Parmi ces médicaments, la prégabaline, souvent saluée comme une aubaine pour traiter, entre autres, l'anxiété, a récemment fait l'objet de controverses inquiétantes.

Je suis psychiatre et depuis quelques années, je prescris régulièrement de la prégabaline dans le cadre de son indication pour le trouble anxieux généralisé. Il m'a été présenté comme une alternative raisonnable, dans le cadre de l'anxiété, pour éviter ou diminuer l'usage des benzodiazépines, dont on connaît le risque addictif depuis longtemps. Une à deux prises par jour et une longue durée d'action, sans risque de dépendance, cela semblait prometteur.

Récemment j'ai été confrontée à deux données qui m'ont étonnée : des patients m'ont relaté l'apparition de phénomènes de sevrage quand ils ont souhaité diminué ou arrêter le traitement ; sur les réseaux sociaux, j'ai reçu des centaines de témoignages, en feedback d'une vidéo (1 million de vues) que j'avais réalisée sur la prégabaline, dénonçant un mésusage de cette molécule : abus, utilisée comme drogue euphorisante, parfois seule, souvent accompagnée d'autres molécules (comme le tramadol ou le fentanyl, des opioïdes), overdose, circulations sur le marché noir, prise de doses massives, appelée " drogue du pauvre ". Toutes ces pratiques ayant lieu en Europe, en Angleterre, aux Etats-Unis et au Maghreb.

Ces deux données m'ont amené à me poser des questions, alors que je n'avais reçu aucune information ni des firmes pharmaceutiques ni de l'agence de vigilance des médicaments, sur le potentiel addictif et le risque d'abus lié à la prégabaline. En recherchant ces informations, j'ai vu un " flash " de l'AFMPS de novembre 2022 sur les risques de " mésusage, abus et dépendance ", ainsi qu'un article dans la " Revue médicale de Bruxelles " en avril 2022. Pourtant, en tant que médecins, il me semble indispensable que nous soyons informés de ces dérives afin d'envisager nos prescriptions avec encore plus de prudence.

Des débuts prometteurs à une réalité inquiétante

Initialement commercialisée au début des années 2000, la prégabaline a été acclamée comme une solution " sans risque d'abus ". Toutefois, à peine une décennie après son introduction, des signaux alarmants ont été reçus de pays tels que la France, la Suède, la Grande Bretagne et l'Allemagne, signalant mésusages et décès.

La prégabaline, conçue pour traiter l'épilepsie, la douleur neuropathique et le trouble d'anxiété généralisée (TAG), est ce qu'on appelle un dépresseur du système nerveux central. Il fonctionne comme un analogue du GABA (acide gamma-amino-butyrique), un neurotransmetteur qui réduit le fonctionnement du cerveau. Le résultat de cette réduction est une diminution de l'activité neuronale dans certaines régions du cerveau, ce qui explique son effet anticonvulsivant, analgésique et anxiolytique. Les posologies habituelles sont de 150 à 600 mg par jour. La prégabaline a gagné en popularité, hors des cabinets de consultation, pour ses effets euphorisants et sédatifs.

-Doses récréatives : les consommateurs recherchent la désinhibition, l'ébriété, l'euphorie, et l'effet anxiolytique. Les doses sont alors de 300 à 900 mg par jour. Certains témoignages révèlent une consommation allant jusqu'à 3.000 mg/24h.

-Des chiffres alarmants : la prégabaline est liée à une augmentation des abus et des décès (par overdose et dépression respiratoire), souvent prise en combinaison avec d'autres substances. Elle est également fréquemment retrouvée dans les fausses ordonnances, et figure parmi les 20 drogues les plus problématiques dans plusieurs pays d'Europe.

-Le marché noir : son acquisition peut passer par des fausses ordonnances, des vols d'ordonnance (ou leur revente), des vols en pharmacie ou des achats en ligne de produits illégaux et frelatés.

Des conséquences alarmantes

-Il existe un risque de dépendance avec phénomènes de sevrage quand on tente de diminuer ou d'arrêter la molécule : tremblements, tachycardie, troubles digestifs, nausées, nervosité, compulsions à consommer le produit ;

-On voit s'installer un risque de tolérance : nécessité d'augmenter les doses pour avoir l'effet recherché ;

-Overdose en cas de prise massive : troubles de la conscience, dépression respiratoire et risque mortel, surtout si pris avec d'autres substances toxiques.

: il existe un risque de dépendance avec phénomènes de sevrage quand on tente de diminuer ou d'arrêter la molécule : tremblements, tachycardie, troubles digestifs, nausées, nervosité, compulsions à consommer le produit ; on voit s'installer un risque de tolérance avec nécessité d'augmenter les doses pour avoir l'effet recherché ; overdose en cas de prise massive : troubles de la conscience, dépression respiratoire et risque mortel, surtout si pris avec d'autres substances toxiques.

