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Le Journal du Médecin s'est entretenu avec le Dr Tanguy Demaret, pédiatre et généticien en formation, qui souligne la valeur de sa spécialité et veut dissiper certaines idées fausses.Il y a plusieurs indications pour référer un patient en génétique clinique. "En cas de pathologie complexe qui affecte plusieurs systèmes, la génétique aide à déterminer s'il existe un diagnostic uniciste pouvant expliquer le tableau. Plus les atteintes sont précoces (des malformations prénatales, par exemple), plus cela peut s'avérer crucial d'en connaître rapidement la cause", précise le Dr Demaret. "On peut aussi consulter en génétique pour réaliser un test prédictif (de prédisposition au cancer, par exemple) ou un test présymptomatique en cas d'histoire familiale confirmée (comme pour la maladie de Huntington)[1], mais aussi pour un phénotype héréditaire plus 'simple', comme une épilepsie qui se manifeste sur plusieurs générations ou une certaine malformation qui ségrègue dans la famille." "Le séquençage tumoral connaît actuellement une véritable explosion", ajoute le Dr Demaret. "Ces tests permettent aux oncologues de mettre en place un traitement ciblé. Mais il arrive aussi que l'on découvre des prédispositions héréditaires au cancer, et il est important de prévenir le patient de cette éventualité et, ensuite, de lui fournir un conseil génétique adéquat. La même chose est vraie pour le DPNI[2]chez la femme enceinte. Outre les trisomies, on peut dépister d'autres anomalies chromosomiques chez la maman et le bébé. On appelle ça des 'découvertes additionnelles' mais leur interprétation n'est pas toujours univoque. Afin d'éviter tout stress inutile pour les parents, il faut savoir communiquer les informations de la bonne manière." Une consultation en génétique se prépare. Il faut minutieusement examiner le dossier du/de la patient·e au préalable. "Ce sont souvent des patients avec des trajectoires de soins complexes. On doit interpréter l'ensemble du dossier, essayer de trouver des liens, déterminer ce qu'on peut proposer au patient", explique le Dr Demaret. "La consultation en elle-même prend facilement une heure: il faut faire le tour des antécédents personnels et familiaux, faire un examen clinique large et multisystémique. Afin de proposer les tests adéquats et d'interpréter correctement les résultats, un phénotypage poussé du patient est crucial. Finalement, comme les résultats sont susceptibles d'avoir un impact important sur la vie du patient et de sa famille, il est essentiel d'obtenir un consentement éclairé. C'est donc bien plus qu'une prise de sang", dit-il avec un clin d'oeil. La génétique est un travail d'équipe. Assistant social, conseiller en génétique et psychologue jouent un rôle clé, et l'importance de leur travail est reconnue grâce aux conventions Inami. La pratique clinique et le travail de laboratoire sont étroitement imbriqués aussi. Les éléments de la consultation servent à guider le biologiste, qui doit identifier le ou les variants les plus pertinents pour expliquer les atteintes du patient. "On cherche une aiguille dans une botte de foin", explique Tanguy Demaret. "Il arrive souvent que l'on discute du résultat avec le biologiste - s'il y a un doute ou si des éléments supplémentaires sont apparus depuis la consultation. C'est d'ailleurs une chance énorme qu'on a en Belgique. Au Canada, par exemple, les analyses sont sous-traitées à des compagnies privées et l'on reçoit juste un protocole. De ce fait, l'hôpital n'est pas propriétaire des données et il est impossible de les réanalyser rapidement ou de discuter de leur interprétation", affirme-t-il. "Le système belge garantit la meilleure qualité des soins. Une chose qui nous a déçus par contre, c'est qu'au moment de la reconnaissance de notre spécialité, l'Inami a valorisé la consultation simple de génétique à seulement 23 euros. Pour le travail qui y est consacré, en amont, pendant et en aval, cela est vraiment très peu, à nos yeux." S'il n'y a pas de traitement disponible, pourquoi tester? Selon le Dr Demaret, un diagnostic génétique peut avoir plusieurs bénéfices. "Premièrement, on peut mettre fin à une odyssée: pouvoir mettre un nom sur une maladie a un réel impact positif pour les familles", dit-il. Ensuite, connaître la cause permet aussi parfois d'avoir une idée du pronostic, pour les troubles neurodéveloppementaux par exemple, ou d'organiser un suivi approprié. "Parfois, il existe des molécules ciblées que l'on peut prescrire sur base du diagnostic. Par ailleurs, on peut déterminer le risque de récidive dans la fratrie ou le risque de transmission à ses enfants. Il est également important de préciser aux patients qu'il existe des techniques pour éviter la transmission héréditaire, comme le diagnostic prénatal et préimplantatoire." Le Dr Demaret est convaincu que les applications et les indications des tests génétiques continueront de s'accroître dans le futur. "Avec le séquençage de nouvelle génération et l'explosion des données générées, les possibilités sont infinies. En tant que généticiens, nous avons aussi un rôle de garde-fou sociétal. Nous sommes là pour mettre des barrières et prendre en compte la dimension éthique de la discipline", conclut-il.