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L'affaire n'a, semble-t-il, pas encore été votée en plénière au Conseil fédéral de l'art infirmier (devant lequel elle repasse ce jeudi) que le ministre de la Santé l'annonce d'ores et déjà haut et fort: "Le gouvernement approuve la modification de la loi afin d'offrir l'occasion à la Fédération Wallonie-Bruxelles de créer une nouvelle formation en soins infirmiers". L'objectif est clair: "Encourager potentiellement un plus grand nombre de personnes à travailler dans le secteur des soins", explique Franck Vandenbroucke dans un communiqué. Depuis plusieurs mois, un travail de titan s'est engagé autour des soins infirmiers pour réformer en profondeur l'échelle des métiers. Autour de la table, le cabinet de la Santé publique et des Affaires sociales bien sûr, le Conseil fédéral de l'art infirmier et sa Commission technique, des (gros) employeurs du secteur des soins de santé (MR/MRS, notamment), des représentants du monde enseignant (secondaire et supérieur) et des représentants des médecins (entre autres, pour les discussions sur la prescription infirmière). Le tout issu des différentes communautés linguistiques. On imagine la complexité des négociations. Pour donner un simple aperçu de la difficulté de la tâche, rien que le terme "assistant en soins infirmiers" donnait encore des sueurs froides à certains, il y a quelques jours. Si c'est là le nom privilégié par les germanophones, du côté wallon on lui préférait "aide infirmier", tandis que le Nord du pays ne jure que par "basisverpleegkundige" ("infirmier de base"). Des termes qui reflètent des réalités de terrain parfois bien différentes, nous confie-t-on de source proche du dossier. Il faut pourtant réussir à accorder tout ce petit monde... L'urgence est de répondre à la directive européenne qui impose à la Belgique, depuis un temps certain déjà, de faire le ménage dans ses formations pour les harmoniser et répondre à la libre circulation des travailleurs et la reconnaissance des diplômes. Les étudiants belges sont en effet confrontés à une double filière pour accéder au titre d'"Infirmier responsable de soins généraux" (IRSG): soit une formation de bachelier en haute école (4 ans, "A1"), soit une orientation dès le secondaire (3 ans et demi, "A2" ou "HBO5" en Flandre). L'une de ces catégories doit disparaître pour ne laisser qu'une seule filière de formation vers le titre officiel d'infirmier. C'est là que le ministre - poussé par l'Europe, mais aussi son propre calendrier puisque c'est son ultime année au gouvernement avant les élections - se hisse au-dessus de la mêlée et propose ce troisième profil d'"assistant en soins infirmiers" (en 3 ans). Sorte de niveau intermédiaire entre l'aide-soignant (2 ans) et l'infirmier IRSG (4 ans), qui serait formé par le cadre enseignant des "A2" actuels. À terme, seul l'IRSG disposerait encore d'une liste complète d'actes techniques, liste qu'il partage pour le moment avec l'A2 (avec, pour ce dernier, une différence salariale nette de 120 à 150 euros par mois pour le même boulot). Du côté néerlandophone, les HBO5 frémissent et craignent de perdre leur liste complète d'actes. Il semble toutefois que seuls les futurs nouveaux diplômés "infirmiers de base" auraient une liste d'actes réduite (on notera au passage que les néerlandophones désirent conserver l'appellation "infirmier", avec un risque de cacophonie au niveau fédéral). Les organes de l'art infirmier n'ont pas (n'a plus pour la Commission technique) d'avis contraignant, le ministre peut donc surfer entre les intérêts en jeu et passer à la vitesse supérieure en annonçant ce nouveau profil "qui pourra effectuer des soins infirmiers de manière autonome dans des situations moins complexes, et en collaboration avec l'IRSG ou le médecin dans des situations plus complexes". L'affaire n'est pas close pour autant. Des réunions sont encore prévues. C'est qu'il faut encore s'accorder sur l'infirmier spécialisé, l'infirmier en pratique avancée (IPA), l'infirmier en recherche clinique... Dans la foulée, Frank Vandenbroucke a également fait une sortie sur l'"aidant qualifié", qui fait grincer certaines dents côté infirmier. Cette annonce qui intervient au printemps permettra-t-elle de déjà modifier les filières d'enseignement pour la rentrée 2023-2024? Certes non. Un arrêté royal doit être finalisé dans les prochains mois et "il y a encore beaucoup trop de procédures à mettre en place du côté de la Fédération Wallonie-Bruxelles", reconnaît-on au cabinet de Frank Vandenbroucke. À commencer par décider de proposer cette formation.