Interrogation légitime : pourquoi prescrire un médicament potentiellement addictif ?

Cette molécule a réellement aidé des patients à se stabiliser, pris sous supervision médicale, sans augmentation des doses et pour un effet thérapeutique et non récréatif, il existe une place pour ce traitement. Pour prescrire de façon " safe " une molécule, les médecins se basent sur des données fournies par des études et des essais cliniques lorsqu'un médicament est introduit sur le marché. Lors des essais initiaux de la prégabaline, son potentiel d'abus n'était pas aussi évident. Cependant, il est aussi possible que l'abus de prégabaline ne se soit manifesté qu'après une utilisation plus large et plus répandue dans la population générale.

Ce n'est qu'au fil des années, à mesure que la prégabaline était prescrite plus largement, que des rapports sur son mésusage ont commencé à émerger. Il est également possible que certains risques n'aient pas été pleinement identifiés ou aient été sous-estimés lors des essais cliniques initiaux. Il est dès lors crucial que les entreprises communiquent ouvertement tout risque potentiel associé à leurs médicaments dès qu'il est identifié.

Recommandations

Une communication transparente est nécessaire, avec la mise en place d'ordonnances sécurisées avec, par exemple, une durée de prescription limitée ou un avis complémentaire en cas de renouvellement. Actuellement, en Belgique, cette molécule est soumise à la prescription médicale mais à aucun autre système de sécurité supplémentaire. En Angleterre, aux États-Unis, en Algérie et dans de nombreux autres pays, la prégabaline figure depuis avril 2019 parmi les " controlled drugs " (médicaments dont la production, la délivrance, le stockage et la prescription sont strictement réglementés par les autorités). Cela n'empêche cependant visiblement pas son afflux sur le marché noir.

En outre, les médecins, les pharmaciens et le grand public doivent être conscients des risques pour prendre des décisions éclairées. Ils doivent être correctement informés, tant par les firmes pharmaceutiques que par les agences de vigilance pharmaceutique, avec des mises à jour régulières et transparentes quand de nouvelles données apparaissent.

En guise de conclusion, si la prégabaline peut être bénéfique lorsqu'elle est prescrite et utilisée correctement, la sensibilisation à ses risques est primordiale. Ainsi, professionnels de santé et patients pourront collaborer afin d'assurer une utilisation sécurisée du médicament, tout en surveillant les éventuels signes de mésusage.

