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La dermatite atopique est une maladie qui peut être très difficile à vivre pour le patient, au moins autant que le psoriasis, pour lequel on dispose actuellement d'un nombre conséquent d'options thérapeutiques. Connaissant des phases de relatives rémissions puis de rechutes au cours de la vie, cette affection peut entraîner des démangeaisons intenses, une forte altération de la qualité de vie (dont un mauvais sommeil), et des comorbidités telles que des surinfections ainsi que le développement d'un asthme/d'une conjonctivite ou d'allergies surajoutées. "Jusqu'il y a peu, il était assez compliqué de soigner les patients souffrant de dermatite atopique", se souvient Pierre-Dominique Ghislain. "Il leur était bien entendu prescrit des topiques comme des crèmes cortisoniques puis des immunosuppresseurs comme le tacrolimus, dont l'utilisation est limitée en cas de lésions étendues. Quant à la cortisone per os, elle n'était à prescrire qu'en dernier recours à cause de ses effets indésirables potentiels, surtout au long cours." S'y ajoutent différents immunosuppresseurs comme la cyclosporine, le méthotrexate ou l'azathioprine. Mais ils ne sont pas anodins non plus, et les dermatologues sont plutôt réticents à les utiliser à long terme. L'évolution est sensible depuis l'apparition de produits visant les interleukines. "Depuis quelques années, nous disposons du dupilumab, un inhibiteur des IL-4 et 13 administrable sous forme d'injection sous-cutanée. Il s'agit d'un traitement efficace", estime le Pr Ghislain, "mais dont le coût en restreint l'usage aux formes les plus sévères de la maladie, avec des critères de remboursement très stricts. Par ailleurs, certains patients n'y répondent pas de manière optimale, tandis que d'autres voient se développer une conjonctivite qui persiste voire s'aggrave malgré un traitement local. Du reste, ce dernier est souvent constitué d'un topique cortisonique, ce qui en restreint la possibilité d'un usage prolongé."D'autres options injectables appartenant à la même famille thérapeutique devraient être bientôt disponibles, comme le tralokilumab et le lebrikizumab, deux anti-IL-13 (donc ciblant mieux l'eczéma atopique). Les JAK (Janus kinases) sont des cibles intéressantes à considérer. Leur inhibition limite la transduction des signaux d'origine cytokinique. Dans la dermatite atopique, le baricitinib est actuellement le seul inhibiteur des JAK disponible en Belgique. Il pourrait être suivi bientôt par l'upadacitinib et l'abrocitinib. "Ces médicaments s'administrent par voie orale quotidienne, et les retours des essais cliniques ainsi que de nos expériences personnelles sont excellents", se réjouit Pierre-Dominique Ghislain. "Nous avons juste quelques craintes au niveau de la tolérance à long terme, comme avec un produit analogue utilisé dans la polyarthrite rhumatoïde: il existerait en effet un risque d'effet indésirable sur le plan cardiaque ou lipidique. Cependant, les trois produits mentionnés plus haut sont plus sélectifs, et il n'est donc pas certain qu'un tel effet indésirable soit à craindre - ou, du moins, pas avec une fréquence ou une intensité comparables. En tout cas, personnellement, je prends la précaution de demander un dosage lipidique avant d'entamer un tel traitement. Une augmentation dose-dépendante des taux lipidiques pourrait théoriquement survenir, ce qui pourrait orienter le dosage à prescrire."Un problème se pose sur le plan du remboursement des inhibiteurs du JAK. Celui du baricitinib est difficile à obtenir, car il n'est accordé qu'en deuxième ligne avancée: pour un patient donné, il faut d'abord argumenter sur les anti-IL injectables, en documentant la contre-indication, l'intolérance ou l'échec thérapeutique qui le concerne. "Il est donc à craindre que les prochains inhibiteurs du JAK seront soumis aux mêmes critères de remboursement", s'inquiète le professeur Ghislain. "En tant que dermatologues, on peut être déçu par ces critères car nous aurions préféré pouvoir prescrire d'emblée un inhibiteur du JAK, en fonction de différents éléments comme la prise orale ou la cible thérapeutique visée." Les prochains mois nous diront ce qu'il en sera, avec les discussions qui se tiendront à l'Inami.