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Nous avons été dans l'ensemble assez bons dans l'attribution du nombre de lits pouvant accueillir les malades graves par la construction de tentes dans des stades de sport, des zones de parking et même la construction de nouveaux hôpitaux. En Belgique, nous aurions pu accueillir des malades à l'hôpital militaire de Neder-Over-Heembeek. Cela n'a pas été fait. En effet, la question n'est pas limitée au nombre de lits disponibles mais aussi de à disponibilité en matériel et en personnel spécialisé. Il est rapidement devenu impossible d'acheter de nouveaux respirateurs. Dans certaines régions, malgré l'appoint de respirateurs d'anesthésie rendu possible par la diminution d'activité de quartier opératoire, deux malades ont parfois dus être ventilés par le même respirateur ce qui est évidemment contraire au besoin d'individualiser le support ventilatoire à chaque malade. Nous avons été contactés par la firme Audi qui était prête à se lancer dans le développement de nouveaux respirateurs très simples à destination de pays en difficulté. A Londres, la firme Mercedes a fait une proposition similaire à nos collègues anglais. Il ne s'agit pas seulement de support respiratoire mais aussi rénal. Lorsque les appareils d'hémofiltration venaient à manquer dans certains centres, la durée d'épuration extracorporelle a été parfois réduite à 12 h sur 24 pour permettre à deux malades de bénéficier de la même machine, ou on est revenu à la dialyse péritonéale. L'aide d'autres services a été très bienvenue, même si ces médecins, infirmier(e)s et kinésithérapeutes ont moins d'expérience et de formation en soins intensifs. Nous avons dû nous rappeler la nécessité de travailler alors selon un mode pyramidal avec les membres du staff USI supervisant le travail des autres moins formés. Aux États-Unis, des équipes ont été formées en fonction de leur expertise dans une technique: une équipe pour l'oxygénothérapie, une autre pour l'intubation endotrachéale,... une autre encore pour la mise en place de cathéters... Alors qu'au départ l'attention était naturellement centrée sur l'insuffisance respiratoire aiguë, il est apparu que l'affection devenait rapidement systémique, menant à la défaillance d'organes dans un tableau qu'on peut qualifier de sepsis viral. Une observation très intéressante a été la présence d'endotoxine dans le sang de ces malades, indiquant le passage de toxines bactériennes à partir du tube digestif. La participation de la coagulopathie/endotheliopathie. La coagulopathie étant quelque peu différente de celle d'autres infections sévère maintenant à l'acronyme CAC ('Covid-19 Associated coagulopathy'). Malheureusement, les thérapies à visée endothéliale comme la protéine C activée ou la thrombomoduline n'ont pas pu être disponibles et on a donc dû se contenter de l'héparine. Sur le plan de traitement spécifique, on a malheureusement perdu trop de temps à vanter les vertus de l'hydroxychloroquine, disponible en pharmacie, alors que la base scientifique de son efficacité dans le Covid était très douteuse. L'engouement pour cette molécule a considérablement ralenti la conduite d'études cliniques tant sur l'hydroxychloroquine elle-même que sur d'autres molécules plus intéressantes. Il a fallu attendre de nombreux mois pour que les études puissent démontrer l'inefficacité de la molécule. L'expérience n'a pas été plus concluante avec l'ivermectine, qui est aussi disponible. Outre les corticostéroïdes, des molécules d'immunomodulation ont pu finalement trouver une place, comme les inhibiteurs de l'interleukine -6, du JAK ou du GMCSF peut-être l'anti interleukine 1 ont finalement pris leur place, mais bien d'autres thérapies qui pourrait encore être considérées: Un article tout récent de Nature indique que plus de 100 médicaments sont encore en expérimentation. Le progrès a été facilité par le développement d'études randomisées multicentriques comme Solidarity, Recovery ou Remap-Cap qui ont permis ces progrès (...) Dans le domaine respiratoire, des appareils de support ventilatoire sous forme de débit de ventilation ou de casque ont permis d'éviter ou au moins de postposer la tubassion endotrachéale avec ses conséquences On a aussi mieux compris que l'insuffisance respiratoire n'était pas seulement de type ARDS mais pouvait prendre des formes moins typiques. Il a fallu enseigner que la présence d'oedème ne justifie pas toujours l'administration de diurétiques, qui pourraient en fait promouvoir l'hypovolémie avec les conséquences néfastes au niveau du débit sanguin et du transport en oxygène aux organes. Les manques de lit, d'équipement et de personnel a évidemment eu des conséquences éthiques importantes. Dans ce contexte des critères objectifs doivent être appliqués de manière à ce que ses décisions difficiles ne soient pas laissées à la subjectivité d'un seul individu. Il ne s'agit pas seulement d'admission de malade en soins intensifs mais aussi de l'application de techniques sophistiquées comme l'assistance respiratoire extracorporelle (ECMO) dont la mise en place exige davantage d'attention du personnel spécialisé, entraînant sa moindre disponibilité pour d'autres malades. Le principe du 'premier arrivé - premier servi' ne peut être appliqué, car la qualité des soins doit être la même pour tous. De même, le principe de loterie ne peut être appliqué, d'autant plus qu'il n'y a jamais deux malades identiques pour un seul lit disponible. Une liste d'éléments peut être gardée à l'esprit pour l'avenir. Nous avons appris beaucoup de la crise et nous sommes fiers du travail accompli. Il est aussi important que le support psychologique soit mieux assuré à l'avenir et surtout que le personnel soit remercié et valorisé de manière plus explicite, sans quoi nous nous exposerions à un phénomène de burnout aboutissant au délaissement des malades graves.