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On estime qu'au cours de sa vie une personne sur quatre subira un accident vasculaire cérébral. Cette pathologie représente la première cause de handicap au long cours dans les pays industrialisés et la deuxième cause de décès, alors que la majorité des cas pourraient être évités. En Belgique, environ 25.000 personnes en sont victimes chaque année. Par ailleurs, vieillissement de la population oblige, les coûts liés à cette pathologie vont croissant. La reconnaissance rapide des symptômes liés à un AVC permet de sauver de nombreuses vies et d'augmenter les chances de survie sans séquelle invalidante, et c'est pour cette raison que des campagnes d'information ont été lancées dans différents pays à destination du grand public. L'attitude de départ est simple, comme l'explique le Pr Yves Vandermeeren: "Jusqu'à preuve du contraire, toute personne qui présente un déficit neurologique brutal est victime d'un AVC. Et lorsque c'est bien le cas, tout patient est théoriquement candidat à une thrombolyse IV et/ou à une thrombectomie. " Environ 80% des AVC sont de nature ischémique, les autres étant de nature hémorragique. La clinique seule ne permet pas d'exclure formellement une hémorragie, " ilest donc capital de pouvoir réaliser une imagerie cérébrale en urgence " pour définir le traitement le plus adapté. Une seule heure d'ischémie sévère (moins de 15 ml/min de débit sanguin par 100 g de tissu cérébral) entraîne déjà la mort d'environ 120 millions de neurones. Pour limiter cette perte autant que possible, il faut aller vite: " Time is brain. " Une chaîne de survie a ainsi été mise en place, applicable théoriquement dans chaque pays. Le témoin d'un AVC appelle le 112, ce dernier envoie une ambulance médicalisée qui prénotifie le service d'urgence spécialisé (stroke unit), le patient est dirigé vers l'imagerie et il est ensuite rapidement thrombolysé et/ou thrombectomisé en cas d'AVC ischémique avéré. En cas de suspicion d'AVC en phase aiguë, l'apport d'oxygène n'est actuellement recommandé qu'en cas de SaO2 < 95%. Quant à l'éventuelle observation d'une pression artérielle élevée, comme elle peut n'être que d'origine réactionnelle (et supposée compensatoire), il n'est pas recommandé de la traiter avant l'hospitalisation, à moins de disposer d'un système de monitoring (y compris d'une pompe couplée à une perfusion IV d'antihypertenseur). Il en va de même pour une éventuelle hyperglycémie, en s'abstenant d'injecter de l'insuline au cours de cette période. On évitera également d'administrer tout médicament agissant sur l'hémostase, puisqu'on ignore encore s'il s'agit d'un stroke ischémique ou hémorragique. Comme évoqué plus haut, il est par contre très important de prénotifier l'hôpital de la situation, y compris la durée de la symptomatologie et le traitement éventuellement suivi par le patient (anticoagulation, etc.) pour gagner du temps avant le traitement spécifique de l'AVC. Quant à la position à faire adopter au patient, il apparait qu'une élévation de la tête et du tronc à environ 30° est un bon compromis dans l'attente de la précision diagnostique (ischémie versus hémorragie). Enfin, un antiémétique peut être administré si jugé nécessaire. Par définition, il n'est pas possible de sauver la partie nécrosée du tissu cérébral. Le traitement visera donc principalement à éviter que cette zone nécrosée ne s'étende, et donc à reperfuser la zone proche, en hypoxie mais potentiellement sauvable (zone dite " de pénombre "). Cette zone est souvent importante, et une thrombolyse pratiquée rapidement permet généralement d'obtenir des résultats spectaculaires en termes de récupération dans cette zone, comme peuvent le montrer les angio-IRM. Entre 0 et 4h30, un simple CT-scan cérébral à blanc suffit à exclure un AVC hémorragique ou un AVC ischémique massif, ce qui permet d'autoriser une thrombolyse. Entre 4h30 et 9 h, il est possible de recourir à des méthodes d'imagerie plus complexes, comme un CT-scan de perfusion. Si l'heure de début de l'AVC est inconnue et probablement lointaine, l'IRM cérébrale permettra de mettre en évidence des éventuelles différences entre la séquence de diffusion et la séquence FLAIR: si la première est positive et la seconde (encore) négative, le patient pourrait se trouver dans un timing encore raisonnable pour envisager une thrombolyse. La thrombolyse s'effectue par administration IV d'altéplase (Actilyse®). L'évolution du patient à trois mois se décrit habituellement en fonction de sa symptomatologie résiduelle, au moyen du score modifié de Rankin (de 0 à 6). À titre d'exemple de l'efficacité de l'altéplase et de l'importance d'un traitement précoce, la thrombolyse appliquée dans les 90 minutes de l'AVC appliquée à trois patients permet à au moins un patient de rentrer au domicile avec un score modifié de Rankin égal à 0 (aucune séquelle) ou à 1 (absence de handicap significatif, toutes les activités usuelles restant possibles). Plus précisément, 32% des patients en tireront un bénéfice, tandis qu'ils seront 3%, par contre, à subir une hémorragie iatrogène ou une autre complication. Ce nombre de patients AVC à thrombolyser pour atteindre le même résultat s'élève à sept lorsque la thrombolyse est réalisée entre 90 et 180 minutes, et à 14 si elle ne l'est qu'entre 180 et 240 minutes. Au-delà de 4h30, on évite d'administrer de l'altéplase, car la balance bénéfices-risques devient défavorable. Globalement, les complications possibles de la thrombolyse par altéplase consistent dans une hémorragie intracrânienne symptomatique (6%), un angio-oedème orolingual pouvant menacer la fonction respiratoire (5%) et une hémorragie systémique majeure (3%, principalement au niveau du tube digestif). Les contrindications majeures, outre la présence d'une hémorragie intracrânienne/subarachnoïdienne, sont assez nombreuses et comprennent notamment un territoire touché qui dépasse un tiers de celui irrigué par l'artère cérébrale moyenne, une PA > 185/110 mmHg (qui peut être abaissée par traitement IV et ainsi permettre la thrombolyse), un traumatisme cérébral ou spinal de moins de trois mois, ou encore une dissection de l'aorte. L'autre option thérapeutique est entre les mains du radiologue interventionnel, qui peut réaliser une thrombectomie au moyen d'un cathéter spécifique introduit dans le système artériel intracrânien pour, soit " harponner " le caillot avec un stent retriever, soit l'aspirer. Comme pour la thrombolyse, plus le geste sera réalisé précocement, meilleurs seront les résultats à 90 jours (score modifié de Rankin compris entre 0 et 2). En résumé des diverses études déjà publiées, on peut affirmer que la thrombectomie, lorsqu'elle est indiquée, se montre supérieure à l'abstention thérapeutique même entre 6 et 24 heures après l'AVC. Dans les six premières heures, la thrombectomie pourra s'envisager sur base d'un CT-scan cérébral à blanc ainsi que d'un angio-CT des vaisseaux intracrâniens et du cou, pour démontrer la présence d'une occlusion d'une artère proximale, ainsi que préparer le radiologue dans l'exécution de son geste en fonction du degré éventuel d'athéromatose et de tortuosité des artères. Au-delà de six heures, ce sont d'autres protocoles d'imagerie par IRM ou scan de perfusion qui permettront d'envisager une thrombectomie jusqu'à 24 heures après l'événement. La thrombolyse IV et la thrombectomie peuvent (doivent! ) être combinées lorsque c'est possible.