...

La première percée a été obtenue avec le molnupiravir, étudié chez des patients ambulatoires avec une infection Covid-19 légère à modérée et un risque accru d'évolution défavorable, qui ont entamé le traitement dans les cinq jours suivant l'apparition des symptômes. Dans un essai en double aveugle, randomisé et contrôlé par placebo, le molnupiravir a permis d'obtenir une réduction significative du nombre de patients ayant atteint le critère d'évaluation "hospitalisation pour/décès par Covid-19". D'après Merck, le fabricant du produit, le risque d'hospitalisation était réduit de moitié. Le 4 novembre, les autorités britanniques donnaient leur fiat à l'utilisation du molnupiravir. Le lendemain, Pfizer diffusait un communiqué concernant son propre produit, le PaxlovidTM, qui abaisse le risque d'hospitalisation ou de décès de 89% dans une population de patients Covid-19 à haut risque de complications. Les deux molécules semblent bien supportées, sans effets secondaires notoires. Le monde entier croise les doigts, car ces deux antiviraux peuvent être administrés par voie orale et leur coût de production est relativement limité. Les scientifiques restent toutefois prudents, les résultats des études n'étant pas encore publiés (du moins à l'heure d'écrire ces lignes). Nous ne disposons en effet pas encore d'informations détaillées concernant un certain nombre de caractéristiques des populations étudiées, comme par exemple l'âge des participants ou la nature exacte des comorbidités considérées comme déterminantes pour le risque accru d'évolution défavorable. Reste aussi à savoir si ces produits sont susceptibles de prévenir la transmission du virus - une question évidemment cruciale dans le contexte engendré par le variant delta. La possibilité de freiner la propagation de variants hautement contagieux en combinant vaccins et antiviraux représenterait en effet une avancée considérable. Au-delà de l'efficacité, plusieurs autres facteurs peuvent contribuer à déterminer dans quelle mesure les produits sont effectivement utilisables. Le molnupiravir est un analogue nucléosidique, ce qui signifie qu'il possède une structure comparable - mais pas tout à fait identique - à celle des nucléosides présents dans les acides nucléiques, ce qui lui permet de perturber fortement le processus de réplication du virus. Certains craignent toutefois qu'il puisse aussi s'insinuer dans l'ADN de la cellule-hôte, et ce point reste à clarifier. Le Paxlovid? repose sur la combinaison d'un inhibiteur de protéases expérimental (qui n'a encore actuellement qu'un nom de code) et du ritonavir. Il inhibe la protéase du Sars-CoV-2, qui est indispensable pour scinder les précurseurs des protéines virales et les couler dans leur forme définitive au stade de la réplication. Le principal rôle du ritonavir dans cette combinaison est de freiner la dégradation hépatique de l'inhibiteur de protéases expérimental. Il s'agit d'un puissant inhibiteur du cytochrome P450 3A4 qui accroît les taux plasmatiques d'une série de médicaments dont les anticoagulants, les statines, les antalgiques opioïdes et les benzodiazépines, ce qui signifie que son administration pourrait s'avérer impossible chez un nombre non négligeable de patients. Il faudra encore un certain temps pour déterminer concrètement quelles sont les précautions à prendre pour pouvoir l'utiliser en toute sécurité. Le variant Delta qui fait actuellement la nique aux vaccins - et qui pourrait bien ne pas être le dernier à leur résister - ne pose en principe aucun problème aux antiviraux. Ceux-ci agissent en effet sur la réplication virale au coeur de la cellule, alors que les différences entre variants se situent au niveau de la structure de la protéine spike, qui aide le virus à s'introduire dans la cellule-hôte. Il n'est toutefois pas exclu que des résistances à ces traitements se développent à un point ou l'autre dans le temps, comme cela s'est déjà produit pour le VIH, et certains experts prédisent déjà qu'il faudra, à terme, s'appuyer sur une combinaison d'antiviraux pour barrer la route au Sars-CoV-2. L'accès aux médicaments antiviraux contre le Sars-CoV-2 est une autre préoccupation majeure. Ces produits seront en effet importants surtout dans les pays moins fortunés, où la disponibilité des vaccins est limitée. C'est pour cette raison que Merck a conclu avec le Medicines Patent Pool des Nations-Unies un accord qui permet à l'industrie du générique de fabriquer du molnupiravir dans les régions concernées. La production a d'ores et déjà débuté. Des négociations sont également en cours entre les Nations-Unies et Pfizer. Reste évidemment que les pays moins fortunés devront également disposer de stocks suffisants de tests Covid, afin que le diagnostic puisse être posé avec certitude avant administration d'un antiviral... et, là aussi, cela reste à ce stade un peu problématique. Enfin, ils devront veiller à ne pas se faire couper l'herbe sous le pied par les États occidentaux, qui sollicitent déjà en masse la capacité de production...