...

Il y a dix ans, le gouvernement Di Rupo annonçait la fin des disparités entre l'exercice d'une activité en personne physique et en société. Force est de constater que le législateur avait initié le mouvement en adoptant une série de mesures qui visaient notamment à atténuer l'intérêt du passage en société: accroissement des taux du précompte mobilier sur les dividendes à 30%, révision de la méthode de calcul des "avantages de toute nature" liés à l'occupation gratuite d'un immeuble mis par une société à la disposition de son dirigeant, modification des règles de déduction des frais liés à l'acquisition des véhicules de société, etc. Toutes ces mesures ont-elles réellement gommé tout intérêt pour l'exercice d'une activité professionnelle en société? Rien n'est moins sûr.En effet, parallèlement à ces nouvelles mesures, les législatures successives n'ont cessé de détricoter ces renforcements, en adoptant d'autres mesures encore plus favorables, comme par exemple, la réduction du taux de l'impôt des sociétés de 33,99% à 29% puis à 25% et à enfin 20% au bénéfice des PME, pour la partie de leur base imposable inférieure à 100.000 euros. Un nouveau régime, connu sous le nom de "VVPRBIS", permet également aux sociétés constituées après 2013 et moyennant le respect d'un délai d'attente, de réduire le taux du précompte mobilier sur dividendes à 15%. Les autres sociétés, plus anciennes, peuvent également bénéficier d'un autre régime fiscal favorable: celui de la réserve de liquidation qui permet d'obtenir des avantages similaires, moyennant le respect d'un délai d'attente plus long. Ces mesures fiscales sont largement plus avantageuses que le taux de l'impôt des personnes physiques, qui atteint 50% dès 41.360 euros de revenus imposables. La différence apparaît comme particulièrement marquante dès lors qu'à l'impôt des personnes physiques, s'ajoutent les cotisations de sécurité sociale obligatoires dont il n'est pas possible de limiter le montant de la même manière qu'après un passage en société. En effet, en société, le dirigeant se verse un salaire fixe dont il détermine le montant à l'avance. Il peut donc limiter la progressivité de l'impôt et des cotisations sociales. Le reliquat des revenus de la société qui ne sont pas affectés à une rémunération mensuelle, n'est pas soumis aux cotisations sociales et est taxé au taux fixe de l'impôt des sociétés. Ces revenus résiduels peuvent ensuite être distribués comme des dividendes ou affectés à d'autres dépenses procurant d'autres avantages (voy. infra). Si l'énumération des mesures les plus emblématiques adoptées s'imposait lors de la rédaction de ces lignes, nous avons dressé une comparaison chiffrée qui apporte un éclairage beaucoup plus concret à notre propos. Nous avons d'abord analysé la situation d'un dirigeant de société entre 2011 et 2023 et ensuite, en détaillé la différence entre l'impôt qui frappe en 2023, les personnes physiques et les sociétés.Ces tableaux comparatifs amènent à des constatations qui sont sans appel: la fiscalité a indéniablement évolué en faveur de l'exercice de l'activité professionnelle en société, les mesures annoncées n'ont donc débouché sur aucune réduction des disparités entre les deux régimes, bien au contraire. Bien entendu, le passage en société ne se réduit pas à une comparaison de taux et à une optique "revenus", où le dirigeant décide de distribuer l'essentiel du bénéfice. La société peut également constituer une formidable "tirelire", à condition de ne pas distribuer le bénéfice de chaque exercice mais de l'affecter à divers postes de dépenses déductibles comme par exemple: La combinaison de ces mécanismes et de la faculté de bénéficier de l'impôt des sociétés qui est fixe et plus modéré que son cousin frappant les personnes physiques, du précompte réduit et des autres avantages fiscaux décrits ci-avant, peuvent aboutir à des économies d'impôts remarquables, qui avantagent indiscutablement l'exercice de l'activité professionnelle en société plutôt qu'en personne physique. À grand coup d'annonces, le gouvernement et le législateur avaient initié il y a dix ans, une sape de la fiscalité des sociétés. Force est de constater que cette érosion s'est finalement muée en un renforcement profond en faveur du "passage en société". Celui-ci requiert des formalités parfois fastidieuses de constitution ou de liquidation, entraîne des coûts de maintien souvent supérieurs à la situation de la personne physique et fait peser des responsabilités renforcées sur ses dirigeants que nous analyserons dans un prochain article. Il n'en demeure pas moins que l'intérêt est toujours bien vivace et qu'il serait dommage de ne pas profiter des avantages qu'offre le passage en société.