Grande connaisseuse de l'Italie, elle n'en prend pas vraiment les chemins de traverse, mais arpente les lieux très ou trop connus, de Turin à Naples en passant par Milan, Venise et la Sicile.... Bien sûr, elle évoque la majesté des lacs, le côté moyenâgeux de l'Ombrie, mais oublie l'Emilie-Romagne, les Pouilles, la Calabre ou la Ligurie. Ne révèle pas les petites merveilles que sont Sabionetta ou Sarzana.

Tout est dans la façon dont elle aborde les cités : Milan via le design d'Alessi, Turin au travers des funérailles d'Agnelli, le pape de l'automobile, Rome par les pins parasols, ses beautés, et ses chats noirs que les automobilistes évitent par superstition. Ceci bien sûr dans un va-et-vient constant entre trésors historiques et temps présents, lorsqu'elle évoque Naples, objet de clichés et préjugés, victime collatérale de l'unification italienne dont les merveilles décaties sont léprosées plus avant par la camorra.

Quant à la Sicile, elle y évoque bien entendu les trésors délaissés, l'accueil chaleureux des habitants recto du verso impitoyable de la mafia et de sa loi sans merci : Falcone, Borsalino, dalla Chiesa ont droit à sa révérence comme le père Puglisi, oublié et qui pourtant tentait de soustraire les jeunes recrues désargentées aux tentacules de la pieuvre.

On croise dans ce livre alerte, Elsa Morante, Alberto Moravia, des citations de Stendhal beaucoup, d'Henry James notamment, du philosophe Jerphagnon. L'amoureuse transalpine adresse un salut à Pasolini, passe à Cinecitta en compagnie de Gassman et Mastroianni. Et bien sûr, en les mettant en " italiques " afin de bien les honorer, l'ouvrage évoque des musiciens vénitiens comme Vivaldi, napolitains comme Scarlatti, des peintres de Giotto à Michel-Ange en passant bien entendu par Léonard, et réhabilite Raphaël injustement accusé aujourd'hui selon Christiane Rancé d'une douceur désormais trop mièvre pour l'époque...

Enfin, elle évoque aussi le Saint-Suaire de Turin car, illuminée par l'Italie, l'auteure l'est aussi par sa foi, ce qu'elle ne cache pas. Et au fond, quoi de plus normal : car que serait l'Italie si le catholicisme n'avait marqué à ce point son histoire.

Christiane Rancé. Bella Italia. Un itinéraire amoureux. Tallandier.