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Vous partez du GBO définitivement ou vous resterez comme consultant ?Je pars définitivement le 15 février prochain. Je remets la fonction à mon successeur, Bertrand Delrée (qui n'a pas de lien de parenté avec Guy Delrée, président de la FAGW, NdlR). J'ai quelques projets mais c'est un peu tôt pour les développer.Une question qu'on ne vous a probablement pas posée c'est que venant plutôt du Mouvement réformateur, on se serait attendu à ce que vous rejoigniez l'Absym et non le GBO...Je comprends tout à fait. Mais, en réalité, je ne viens pas " du MR ". J'ai été expert santé dans plusieurs cabinets. Je travaillais dans une fédération hospitalière. J'ai donc été proposé par Jacques de Toeuf comme expert santé au cabinet de Louis Michel mais qui, entre-temps, est parti travailler pour l'Union européenne. Didier Reynders ayant repris la fonction de vice-premier ministre, j'ai été le conseiller santé de Reynders. Mais c'est au sein de la Fédération des hôpitaux privés de Belgique que j'ai croisé Jacques de Toeuf (ancien président de l'Absym, NdlR). Il avait à l'époque une double casquette dont président de cette fédération... Ce fut l'occasion pour moi de travailler à la fois pour la politique et la fédération hospitalière. Beaucoup de fédérations, dans tous les secteurs, envoient des techniciens dans des cabinets pour conseiller les politiques. Je fais partie de ces " techniciens " .On vous retrouve ensuite au cabinet du Premier ministre et vous travaillez alors avec Maggie De Block, la première ministre libérale de la Santé publique depuis bien longtemps...J'ai participé aux négociations qui ont débouché sur la mise en place de la " Suédoise " (coalition N-VA/MR/CD&V/Open VLD, NdlR). J'ai travaillé à l'accord de gouvernement (partie santé) avec Pedro Facon et Brieuc Van Damme, chef de cabinet et chef de cabinet adjoint de Maggie De Block et on s'est très bien entendu... Après la Suédoise, pendant les affaires courantes qui ont suivi les élections de 2024, j'ai eu beaucoup de contacts avec de nombreux stakeholders et c'est alors que j'ai rencontré Paul De Munck, le président du GBO. Il m'a dit à titre de boutade : " Tiens, tu n'as pas envie de travailler avec moi ? " Et comme j'avais pris ma pension au sein de la fédération hospitalière, cela m'intéressait de relever un nouveau défi. Et le GBO cherchait justement un directeur pour étoffer son équipe au côté du président. Plus tard, certains à l'Absym m'ont fait savoir que s'ils avaient su, ils m'auraient sans doute fait des propositions.Sans vous lancer des fleurs, on a senti peu de temps après votre arrivée, votre influence sur le côté " mieux structuré " du GBO... sans dire que c'était le chaos avant, bien entendu...En fait, le secteur est très bien organisé : les mutuelles bien entendu avec le CIN (Conseil intermutualiste national), Pharma.be, les coupoles hospitalières (il n'y en a plus qu'une en Flandre et trois en Belgique francophone contre 11 dans le passé). Mais le corps médical, lui, ne parle pas d'une seule voix... Si ce n'est que l'Absym représente un peu cette voix mais surtout pour la médecine spécialisée... Pour la médecine générale, ce n'est pas le cas. C'est le sentiment que j'avais en arrivant... Une première raison objective est que les compétences relatives à la MG dépendent aujourd'hui à la fois du Fédéral et des entités fédérées, notamment pour l'organisation de la médecine générale (les Cercles, compétence des Régions) et pour les " sous-quotas " en médecine (compétence de la Fédération Wallonie-Bruxelles). L'autre raison, est que le secteur de la MG est fort diversifié : il y a les sociétés scientifiques, les cercles, les syndicats, les universités... Chapeauté par le Collège de médecine générale (CMG) pour lequel j'avais (et j'ai toujours) l'espoir qu'il constitue une " voix unique " de faire entendre la médecine générale auprès des autorités politiques. Pour preuve : son courrier adressé au ministre Vandenbroucke, à l'administration et à l'Inami fin décembre réclamant une série de revalorisations en matière