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Une somptueuse maison de maître sise sur la déjà très belle et vaste avenue Brugmann à Forest, non loin de Ma Campagne. Depuis sept ans déjà, cet hôtel particulier est devenu le palais du goût de Matthias Van Eenoo, prince de la cuisine, qui enchante ceux de ces convives, accueillis dans cette vaste demeure aux dimensions en effet... princières, si vaste que l'on pourrait s'y perdre. L'accueil se fait au bar, si on le souhaite, situé à l'étage et illuminé d'une lumière curaçao bleu. Autour de ce dernier, déjà deux salles: l'une de réception qui peut accueillir mariages, repas d'affaires, séminaires ; l'autre la bibliothèque, petit espace pour quelques tables aux allures d'alcôves, l'étage disposant également d'un fumoir. Au deuxième, une salle à manger dans le même style, mais avec cuisine privative. La salle principale de restaurant et ses très hauts plafonds, caractéristiques du bâtiment, s'ouvre sur une terrasse à pilastres magnifique à la belle saison (ainsi qu'un bar extérieur) et un parc qui accueille l'été jusqu'à 100 couverts, et, à l'intérieur, sur la cuisine ouverte, sorte de laboratoire où s'active Matthias et son équipe. Une autre salle jouxte ce coeur battant du Brugmann, le rez-de-chaussée accueillant en tout à l'intérieur une cinquantaine de couverts, dans une disposition espacée. L'immeuble d'époque est redécoré aux couleurs yuppies qui fleurent les années 80, le mobilier et les tables reflétant la dimension ample du bâtiment et la volonté de faire la cour aux papilles des convives du chef. Les menus sont au nombre de trois, en fonction des appétits et du plaisir que l'on veut se faire (différents prix de 58 à 118 euros), et supplantent les suggestions à la carte, dans des propositions souvent plutôt mer que terre, en laissant barboter sur ladite carte un imposant chapitre réservé au caviar Pétrossian. Dans une ambiance feutrée, intime, une lumière contribuant à la ferveur de la cène, où s'active un service attentif, très professionnel, mais plus que courtois, chaleureux, qui effectue un ballet harmonieux, les mets se révèlent raffinés, osant par exemple dans le menu à 85 euros des huîtres Gillardeau, accompagnées audacieusement de compote de poires de crème d'échalote, suivi d'un bouillon de carotte qui associe raviole de persil, panais et fleur d'oranger, et présente des saint-jacques en ceviche avec un accompagnement qui mélange harmonieusement zéphyr, jeunes pousses de cresson et caviar. C'est exquis, délicat, à l'image de ce poulet du Gers cuit à basse température ou du suprême de canette au barbecue, poireaux brûlés, orange, cannelle, sésame, bouchon de bleu d'Artois. Le dessert, laissé à la discrétion du chef (un cheese-cake aux fruits rouges d'une grande délicatesse le jour de notre visite) et selon son humeur (il y en a d'autres exemples à la carte), ne rompt pas l'harmonie de cette partition culinaire parfaitement exécutée, sans fausse note, et qui soigne la mise en scène, et donc en assiette des plats proposés. L'ensemble va de concert bien entendu avec un certain prix, dans l'esprit yuppie (plat à 40 euros menus à 58, 85 et 118 euros, et tout de même un lunch à 28 euros), mais justifié au regard de la qualité et la sophistication des mets. Aucun couac donc, juste un bémol, quant aux vins: le pouilly-fuissé "Ame", E.Forest 2018 en bio en blanc ou toujours en Bourgogne rouge Alox Corton 2015 (106 euros) tirés d'une carte très majoritairement française jouent un ton en dessous du reste de ce brillant orchestre. Reste que le Brugmann se révèle en effet un Palais des Beaux-Arts culinaires.