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La Belgique ne fait pas partie des meilleurs élèves européens. "Cependant, la consommation d'antibiotiques (AB) y est tout de même en baisse, avec une diminution de 25% en dix ans. Après la fameuse année covid, on a observé un effet rebond en 2022, avec une importante augmentation, notamment en Wallonie où la consommation est historiquement au-dessus de la moyenne nationale", a précisé Florine Croquet, de la BAPCOC, lors du séminaire sur la multirésistance organisé par l'Aviq, le 18 novembre [1]. Le Conseil de l'Union européenne, qui a récemment publié de nouveaux objectifs adaptés à chaque pays, demande à la Belgique de diminuer de minimum 18% sa consommation d'antibiotiques d'ici 2030 (ambulatoire et hospitalier). La spécialiste reprend les objectifs fixés dans le Plan d'action belge AMR 2019-2024: "Il vise une baisse progressive de la consommation totale d'antibiotiques de 5 à 10% par an, pour atteindre une diminution globale de 40% par rapport à 2019. Il y a également des objectifs plus qualitatifs, avec une diminution de la consommation des quinolones pour représenter, au plus tard en 2024, un maximum de 5% de la consommation totale d'AB, et une amélioration continue de la qualité de la prescription des AB à large spectre sur le total des AB: avec une augmentation du ratio amoxycilline/amoxycilline-acide clavulanique de 50/49 en 2019 à 80/20 en 2024. Nous sommes un petit peu en retard pour atteindre ces objectifs."Différentes initiatives sont donc prises en vue d'améliorer ces chiffres. Florine Croquet rappelle que la BAPCOC publie des guidelines qui ont été intégrées au site du CBIP. "Par ailleurs, l'Inami développe un outil d'aide à la décision pour les prescripteurs, qui fera des recommandations de prescription (ou non) basées sur le dossier du patient et les guidelines de la BAPCOC. Dans un premier temps, ce projet est centré sur les infections des voies respiratoires et urinaires parce que ce sont celles pour lesquelles on prescrit le plus d'AB en Belgique. Ce programme devrait être accessible en 2025 dans les logiciels de médecine générale."Un projet d'implémentation vise la gestion locale des AB pour les infections respiratoires. "Il s'agit de soutenir un comportement approprié de prescription des AB et la capacité d'autosoin des patients atteints d'infection des voies respiratoires aiguës. Ce projet pilote sera évalué en vue de son extension à l'échelle nationale. Financé et initié par la BAPCOC et le SPF Santé, il est mené par Domus Medica, en collaboration avec plusieurs universités, dont l'ULB et l'ULiège."Pourquoi parle-t-on d'un projet d'implémentation? "On se réfère à l' Implementation Science qui peut être définie comme l'étude scientifique des méthodes visant à promouvoir l'adoption systématique des conclusions de la recherche et d'autres pratiques basées sur des preuves dans la pratique courante, dans le but d'améliorer la qualité et l'efficacité des services de santé."Comment se présente ce projet? "C'est un processus en cascade, où des experts des universités participantes vont former 50 champions locaux répartis sur l'ensemble du territoire, qui vont à leur tour former dix médecins généralistes chacun, pour les aider à améliorer leur comportement de prescription. Le but étant d'atteindre un maximum de patients. Lors de quatre intervisions, ils pourront discuter des barrières qui les empêchent de suivre les recommandations, puis sélectionner des interventions efficaces pour les surmonter." Ces intervisions se baseront sur les données du baromètre AB, Intego, développé par la KUL, qui permettra de suivre l'évolution de la prescription durant l'année. "C'est vraiment un super outil pour se situer et se comparer à l'échelle locale et nationale", estime-t-elle.Ce projet est soutenu par une boîte à outils numériques (www.domusmedica.be) où on trouve notamment deux formations en ligne, TRACE et GRACE-INTRO, qui répondent à plusieurs déterminants: connaissances, compétences en communication, incertitude du médecin généraliste sur le diagnostic et attentes et éducation des patients. "Il n'est pas trop tard pour participer à ce projet, il nous manque encore quelques participants francophones", encourage Florine Croquet (www.evikey.be). Un autre projet lancé au niveau fédéral vise à évaluer l'implémentation des outils diagnostiques du "point-of-care testing" CRP (POCT CRP) dans les cabinets de médecine générale. "Une revue systématique et méta-analyse Cochrane a montré que l'utilisation d'outils diagnostiques entraînait une diminution de 23% de la consommation AB pour la toux aiguë chez l'adulte. On veut voir comment l'implémenter en Belgique, lier l'installation POCT au laboratoire clinique (validation des résultats, connectivité avec le dossier patient électronique, reproductibilité), former les utilisateurs et analyser l'impact budgétaire au niveau national."Enfin, rappelons que les trois nouveaux indicateurs développés par l'Inami (CNPQ) afin d'identifier les déviations manifestes du comportement de prescription des antibiotiques ont été publiés le 20 novembre dernier au Moniteur."La résistance antimicrobienne est vraiment une urgence de santé publique, elle sera donc à l'agenda politique en 2024", note-t-elle. "En particulier lors de la présidence belge du Conseil de l'UE de janvier à juin 2024. Ce sujet de l'antibiorésistance sera porté par la Belgique, notamment lors d'une conférence européenne en mai."