Avril 2020 : Nous avons arrêté les tests de dépistage du nouveau coronavirus Covid-19 : tout malade fébrile avec problème respiratoire est présumé infecté. Il n'y a de toutes façons pas d'agent antiviral vraiment efficace (même pas le remdesivir).

La pandémie est maintenant au-delà de tout contrôle. L'explosion de la pandémie a été activée par ce travailleur chinois infecté arrivé en Afrique centrale où les mesures de contrôle ont été insuffisantes. Il y a aussi eu ce bateau de croisière où une passagère contaminée en a infecté beaucoup d'autres qui sont rentrés dans leurs pays respectifs sans connaître les risques qu'ils représentaient pour les autres. On dit qu'un vaccin sera bientôt disponible, mais il semble y avoir du retard à la production. Le nombre de cas dans le monde a dépassé à présent le million, avec près de 50.000 morts (maintenant 5 %) attribués au virus. On pourrait penser que la plupart des morts sont des personnes âgées débilitées, mais c'est loin d'être la règle. Il s'agit souvent de jeunes personnes (surtout des hommes) sans antécédent notable.

Quelque 10 % des malades infectés nécessitent un support respiratoire, ce qui représente une surcharge considérable pour les unités de soins intensifs qui sont déjà quasi pleinement occupées en temps normal. Quasi tous les patients sont traités par ventilation mécanique, mais souvent cela ne suffit pas, si bien qu'il faut ajouter un oxygénateur à membrane (extracorporeal membrane oxygenator ou ECMO). Dans notre service, nous avons déjà placé des malades dans les couloirs. Toutes les autres activités de l'hôpital ont été drastiquement réduites, si bien qu'il n'y a pas beaucoup d'autres malades graves. Les malades âgés ou souffrant d'affections avancées ne sont plus admis dans le service. Nous ne pouvons pas transférer de malades vers d'autres institutions, puisqu'elles ont les mêmes problèmes. Nous avons actuellement huit patients en ECMO, et plus d'appareil disponible. L'arrêt du programme de chirurgie cardiaque nous a permis de récupérer un ou deux circuits d'ECMO mais ce n'est pas suffisant. Nous avons vraiment besoin de plus d'appareils. Nous sommes disposés à en acheter et l'usine de production promet d'en fournir d'autres mais la réalisation se fait attendre.

Nous pensons arrêter le traitement chez le patient du lit huit qui ne s'améliore guère malgré un traitement de plus de 15 jours déjà, mais la famille en détresse s'y oppose formellement. Les proches sont convaincus que nous voulons arrêter le traitement pour reprendre la machine pour quelqu'un d'autre, ce qui n'est pas faux. Ils menacent d'en parler à la presse, mais cela ne nous effraie pas. Le point essentiel est de ne pas heurter davantage une famille déjà durement éprouvée. Nous allons encore leur parler .... De plus, notre médecin directeur insiste pour que son frère malade puisse être admis dans notre service et une autre demande expresse vient du ministre de la santé. Nous ne savons plus où donner de la tête.

Les membres de l'équipe ont le moral par terre. Le nombre de malades graves ne cesse d'augmenter en même temps que le nombre de travailleurs diminue. Certains membres de l'équipe sont infectés, mais nous suspectons des absences pour d'autres raisons. Michel a appelé hier pour dire qu'il ne se sentait pas bien mais il pourrait s'agir d'un problème psychologique plutôt que somatique : il ne supportait plus de mettre cet équipement chaud et encombrant, procurant un sentiment de claustrophobie. Il était ennuyé par toute la procédure nécessaire pour se rendre aux toilettes et on lui avait même suggéré d'utiliser des couches en disant que c'est ce qu'on fait en Chine. Brigitte n'est pas venue aujourd'hui non plus mais nous pensons qu'elle ne voulait pas laisser ses petits-enfants et qu'elle craignait par ailleurs de leur ramener le virus. Nous avons essayé d'obtenir du support d'autres secteurs de l'hôpital comme le bloc opératoire où l'équipe n'a finalement pas grand-chose à faire, mais le personnel là-bas ne connaît pas bien les spécificités des malades graves : Déjà la manipulation du respirateur pose problème, sans parler de l'ECMO. Chacun est effrayé, fatigué, déprimé, en burnout. Nous ne sommes même pas certains de pouvoir poursuivre les mesures d'isolement, qui sont de plus en plus contestées face à l'amplitude de l'épidémie. Nous voyons l'avenir avec inquiétude et pessimisme.

Je me réveille en sursaut. Les draps sont mouillés, mais ce n'est que de la sueur. C'était un mauvais rêve, peut-être prémonitoire ?