Parmi ces médicaments, la prégabaline, souvent saluée comme une aubaine pour traiter, entre autres, l'anxiété, a récemment fait l'objet de controverses inquiétantes.Je suis psychiatre et depuis quelques années, je prescris régulièrement de la prégabaline dans le cadre de son indication pour le trouble anxieux généralisé. Il m'a été présenté comme une alternative raisonnable, dans le cadre de l'anxiété, pour éviter ou diminuer l'usage des benzodiazépines, dont on connaît le risque addictif depuis longtemps. Une à deux prises par jour et une longue durée d'action, sans risque de dépendance, cela semblait prometteur.Récemment j'ai été confrontée à deux données qui m'ont étonnée : des patients m'ont relaté l'apparition de phénomènes de sevrage quand ils ont souhaité diminué ou arrêter le traitement ; sur les réseaux sociaux, j'ai reçu des centaines de témoignages, en feedback d'une vidéo (1 million de vues) que j'avais réalisée sur la prégabaline, dénonçant un mésusage de cette molécule : abus, utilisée comme drogue euphorisante, parfois seule, souvent accompagnée d'autres molécules (comme le tramadol ou le fentanyl, des opioïdes), overdose, circulations sur le marché noir, prise de doses massives, appelée " drogue du pauvre ". Toutes ces pratiques ayant lieu en Europe, en Angleterre, aux Etats-Unis et au Maghreb.Ces deux données m'ont amené à me poser des questions, alors que je n'avais reçu aucune information ni des firmes pharmaceutiques ni de l'agence de vigilance des médicaments, sur le potentiel addictif et le risque d'abus lié à la prégabaline. En recherchant ces informations, j'ai vu un " flash " de l'AFMPS de novembre 2022 sur les risques de " mésusage, abus et dépendance ", ainsi qu'un article dans la " Revue médicale de Bruxelles " en avril 2022. Pourtant, en tant que médecins, il me semble indispensable que nous soyons informés de ces dérives afin d'envisager nos prescriptions avec encore plus de prudence.Initialement commercialisée au début des années 2000, la prégabaline a été acclamée comme une solution " sans risque d'abus ". Toutefois, à peine une décennie après son introduction, des signaux alarmants ont été reçus de pays tels que la France, la Suède, la Grande Bretagne et l'Allemagne, signalant mésusages et décès.La prégabaline, conçue pour traiter l'épilepsie, la douleur neuropathique et le trouble d'anxiété généralisée (TAG), est ce qu'on appelle un dépresseur du système nerveux central. Il fonctionne comme un analogue du GABA (acide gamma-amino-butyrique), un neurotransmetteur qui réduit le fonctionnement du cerveau. Le résultat de cette réduction est une diminution de l'activité neuronale dans certaines régions du cerveau, ce qui explique son effet anticonvulsivant, analgésique et anxiolytique. Les posologies habituelles sont de 150 à 600 mg par jour. La prégabaline a gagné en popularité, hors des cabinets de consultation, pour ses effets euphorisants et sédatifs.-Doses récréatives : les consommateurs recherchent la désinhibition, l'ébriété, l'euphorie, et l'effet anxiolytique. Les doses sont alors de 300 à 900 mg par jour. Certains témoignages révèlent une consommation allant jusqu'à 3.000 mg/24h.-Des chiffres alarmants : la prégabaline est liée à une augmentation des abus et des décès (par overdose et dépression respiratoire), souvent prise en combinaison avec d'autres substances. Elle est également fréquemment retrouvée dans les fausses ordonnances, et figure parmi les 20 drogues les plus problématiques dans plusieurs pays d'Europe.-Le marché noir : son acquisition peut passer par des fausses ordonnances, des vols d'ordonnance (ou leur revente), des vols en pharmacie ou des achats en ligne de produits illégaux et frelatés.-Il existe un risque de dépendance avec phénomènes de sevrage quand on tente de diminuer ou d'arrêter la molécule : tremblements, tachycardie, troubles digestifs, nausées, nervosité, compulsions à consommer le produit ;-On voit s'installer un risque de tolérance : nécessité d'augmenter les doses pour avoir l'effet recherché ;-Overdose en cas de prise massive : troubles de la conscience, dépression respiratoire et risque mortel, surtout si pris avec d'autres substances toxiques. : il existe un risque de dépendance avec phénomènes de sevrage quand on tente de diminuer ou d'arrêter la molécule : tremblements, tachycardie, troubles digestifs, nausées, nervosité, compulsions à consommer le produit ; on voit s'installer un risque de tolérance avec nécessité d'augmenter les doses pour avoir l'effet recherché ; overdose en cas de prise massive : troubles de la conscience, dépression respiratoire et risque mortel, surtout si pris avec d'autres substances toxiques. Interrogation légitime : pourquoi prescrire un médicament potentiellement addictif ?Cette molécule a réellement aidé des patients à se stabiliser, pris sous supervision médicale, sans augmentation des doses et pour un effet thérapeutique et non récréatif, il existe une place pour ce traitement. Pour prescrire de façon " safe " une molécule, les médecins se basent sur des données fournies par des études et des essais cliniques lorsqu'un médicament est introduit sur le marché. Lors des essais initiaux de la prégabaline, son potentiel d'abus n'était pas aussi évident. Cependant, il est aussi possible que l'abus de prégabaline ne se soit manifesté qu'après une utilisation plus large et plus répandue dans la population générale.Ce n'est qu'au fil des années, à mesure que la prégabaline était prescrite plus largement, que des rapports sur son mésusage ont commencé à émerger. Il est également possible que certains risques n'aient pas été pleinement identifiés ou aient été sous-estimés lors des essais cliniques initiaux. Il est dès lors crucial que les entreprises communiquent ouvertement tout risque potentiel associé à leurs médicaments dès qu'il est identifié.Une communication transparente est nécessaire, avec la mise en place d'ordonnances sécurisées avec, par exemple, une durée de prescription limitée ou un avis complémentaire en cas de renouvellement. Actuellement, en Belgique, cette molécule est soumise à la prescription médicale mais à aucun autre système de sécurité supplémentaire. En Angleterre, aux États-Unis, en Algérie et dans de nombreux autres pays, la prégabaline figure depuis avril 2019 parmi les " controlled drugs " (médicaments dont la production, la délivrance, le stockage et la prescription sont strictement réglementés par les autorités). Cela n'empêche cependant visiblement pas son afflux sur le marché noir.En outre, les médecins, les pharmaciens et le grand public doivent être conscients des risques pour prendre des décisions éclairées. Ils doivent être correctement informés, tant par les firmes pharmaceutiques que par les agences de vigilance pharmaceutique, avec des mises à jour régulières et transparentes quand de nouvelles données apparaissent.En guise de conclusion, si la prégabaline peut être bénéfique lorsqu'elle est prescrite et utilisée correctement, la sensibilisation à ses risques est primordiale. Ainsi, professionnels de santé et patients pourront collaborer afin d'assurer une utilisation sécurisée du médicament, tout en surveillant les éventuels signes de mésusage.