Deux études récentes - l'une espagnole, l'autre belge - illustrent l'impact du changement climatique sur la santé. La première montre qu'en s'adaptant au réchauffement, nos sociétés freinent la mortalité. La seconde examine la prévalence des agents pathogènes en fonction des extrêmes météorologiques.
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L'été 2024 nous a encore montré, si besoin en était, à quel point les différents phénomènes météorologiques gagnent en intensité. Pluies abondantes, chaleurs qui n'ont rien à envier au bassin méditerranéen qui, lui-même, flirte avec les plus de 40°, orages violents... À quel point ces exacerbations impactent-elles notre santé? Une étude publiée mi-août dans Nature Medicine [1] montre qu'une forme 'd'adaptation sociale' à la chaleur émerge depuis l'an 2000, permettant de limiter l'ampleur des décès liés aux canicules. Sans ces ajustements, nous pourrions avoir jusqu'à deux fois plus de décès chez les 80+ ans... "Nous avons appliqué des modèles épidémiologiques aux relevés de température et de mortalité dans 823 régions de 35 pays afin d'estimer la mortalité liée à la chaleur en Europe en 2023, en fonction du sexe et de l'âge, et de quantifier la charge de mortalité évitée grâce à l'adaptation de la société à l'augmentation des températures depuis l'an 2000", explique en préambule Elisa Gallo, auteure principale, chercheuse au Barcelona Institute for Global Health. L'année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée au niveau mondial, et la deuxième plus chaude en Europe. Et 2024 pourrait battre un nouveau record. "Nous avons estimé à 47.690 (intervalle de confiance, 95%) le nombre de décès liés à la chaleur en 2023, soit la deuxième charge de mortalité la plus élevée au cours de la période d'étude 2015-2023, dépassée seulement par 2022. Nous avons également estimé que la charge de mortalité liée à la chaleur aurait été supérieure de 80% en l'absence d'adaptation au siècle présent, en particulier chez les personnes âgées (+100,7% chez les 80+ ans). Nos résultats soulignent l'importance des adaptations pour sauver des vies et l'urgence de stratégies plus efficaces pour réduire davantage la charge de mortalité des prochains étés plus chauds."Qu'entend-on par 'adaptation sociale'? Une prise de conscience des risques qui permet d'optimaliser les stratégies de prévention (alertes et communications précoces). Nos modes de vie s'adaptent aussi, de même que le secteur de la santé et le monde du travail (dans le bâtiment, notamment). Toujours selon cette étude, les pays qui affichent les plus hauts taux de mortalité en lien avec des températures élevées sont la Grèce (393 décès/million), la Bulgarie (229), l'Italie (209), l'Espagne (175), Chypre (167) et le Portugal (136). Par ailleurs, selon l'Unicef, un enfant sur cinq, dans le monde, subit désormais au moins deux fois plus de jours de chaleur extrême (+ de 35°) que ses grands-parents en 1960. Ainsi, un petit Malien vit 212 jours par an à des températures de plus de 35°... Les facteurs météorologiques intenses jouent un rôle non négligeable dans la transmission et la survie des agents infectieux. On sait par exemple de longue date que les épisodes de froid intense augmente le confinement de la population, ce qui favorise l'échange de virus tels que l'influenza. Les inondations de l'été 2021 ont montré, tout particulièrement dans les zones sinistrées comme Liège, une hausse de certaines pathologies infectieuses. Pour tenter de mieux comprendre le lien, des chercheurs de l'ULB, de Sciensano et de l'UMons ont mené une étude comparant les données de surveillance météorologique avec les données de surveillance épidémiologique en Belgique [2]. "Les données météorologiques (via l'IRM) ont été agrégées par province belge pour obtenir les températures et les précipitations moyennes hebdomadaires par province", expliquent les chercheurs emmenés par Nicolas Yin (LHUB-ULB). "Les données épidémiologiques (via Sciensano) comprenaient les cas hebdomadaires d'agents pathogènes responsables de gastro-entérites, d'infections respiratoires, d'infections à transmission vectorielle et d'infections invasives, normalisés pour 100.000 habitants." L'association entre les événements météorologiques extrêmes et les événements infectieux a été déterminée en comparant l'incidence hebdomadaire moyenne des maladies infectieuses considérées après chaque événement météorologique survenu après un nombre donné de semaines. Résultats? -Les températures très basses sont associées à une incidence plus élevée des virus de la grippe et de la parainfluenza, de Mycoplasma pneumoniae, des rotavirus et des infections invasives à Streptococcus pneumoniae et Streptococcus pyogenes ; -Les températures très élevées sont associées à une incidence plus élevée des infections à Escherichia coli, Salmonella spp, Shigella spp, des gastro-entérites parasitaires et de Borrelia burgdorferi ; -Les très fortes précipitations sont associées à une incidence plus élevée du virus respiratoire syncytial (VRS) ; -Les très faibles précipitations sont associées à une incidence plus faible de la gastro-entérite à adénovirus. "Ces travaux mettent en évidence non seulement la relation entre la température ou les précipitations et les maladies infectieuses, mais aussi les événements météorologiques les plus extrêmes qui ont une influence individuelle sur leur incidence", concluent les chercheurs belges.