Avril 2020 : Nous avons arrêté les tests de dépistage du nouveau coronavirus Covid-19 : tout malade fébrile avec problème respiratoire est présumé infecté. Il n'y a de toutes façons pas d'agent antiviral vraiment efficace (même pas le remdesivir).La pandémie est maintenant au-delà de tout contrôle. L'explosion de la pandémie a été activée par ce travailleur chinois infecté arrivé en Afrique centrale où les mesures de contrôle ont été insuffisantes. Il y a aussi eu ce bateau de croisière où une passagère contaminée en a infecté beaucoup d'autres qui sont rentrés dans leurs pays respectifs sans connaître les risques qu'ils représentaient pour les autres. On dit qu'un vaccin sera bientôt disponible, mais il semble y avoir du retard à la production. Le nombre de cas dans le monde a dépassé à présent le million, avec près de 50.000 morts (maintenant 5 %) attribués au virus. On pourrait penser que la plupart des morts sont des personnes âgées débilitées, mais c'est loin d'être la règle. Il s'agit souvent de jeunes personnes (surtout des hommes) sans antécédent notable.Quelque 10 % des malades infectés nécessitent un support respiratoire, ce qui représente une surcharge considérable pour les unités de soins intensifs qui sont déjà quasi pleinement occupées en temps normal. Quasi tous les patients sont traités par ventilation mécanique, mais souvent cela ne suffit pas, si bien qu'il faut ajouter un oxygénateur à membrane (extracorporeal membrane oxygenator ou ECMO). Dans notre service, nous avons déjà placé des malades dans les couloirs. Toutes les autres activités de l'hôpital ont été drastiquement réduites, si bien qu'il n'y a pas beaucoup d'autres malades graves. Les malades âgés ou souffrant d'affections avancées ne sont plus admis dans le service. Nous ne pouvons pas transférer de malades vers d'autres institutions, puisqu'elles ont les mêmes problèmes. Nous avons actuellement huit patients en ECMO, et plus d'appareil disponible. L'arrêt du programme de chirurgie cardiaque nous a permis de récupérer un ou deux circuits d'ECMO mais ce n'est pas suffisant. Nous avons vraiment besoin de plus d'appareils. Nous sommes disposés à en acheter et l'usine de production promet d'en fournir d'autres mais la réalisation se fait attendre.Nous pensons arrêter le traitement chez le patient du lit huit qui ne s'améliore guère malgré un traitement de plus de 15 jours déjà, mais la famille en détresse s'y oppose formellement. Les proches sont convaincus que nous voulons arrêter le traitement pour reprendre la machine pour quelqu'un d'autre, ce qui n'est pas faux. Ils menacent d'en parler à la presse, mais cela ne nous effraie pas. Le point essentiel est de ne pas heurter davantage une famille déjà durement éprouvée. Nous allons encore leur parler .... De plus, notre médecin directeur insiste pour que son frère malade puisse être admis dans notre service et une autre demande expresse vient du ministre de la santé. Nous ne savons plus où donner de la tête.Les membres de l'équipe ont le moral par terre. Le nombre de malades graves ne cesse d'augmenter en même temps que le nombre de travailleurs diminue. Certains membres de l'équipe sont infectés, mais nous suspectons des absences pour d'autres raisons. Michel a appelé hier pour dire qu'il ne se sentait pas bien mais il pourrait s'agir d'un problème psychologique plutôt que somatique : il ne supportait plus de mettre cet équipement chaud et encombrant, procurant un sentiment de claustrophobie. Il était ennuyé par toute la procédure nécessaire pour se rendre aux toilettes et on lui avait même suggéré d'utiliser des couches en disant que c'est ce qu'on fait en Chine. Brigitte n'est pas venue aujourd'hui non plus mais nous pensons qu'elle ne voulait pas laisser ses petits-enfants et qu'elle craignait par ailleurs de leur ramener le virus. Nous avons essayé d'obtenir du support d'autres secteurs de l'hôpital comme le bloc opératoire où l'équipe n'a finalement pas grand-chose à faire, mais le personnel là-bas ne connaît pas bien les spécificités des malades graves : Déjà la manipulation du respirateur pose problème, sans parler de l'ECMO. Chacun est effrayé, fatigué, déprimé, en burnout. Nous ne sommes même pas certains de pouvoir poursuivre les mesures d'isolement, qui sont de plus en plus contestées face à l'amplitude de l'épidémie. Nous voyons l'avenir avec inquiétude et pessimisme.Je me réveille en sursaut. Les draps sont mouillés, mais ce n'est que de la sueur. C'était un mauvais rêve, peut-être prémonitoire ?