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"Le fasting pour vivre plus longtemps", "Le guide du jeûne pour retrouver ligne et santé", "Le jeûne, une nouvelle thérapie?"... Il suffit de faire un petit tour dans le rayon " santé " d'une librairie pour mesurer la popularité actuelle du jeûne et des régimes (restriction calorique, protéique, glucidique/cétogène (<10% des apports caloriques)...) censés assurer le bien-être, diminuer le risque de maladies telles que le cancer voire améliorer l'efficacité et/ou la tolérance des traitements. Sans oublier les stages alliant jeûne et randonnée ou encore les cliniques du jeûne comme il en existe en Allemagne, Suisse, Italie, Espagne...Face à cet engouement, l'Institut français du cancer édite une fiche repère faisant l'état des lieux et des connaissances sur la question. Les données proviennent du Rapport d'expertise collective conduite par le réseau National Alimentation Cancer Recherche (Nacre) publié en novembre dernier.Mais qui sont ces jeûneurs? Selon une étude sociologique réalisée en 2010 auprès de 569 de ces adeptes, il s'agit plutôt de femmes (dans 71% des cas), d'âge mûr (54% ont 45-60 ans) et d'un niveau d'études élevé (59% sont bac+3 et plus). On manque cependant de données sur les pratiques, les profils et les motivations de ces personnes, surtout pour celles souffrant de cancer.La revue systématique de la littérature réalisée par le réseau Nacre montre que la grande majorité des articles (200) concerne des études chez l'animal mais qu'elles sont beaucoup plus rares chez l'homme: 2 études épidémiologiques et 15 essais cliniques en lien avec le cancer.Résultats? " Les données disponibles actuellement ne permettent pas de conclure un effet bénéfique du jeûne ou des régimes restrictifs pour la prévention des cancers. Les données expérimentales obtenues sur des modèles animaux apparaissent souvent hétérogènes et, chez l'homme, les données épidémiologiques et cliniques trop peu nombreuses ". Ainsi, la seule étude épidémiologique disponible sur l'effet de la restriction protéique suggère un effet favorable dans le groupe 45-65 ans, sur le risque de décès toute cause et par cancer, mais un effet défavorable après 65 ans...Et pendant la maladie? Ici non plus, les donnée actuelles n'apportent pas de preuve d'un bénéfice du jeûne ou des régimes restrictifs sur l'efficacité des traitements ou le pronostic. Deux études cliniques montrent des résultats du jeûne intermittent sur la fatigue ou sur des marqueurs sanguins, mais elles comptent peu d'effectifs et n'analysent pas l'évolution tumorale (efficacité des traitements, survie, récidive). Deux autres études cliniques concernant la restriction calorique ne démontrent pas de bénéfices sur l'évolution tumorale ou la toxicité des traitements. Quant aux neuf études analysant l'effet du régime cétogène sur l'évolution tumorale au cours du traitement dans différents types de cancers, elles sont non seulement non contrôlées, non randomisées, et d'un faible nombre de patients, mais leurs résultats sont contradictoires.Les auteurs du rapport ajoutent que " les données concernant les effets de la restriction calorique, du régime cétogène ou du jeûne sur le vieillissement, les maladies cardiovasculaires et sur la prise en charge des maladies rénales chroniques sont également trop limitées pour conclure (...) Selon les régimes et les pathologies, des effets négatifs ou délétères ont été signalés appelant à une vigilance vis-à-vis de ces pratiques".En août dernier, dans un avis intitulé " Détox: halte à l'intox! ", l'Association française des diététiciens nutritionnistes (AFDN) tirait déjà la sonnette d'alarme sur le lien fait entre régimes de détoxification et santé. Son message se résume en trois points: ces allégations n'ont jamais été démontrées scientifiquement, le jeûne est dangereux pour l'organique qui a besoin de toute l'énergie et de tous les nutriments fournis par l'alimentation et enfin, la véritable détox c'est une vie saine et une alimentation équilibrée." La volonté de maîtrise, associée au besoin de purification, correspond plus à un phénomène sociétal qu'à un besoin clinique. Toute consommation, en particulier alimentaire, est devenue objet de suspicion et les solutions 'magiques' ont toujours la faveur du public ", estime la commission scientifique de l'AFDN.Dans ses conclusions, l'Institut national du cancer ne dit pas autre chose. Il insiste pour que les médecins et les soignants n'ignorent pas ce fait social, qu'ils soient à l'écoute des attentes de leurs patients, qu'ils les informent sur l'état actuel des connaissances et qu'ils les sensibilisent aux risques, notamment de dénutrition. Les régimes restrictifs qui entraînent perte de poids et de masse musculaire sont particulièrement visés parce qu'ils risquent d'aggraver la dénutrition et la sarcopénie, facteurs péjoratifs reconnus."Pour les patients atteints de cancer qui souhaitent néanmoins s'engager dans ces démarches, une vigilance doit être apportée, en particulier par une évaluation et un suivi nutritionnel régulier", concluent les auteurs.