À l'instar de nombreuses crises, celle liée au Covid-19 a causé énormément de torts, mais a également permis de faire émerger de nouvelles idées. C'est typiquement le cas de l'e-santé au sens large qui a vu son utilisation exploser en deux ans. Le recours à la télémédecine est devenu quotidien, mais il n'est pas encore suffisamment encadré, notamment légalement. Le 25 mai, le KCE a publié un rapport sur le télémonitoring, où il se positionne: "Le télémonitoring sera amené à jouer un rôle important en médecine à l'avenir...mais de nombreux aspects doivent encore être peaufinés."
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Le télémonitoring a eu le vent en poupe grâce au Covid-19, notamment car il permet d'alléger la pression sur les hôpitaux et de réduire la charge de travail des soignants de première ligne. Pour rappel, le télémonitoring - ou suivi à distance - consiste à surveiller à distance l'état de malades en monitorant certains paramètres comme la saturation en oxygène, la température ou la fréquence respiratoire, et/ou en leur demandant d'évaluer régulièrement leur état de santé en répondant à quelques questions. Ces données sont ensuite transmises par voie électronique (généralement via une application) à une équipe de télémonitoring, qui peut ainsi évaluer l'état du patient et décider d'éventuelles actions à entreprendre. De nombreux projets de suivi à distance se sont développés avec la crise. Dès la fin 2020, ces projets ont pu faire appel à un financement de l'Inami sous certaines conditions via une convention temporaire. Le KCE a passé au crible les 12 projets concernés, et les a mis en perspective avec 164 projets similaires menés à l'étranger. Les douze projets examinés dans le cadre de ce rapport ont inclus un peu moins de 700 patients pendant les six premiers mois de 2021. "Ceci ne représente toutefois que la partie visible de l'iceberg du télémonitoring du Covid-19 dans notre pays", rappelle le KCE. "De nombreux autres projets ont en effet été lancés en dehors de la convention Inami par des établissements de soins ou des médecins généralistes."Les chercheurs du KCE ont examiné à la fois l'organisation des projets, leurs aspects techniques et les résultats obtenus, mais aussi la satisfaction des bénéficiaires et des prestataires de soins impliqués. L'objectif: tirer les enseignements de cette expérience forcée afin de pouvoir mettre en place un cadre solide, non seulement en vue d'éventuelles autres pandémies à venir, mais aussi pour envisager une utilisation plus large du télémonitoring dans la médecine quotidienne. Le rapport du KCE met en exergue que les patients posent un regard globalement positif sur le télémonitoring. Fait notable: les patients ont "beaucoup apprécié le contact humain", en plus des aspects technologiques du télémonitoring. L'utilisation des appareils de télémétrie n'a guère posé de problèmes, à part quelques difficultés techniques rapidement résolues. Côté soignants, tant les membres des équipes de télémonitoring que les soignants de première ligne interrogés (médecins généralistes, infirmiers à domicile) sont d'avis que le télémonitoring est une intervention utile et qu'elle pourrait constituer à terme une solution à la surcharge des hôpitaux. Ils soulèvent cependant plusieurs points problématiques, comme le manque d'intégration entre les lignes de soins. Ceci inclut notamment la question de l'accès aux données (certains intervenants ont dû travailler sans possibilité d'accès aux dossiers des patients) et la question du partage des responsabilités, ou encore le besoin de nouvelles formes de collaboration et de communication entre les différents acteurs. Tant dans les projets belges que dans ceux décrits dans la littérature scientifique, les chercheurs du KCE ont constaté beaucoup de diversité en ce qui concerne les critères d'inclusion des patients, les paramètres monitorés, la fréquence des mesures, etc. Idem pour la composition des équipes et leurs modalités d'inter- actions avec les soignants de première ligne. "En raison de cette hétérogénéité entre projets, il n'a pas été possible de tirer des conclusions générales sur la qualité, l'efficacité et le rapport coût-efficacité des soins dispensés", reconnaît le KCE. "Il n'a pas non plus été possible de déterminer si les objectifs de diminution du nombre de visites aux urgences ou d'hospitalisations, des durées de séjour à l'hôpital et/ou de la pression sur les prestataires de soins de première ligne ont été atteints. Mais il est vrai que ces projets, mis en place dans l'urgence, n'avaient pas été conçus pour collecter des données scientifiques, mais bien pour parer au plus pressé dans des circonstances particulièrement stressantes."Les chercheurs du KCE concluent néanmoins que le concept est viable et qu'il mérite de faire l'objet de réflexions plus approfondies. Le centre fédéral d'expertise recommande que la convention Inami soit maintenue tant que les hôpitaux seront sous pression à cause du Covid-19 (ce qui n'est plus vraiment le cas à l'heure actuelle), et dans l'attente de preuves scientifiques supplémentaires sur l'efficacité et le rapport coût-efficacité des traitements dispensés. "Pour ce projet - et tous les éventuels autres projets de télémonitoring à venir - il sera cependant nécessaire de clarifier le rôle et les responsabilités de chacun des prestataires de soins impliqués, de développer un cadre conceptuel commun, d'établir des partenariats entre les différentes lignes de soins, de partager les données de manière plus efficace (idéalement via un dossier patient informatisé accessible aux différentes lignes de soins), etc", concluent les experts du KCE, qui recommandent également de rester attentifs à la convivialité de la technologie et à l'égalité d'accès pour les patients vulnérables, plus âgés ou défavorisés.