...

Directeur du Botanique dont il est le programmateur musical, Paul-Henri Wauters, qui s'apprête à quitter son "Bota" - la décision quant à son successeur sera connue aujourd'hui -, évoque son parcours, intimement lié au développement du Centre culturel, l'héritage qu'il laisse et les défis auxquels le Centre culturel se trouve confronté. Le journal du Médecin: Il vous a été reproché d'avoir progressivement mis "de côté" les autres secteurs d'activité culturelle au Centre culturel du Botanique... Paul-Henri Wauters: Il n'y a jamais eu de volonté de cannibalisme mais assez logiquement, le rythme des musiques actuelles s'est imposé dans la maison. Évidemment, en ouvrant également la programmation à un segment de musique internationale, nous avions conscience que le lien avec la mission n'était pas direct mais indirect, puisque celle-ci impliquait de soutenir les groupes belges. Mais la progression internationale, comme dans le cas de l'Ancienne Belgique, permettait de développer une crédibilité sur le plan local, de susciter l'intérêt des médias, également de nourrir l'intérêt d'un public plus large et en même temps de fixer, au sein de la programmation, un niveau d'exigence international, qui lui-même a favorisé le développement de groupes locaux... à l'international. S'est dès lors imposée, dès les années 90, une forme de spécialisation du Botanique dans deux domaines: expositions d'une part, et musiques actuelles de l'autre. Durant trois décennies, vous avez connu, au niveau de la musique, toutes les évolutions technologiques au niveau de la production, de la diffusion, de la réception... Oui, 35 ans d'évolution vus au travers du prisme d'un opérateur local lié à une mission: une vision assez particulière. Au niveau du Botanique, nous avons cherché à accompagner plusieurs générations d'artistes, et pu constater durant cette période qu'une véritable révolution s'est opérée, notamment au niveau de la professionnalisation des musiciens. Notamment en Belgique, j'imagine... La scène belge s'est en effet fortement développée, flamande d'abord, puis francophone, avec un décalage. Mais actuellement, il y a désormais un travail qui s'effectue à armes égales. Il n'y a peut-être pas le même tissu industriel au niveau musical côté francophone, mais en termes de créativité et de renommée à l'étranger, nous sommes assez innervés, au travers différentes plateformes, donc de concerts. Le fait que fin des années 70, les francophones aient choisi le Botanique plutôt que l'Ancienne Belgique, suite à une manoeuvre stratégique des Flamands qui leur ont fait croire que le Bota les intéressait, fut-il une erreur? Au final, non. Au début, cette transformation en Centre culturel a exigé un travail intense, au niveau de la rotonde, par exemple, qui est une salle circulaire. Le vrai problème se situe au niveau de la capacité. Notre mission de service publique comporte un segment de soutien au décollage des carrières, phase qui demande une énorme énergie, à la fois au niveau de l'artiste, de son label et d'un partenaire comme le Botanique qui s'est, au fil des années, imposé dans le processus en tant qu'acteur de l'accompagnement. Les artistes flamands bénéficient de petits lieux de diffusion, de création et puis, passé un certain niveau, disposent d'un lieu de référence qui est l'Ancienne Belgique où ils peuvent se produire jusque devant 2.000 personnes. À ce stade, les festivals d'été vous engagent, en vous rétribuant pour un montant bien supérieur, vu la preuve de votre capacité à attirer 2.000 personnes. Côté francophone, au Botanique, nous arrivons à suivre le décollage d'un artiste jusqu'à 700 places dans l'orangerie mais ensuite, il doit se débrouiller. Nous disposions à l'époque du Cirque royal où, bon an mal an, nous programmions trois ou quatre projets belges, avec une perspective de développement. Maintenant que vous l'avez définitivement perdu au profit de la Ville de Bruxelles qui le gère désormais, quelle est la solution? Depuis, nous nous sommes repliés sur la zone d'émergence tout en essayant de programmer ces artistes, par exemple sous le chapiteau à l'occasion du festival, à Bozar ou à l'AB. Depuis 2014 et la menace de perdre le Cirque royal, nous avons anticipé, en prospectant dans la recherche de lieux qui nous permettraient de nous redévelopper. À telle enseigne que depuis cette époque, nous sommes montés dans les tours au niveau des moyens, lesquels vont être injectés dans des travaux importants au niveau de l'orangerie et de la rotonde qui, grâce à la création d'une mezzanine, passera de 300 à 450 personnes. On procède de même à l'orangerie: la création d'une mezzanine nous permettra de proposer une capacité de 1.100 places. De cette façon, nous allons pouvoir à nouveau proposer un accompagnement permettant un décollage avec la puissance nécessaire. Entre septembre 2023 et décembre 2024, le musée va être transformé en salle de concert, tandis que les expositions vont se déplacer pour moitié dans les couloirs, pour l'autre à Liège et au Cinquantenaire, notamment. Ces transformations ne permettront tout de même pas d'atteindre la capacité du Cirque royal. D'où le fait que vous songiez à une collaboration avec les Halles de Schaerbeek? Absolument. Sauf que celles-ci travaillent dans une logique de saison, avec une optique arts de la scène dans le segment automne- hiver, et de manière plus ouverte au printemps, ce qui nous convient dans le cadre des Nuits Botanique. Le CA du Botanique soutient ce rapprochement avec les Halles, qui sont désormais dans la même logique depuis la nomination comme directeur de Matthieu Goeury, lequel vient d'entrer en fonction. En janvier 2025, nous disposerons d'une orangerie à 1.100 places et, dans le cas d'un artiste susceptible de drainer 2.000 personnes, nous collaborerons avec les Halles.