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Avec plus de 21 mois de pandémie, les chercheurs ont rassemblé d'importantes informations sur les effets du Covid-19 sur le corps et le cerveau. Ces résultats soulèvent des inquiétudes quant aux impacts à long terme que le coronavirus pourrait avoir sur les processus biologiques tels que le vieillissement. En août 2021, une étude britannique à grande échelle portant sur les changements cérébraux chez les personnes ayant subi le Covid-19 a attiré l'attention. Dans cette étude, les chercheurs se sont appuyés sur une base de données existante appelée UK Biobank, qui contient des données d'imagerie cérébrale de plus de 45.000 personnes au Royaume-Uni depuis 2014. Cela signifie qu'il y avait des données de base et une imagerie cérébrale de toutes ces personnes datant d'avant l'apparition de la pandémie. L'équipe de recherche a analysé les données d'imagerie cérébrale en les comparant avec celles des patients qui avaient reçu un diagnostic de Covid-19. Elle a également procédé à des analyses cérébrales supplémentaires. Elle a comparé les personnes qui avaient subi le Covid-19 aux participants qui ne l'avaient pas fait, en associant soigneusement les groupes en fonction de l'âge, du sexe, de la date du test de référence et du lieu de l'étude, ainsi que des facteurs de risque communs de maladie, tels que les variables de santé et le statut socio-économique. De manière assez surprenante, l'équipe a trouvé des différences marquées dans la matière grise entre ceux qui avaient été infectés et ceux qui n'avaient pas fait la maladie. Plus précisément, l'épaisseur du tissu de matière grise dans les lobes frontaux et temporaux a été réduite dans le groupe des patients touchés par la maladie. " Dans la population générale, il est normal de voir des changements dans le volume ou l'épaisseur de la matière grise au fil du temps à mesure que les gens vieillissent, mais les changements étaient plus importants que la normale chez ceux qui avaient été infectés par le Covid-19", explique Jessica Bernard, professeur à l'Université du Texas, qui mène elle-même des recherches sur la manière dont les changements normaux du cerveau liés au vieillissement affectent la capacité des gens à penser et à bouger, en particulier à l'âge mûr et au-delà. " Fait intéressant, lorsque les chercheurs ont séparé les personnes qui souffraient d'une maladie suffisamment grave pour nécessiter une hospitalisation, les résultats étaient les mêmes que pour ceux qui avaient subi un Covid-19 plus léger. C'est-à-dire que les personnes qui avaient été infectées par le Covid ont montré une perte de volume cérébral même lorsque la maladie n'était pas suffisamment grave pour nécessiter une hospitalisation." Mais ces changements structurels avaient-ils des conséquences visibles? Hélas, les chercheurs ont constaté que ceux qui avaient contracté le virus étaient devenus plus lents à traiter les informations. Que signifient ces changements de volume cérébral? On se souvient qu'au début de la pandémie, l'un des rapports les plus courants des personnes infectées par le Covid était la perte du sens du goût et de l'odorat. Une perte parfois réversible, mais pas toujours. " Étonnamment, les régions du cerveau que les chercheurs britanniques ont trouvées affectées par le Covid sont toutes liées au bulbe olfactif, une structure située près de l'avant du cerveau qui transmet des signaux sur les odeurs du nez à d'autres régions du cerveau", explique Jessica Bernard dans un article publié par The Conversation (un média indépendant sans but lucratif, qui propose du contenu provenant de la communauté universitaire). " Le bulbe olfactif est relié aux régions du lobe temporal. On parle souvent du lobe temporal dans le contexte du vieillissement et de la maladie d'Alzheimer car c'est là que se situe l'hippocampe. L'hippocampe est susceptible de jouer un rôle clé dans le vieillissement, étant donné son implication dans les processus mémoriels et cognitifs. Le sens de l'odorat est également important pour la recherche sur la maladie d'Alzheimer, car certaines données suggèrent que les personnes à risque pour la maladie ont un sens de l'odorat réduit." " L'intérêt de cette recherche est qu'elle rejoint les conclusions préliminaires d'autres travaux. Nous ne savons pas si le virus du Covid-19 attaque directement la matière cérébrale ou si c'est l'inflammation systémique qu'il provoque qui peut avoir cette conséquence", réagit le Dr Nicolas Dauby, chef de clinique adjoint du département des maladies infectieuses au CHU Saint-Pierre (ULB) et chercheur F.R.S-FNRS à l'Institut d'immunologie médicale de l'Université Libre de Bruxelles . "Mais ce qui est constaté est suffisamment préoccupant pour le moyen et le long terme et doit pousser à encourager la vaccination, y compris chez des sujets jeunes qui ne se pensent pas à risque ou qui pensent courir un risque minime. La recherche anglaise, dont l'échantillon est très robuste, montre que des sujets atteints de cas bénins encourent en fait un effet cérébral. Et personne ne sait encore si c'est réversible ou pas ni combien de temps cela peut durer". Pour l'expert , "il est paradoxal d'entendre certains douter des effets du vaccin à long terme, alors que les conséquences du virus à long terme semblent bien certaines et importantes. Le vaccin à ARN notamment est extrêmement sûr, il agit dans les 48 à 72heures et induit une réponse d'excellente qualité. Après avoir fait son job, c'est-à-dire créer des cellules immunitaires dédiées au Covid-19, il disparaît de notre organisme et ne l'affecte pas." Pour le chercheur, il faut " porter attention aux enfants qui subissent un Covid long. Certes, leur nombre reste, pour l'instant, réduit. Mais cette anosmie souvent observée atteste de lésions du nerf olfactif et donc d'atteintes cérébrales dont on ne sait combien de temps elles vont perdurer et quelle sera l'étendue de leurs effets sur la vie du patient. Certains ont cru pouvoir affirmer que le Covid long était dû à un stress psychologique ou une origine psychosomatique. Ces travaux montrent bien qu'il y a un fondement physiologique incontestable à cette forme de la maladie."