d'évaluation secondaire, on retrouve les taux de réponse globale et de contrôle de la maladie, la survie globale, le profil de sécurité et une évaluation des résultats par le patient via un questionnaire (EORTC QLQ-C30, LC13). Les patients ont par ailleurs été stratifiés en fonction de leur état fonctionnel (PS 2 par rapport à 0/1), la présence ou non de métastases cérébrales et les éventuels traitements préalables par inhibiteurs des tyrosines kinases. Nette supériorité du crizotinib Après une période de suivi d'environ un an, l'étude a atteint son principal objectif qui était de démontrer la supériorité du crizotinib par rapport à la chimiothérapie standard sur le plan de la PFS, avec une réduction impressionnante du risque de progression d'environ 50 %. Dans le groupe crizotinib dans lequel le PFS moyen était de 7,7 mois, contre 3 mois avec le traitement standard (HR 0.49 ; 95 % CI 0.37-0.64 ; P<0.0001). Tiercé gagnant Cet avantage en termes de PFS se retrouve dans tous les sous-groupes observés. On notera que dans le bras chimiothérapie standard, ce sont les patients traités par pemetrexed qui obtiennent les meilleurs résultats. Cette tendance se retrouve d'ailleurs si on analyse les taux de réponse objective. Remarquablement actif L'activité de ce traitement par crizotinib chez les patients étudiés se confirme par un taux global de réponse remarquablement plus élevé dans ce groupe (65 % contre 20 % avec le traitement classique ; p<0,0001). Trop tôt pour la survie Les taux de survie globale qui constituaient, rappelons-le, un critère secondaire d'évaluation de l'étude ne montrent aucune différence significative entre les deux groupes thérapeutiques, à ce point de collecte des données de l'étude. L'estimation préliminaire montre pour le groupe crizotinib un OS de 20,3 mois contre 22,8 mois dans l'autre groupe (HR 1.02 ; 95 % CI 0.68-1.5 ; P=0.5394). L'analyse ne porte jusqu'à présent que sur 28 % des événements nécessaires sur le plan statistique. " Il s'agit de résultats intérimaires et il est tout à fait prématuré de se prononcer sur l'évolution définitive de la survie ", souligne Alice Shaw. " L'analyse de ce critère risque cependant de s'avérer très difficile vu le nombre particulièrement élevé de cross-over vers le groupe crizotinib ". Bonne tolérance thérapeutique Les effets secondaires les plus fréquents liés au traitement par crizotinib étaient des troubles visuels (59 %), des nausées (52 %), des diarrhées (53 %), des vomissements (44 %) et une augmentation des transaminases (36 %). Dans le bras 'chimiothérapie', on observait surtout des nausées (35 %), de la fatigue (29 %), une neutropénie (22 %), une diminution de l'appétit (21 %) et de l'alopécie (20 %). L'incidence des formes de grade 3 ou 4 de ces effets secondaires était comparable pour les deux bras thérapeutiques (31 % dans les deux cas). Ces effets secondaires ont entraîné l'arrêt du traitement dans 6 % et 10 % des cas, respectivement dans les groupes crizotinib et chimiothérapie. Les patients se prononcent Une donnée extrêmement importante - et dont on ne tient pas souvent compte dans les études cliniques randomisées - est le point de vue du patient. En ce qui concerne les symptômes, les patients du groupe 'crizotinib' rapportent une amélioration significativement plus importante de la toux, de la fatigue, des insomnies et de la douleur (p<0,0001). L'accroissement de la qualité de vie par rapport au début de l'étude est également significativement supérieure dans le groupe crizotinib (p<0,0001). Si on considère le délai avant l'aggravation des symptômes liés au cancer du poumon, l'avantage va également au groupe de patients recevant la tyrosine-kinase, dans lequel on observe, en moyenne, une détérioration des symptômes après 5,6 mois, contre 1,4 mois dans le groupe recevant le traitement standard (p<0,0001). Référence