de gardes... Le CMG peut peut-être constituer le pendant de Domus Medica en Flandre (lequel représente également Wachtpost, la garde MG en Flandre).Mais qu'est-ce qui, en particulier, vous a convaincu de rejoindre le GBO ?Outre que je trouvais Paul très sympathique, le GBO, pour moi, va au-delà d'une approche purement " médecine ". L'Absym est un excellent syndicat bien entendu mais il se bat essentiellement pour des questions d'honoraires et de pouvoir des médecins au sein des institutions hospitalières par rapport aux gestionnaires. Paul De Munck apporte une dimension " santé publique " et pluridisciplinaire qui m'a intéressé.Essayons de faire une colonne " plus " et une colonne " moins " si vous le voulez bien : qu'avez-vous pu apporter au GBO concrètement et quels sont vos regrets ?Je pense avoir apporté ma pierre au pôle administratif du GBO, l'avoir mieux organisé. Le premier axe était la réorganisation et la transformation d'une " simple " union professionnelle en asbl. A l'arrivée, j'ai doté le GBO d'un véritable conseil d'administration, me semble-t-il. Le second axe a été de professionnaliser l'équipe. En phase totale avec Paul De Munck, je le souligne, nous avons travaillé sur cet axe avec notamment l'engagement d'une spécialiste de la communication, Ariane Peters.J'ouvre la parenthèse : je suis arrivé en 2019 à mi-temps. Et j'ai pris de plein fouet (comme tout le monde) la pandémie covid-19... J'ai travaillé avec l'équipe presque jour et nuit dès le début du confinement le 18 mars 2020... Mon premier jour de congé fut le jour de l'Ascension en mai 2020! Nous faisions nos flash-infos nous-mêmes, Paul et moi, trois fois par jour, assez techniques, aidés par le CMG et aussi Thomas Orban, excellent président de la SSMG à l'époque... Cette période nous a décidés d'ailleurs à engager Ariane, une vraie professionnelle. Ensuite, deux personnes supplémentaires ont été ajoutées sur le pay-roll.Récemment est venu le moment de penser à ma succession puisque j'ai 70 ans. Bertrand Delrée me succèdera. Il a eu un parcours un peu similaire... Il vient aussi du MR (il était attaché parlementaire spécialisé dans les matières de santé)... Au GBO, on cherche en réalité une symbiose entre tous les courants : on respecte la médecine à l'acte mais aussi au forfait, les maisons médicales, le New Deal. Au GBO, nous pensons que la pluridisciplinarité est la clé de l'avenir des soins. Moi qui ai été avocat pendant trois ans, je me rends compte qu'il n'y a presque plus d'avocats qui travaillent seuls. C'est devenu impossible avec les congés, les vacances, etc. Tout ça pour dire que j'ai engagé le candidat qui, en tout cas sur papier, est idéal. En outre, on a engagé ce qui nous manquait énormément aussi : une véritable assistante de direction, c'est-à-dire quelqu'un qui puisse gérer les agendas, organiser les mandats... Le GBO initie également une vaste réflexion sur la gouvernance. On souhaite rajeunir et féminiser les cadres, intéresser un plus grand nombre de jeunes médecins à la chose publique au sens large du terme et au syndicalisme en particulier.Vous devez avoir quand même un regret : vous vouliez au moins un siège supplémentaire de généraliste à la médico-mut lors des dernières élections médicales. Comment avez-vous vécu cette période ? Forcément déçu ?Je ne vais pas tourner autour du pot. Ce n'est pas une victoire. Je ne vais pas faire comme les partis politiques qui se déclarent tous victorieux au lendemain des élections. J'attends toujours en Belgique un président de parti qui, comme ce dirigeant taïwanais, s'excuse trois fois d'avoir perdu les élections. Paradoxalement on a un plus grand nombre de membres que par le passé et un taux de lecture de nos infos en net progrès. Peut-être n'avons-nous pas suffisamment expliqué notre démarche puisque on se rend compte que beaucoup de généralistes, même parmi ceux qui votent pour l'autre syndicat, l'Absym, se tiennent informés par nos publications. Peut-être que l'Absym qui a l'air de défendre avant tout la rémunération a davantage convaincu. On s'est toutefois positionné pour plusieurs