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Dans un hôpital de Hobart en Tasmanie, Francie, atteinte par le grand âge, s'en va doucement, entourée par ses trois enfants survivants, tandis qu'au dehors d'énormes incendies ravagent l'éden naturel de cette île et, plus loin, de l'immensité australienne. À son chevet, Tommy, atteint d'un bégaiement, lequel est resté tasmanien afin de s'occuper de sa mère et dont la vie a beaucoup bégayé ; Terzo, dont la réussite éclatante, la rage de vivre et d'empêcher se mère de mourir semblent masquer un point aveugle ; enfin, Anna, personnage central du roman: elle aussi s'est exilée en Australie, dans la solitude de la réussite qui ne partage rien, rongée par la culpabilité, égoïste, méprisant comme son frère de réussite celui qui a choisi de rester, le "pauvre" Tommy... Riche d'une relation fertile avec sa génitrice, que les deux autres membres de la fratrie s'acharnent contre sa volonté à mettre "à vie" tandis qu'au-dehors, mise à mort, la nature n'en finit pas d'agoniser. Roman vertigineux que celui de Richard Flanagan (déjà auteur du formidable La route étroite vers le nord en 2017) qui, dans un style fluide, sinueux parfois, changeant, signe un roman à la fois familial, métaphore de l'anthropocène, de l'aveuglement digital de notre société lissée face à la beauté du monde, philosophique ("qu'était la pitié après tout, sinon du chagrin fondé sur l'illusion du pouvoir?"), et parfois aux confins du fantastique, sonde la complexité des rapports "fraternels", des secrets de familles, avec sensibilité, non, plutôt humanité et ce que celle-ci a de formidable et détestable à la fois. Un livre dont la conclusion pourrait être qu'avec la bêtise, le sentiment le mieux partagé au monde est sans doute... le déni.