revalorisations comme l'honoraire de disponibilité. On n'est peut-être victimes du fait que peu de médecins actifs vont vraiment voter. Il reste à s'interroger, tout en restant fidèles à nos valeurs, sur les raisons de l'échec et faire mieux dans cinq ans.Et l'Absym dans tout ça ? Elle dit avoir gagné les élections dans les grandes lignes...Je reconnais que l'Absym représente une force en médecine générale qu'on ne peut négliger. De nouveau, il y a des questions à se poser par rapport au côté flamand, où le paysage est complètement différent. Donc il y a tout un travail à faire. Le GBO reste très largement majoritaire en MG mais le poids de l'Absym reste important. Il ne faut pas s'en cacher et il faut tenir compte de ça pour les années à venir.Puisque vous partez, vous avez une plus grande liberté pour juger l'action de Frank Vandenbroucke, ministre hyper-actif, doté d'une vision et qui marque généralement les législatures auxquelles il participe. Comment juger son action au niveau de la médecine générale ?Commençons par le négatif : Il est fort influencé par la vision flamande des choses, pas seulement en MG mais en santé en général. En gros, il y a trois ou quatre penseurs qui influencent son action et qu'il écoute : Jan De Maeseneer notamment. Son cabinet est très fortement sous influence flamande. Les cabinets francophones comptent généralement plus de Flamands que les cabinets néerlandophones ne comptent de francophones. Le deuxième reproche que je lui fais c'est qu'il a souvent court-circuité la concertation. Par exemple, il y a eu des moments où le ministre, pour implanter de nouvelles nomenclatures, est passé par le pseudo code parce que modifier le code de nomenclature l'obligeait à passer par une série d'organes tels que Conseil technique médical, etc.Autre reproche : la réforme du fonctionnement de la médico-mut n'a pas eu lieu. Ça dure toujours au moins trois heures avec 70 personnes dont la majorité ne participent pas vraiment et sont en caméra cachée. Si on veut rajeunir et féminiser les cadres, il faut des réunions plus courtes et à des heures décentes. La preuve est que le dernier accord médico-mut s'est négocié avec les acteurs effectifs en petit nombre. AADM démontre qu'on peut rajeunir et féminiser avec ses deux représentantes. Mais un jeune médecin (jusque 45 ans on va dire) ne peut pas se permettre de perdre trois heures de consultation pour siéger en médico-mut.Et un point positif pour Vandenbroucke ?Certainement sa gestion de la pandémie covid. C'est dû à sa vision en matière de santé publique. L'accord conclu avec la ministre MR Glatigny pour mettre fin à l'incertitude autour des numéros Inami est certainement une bonne chose également. Et puis, il a quand même initié une série de réformes. Il avance à grands pas. Notamment celles concernant la nomenclature, le financement hospitalier et l'art de guérir, mais selon une approche qui est malheureusement à nouveau un peu trop flamande. On l'a vu avec les assistants de pratique, notion qui vient plutôt de Flandre. Mais c'est aux francophones de faire part de leurs idées aussi. S'il écoutait plus les Francophones, cela pourrait nourrir une action à venir s'il rempile, comme je le souhaite, comme ministre de la Santé publique.Quel conseil donneriez-vous à votre successeur, Bertrand Delrée ?Je ne suis pas sûr de vouloir lui en donner un. Il doit certainement poursuivre la professionnalisation. Il y a plein de projets dans les valises. Il faut poursuivre, avec Ariane Peters, l'approche sur le terrain, rendre le GBO plus visible dans les différentes Régions et Provinces du pays. Ils forment un beau duo. Ils doivent travailler étroitement avec les nouveaux administrateurs.Le mot de la fin ?Je quitte le GBO à contrecoeur. J'aurais bien aimé poursuivre cette fonction de direction, mais je pense qu'il faut pouvoir passer la main à un certain moment. Avec quelqu'un comme Bertrand, c'était l'occasion rêvée. Je vais certainement rester actif. Je ne dévoile pas mes projets maintenant, mais je pense que je ne resterai en tout cas pas chez moi à regarder la télévision...