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Pour le Pr Isabelle Tromme, dermatologue spécialisée dans le diagnostic des tumeurs cutanées aux Cliniques universitaires St-Luc et professeur à l'UCLouvain, il est clair que le public réagit à la progression du mélanome dans notre société: "On consulte de plus en plus pour cela, surtout en cette période où les gens sont sensibilisés aux risques de l'exposition au soleil. Il faut avoir vécu dix ans sur Mars pour ignorer que l'incidence du mélanome est en augmentation constante, notamment à cause de nos habitudes de loisir d'exposition au soleil. Les dermatologues ne sont pas nécessairement immédiatement disponibles pour vérifier chaque suspicion, même si la situation de pénurie est moins grave que dans des pays voisins. Les patients s'adressent par contre de plus en plus aux généralistes, qui étaient donc en demande de recevoir une formation brève, mais adéquate qui leur permette d'utiliser un dermoscope de manière sûre et pratique. Les médecins de première ligne sont de plus en plus confrontés à des patients venant consulter parce qu'ils présentent une lésion cutanée suspecte. Grâce à l'apprentissage des critères dermoscopiques des lésions cutanées bénignes et malignes, la dermoscopie permet aux médecins de faire un tri sélectif entre les lésions qui nécessitent une chirurgie ou un avis spécialisé en dermatologie et celles qui ne le nécessitent pas".D'où la nécessité de mettre une formation sur pied, ce à quoi s'est attachée la spécialiste. L'objectif de cette formation coule alors de source: "C'est de permettre aux médecins de première ligne de réaliser le dépistage et le diagnostic du mélanome et des autres cancers cutanés auprès de leur patientèle à l'aide de la dermoscopie optique et digitalisée. La dermoscopie est une méthode de diagnostic des tumeurs cutanées non invasive qui s'opère à l'aide d'un dermoscope. Il s'agit d'une loupe portable qui permet de visualiser les structures des tumeurs de la peau invisibles à l'oeil nu. La pratique de la dermoscopie est ainsi devenue un outil incontournable pour tout médecin pratiquant l'examen clinique de la peau. Depuis quelques années, elle est d'ailleurs enseignée aux médecins de première ligne dans plusieurs pays européens. A l'issue de la formation, les médecins généralistes seront aussi capables de rassurer leurs patients face à une tumeur cutanée bénigne qui était suspecte à l'examen à l'oeil nu". Les organisateurs de la formation testent cette année un cours en ligne, spécifique pour médecins généralistes, auprès de 60 assistants en médecine générale de l'UCL. Cette formation sera ouverte à tous l'année académique prochaine. Imposé par les circonstances, l'e-learning s'est imposé comme une option adaptée. "Cela nous a permis de nous rendre compte de ses avantages: il est aisé pour les médecins isolés de suivre la formation depuis chez eux, chacun travaille à son rythme et quand cela l'arrange, à l'exception de cinq webinaires d'une heure trente à des dates prédéfinies. Puisque l'on travaille quasi exclusivement sur des images, la dermoscopie se prêtre vraiment très bien à ce type d'enseignement." Tous les médecins recevront la même formation mais dans un ordre différent. 185 médecins seront donc évalués anonymement durant la formation afin de voir quelle combinaison est à privilégier. Soulignons que chaque participant peut apprendre à son rythme et revoir les micro-capsules autant de fois qu'il le désire. "Nos modules permettent un apprentissage approfondi, avec de nombreux exemples graphiques qui expliquent comment séparer les tumeurs malignes des autres."Et ensuite? "La plupart du temps, les cas 'positifs' sont adressés aux dermatologues. Mais pour le reste, les généralistes font eux-mêmes de petites chirurgies qui soulagent rapidement leurs patients sans les obliger à un référencement. Cela permet aussi au généraliste de suivre l'évolution des taches dans le temps. Il existe actuellement un projet pilote de l'Inami qui raccourcit considérablement la durée de prise de rendez-vous si le dermatologue est consulté sur base de photos envoyées par le généraliste au spécialiste par des canaux sécurisés. Cela permet de mieux traiter les cas vraiment urgents. Si les médecins sont formés en dermoscopie, il semble logique dans un avenir plus ou moins proche, s'ils détectent une suspicion de mélanome, que ces cas puissent être prioritaires. On y accordera davantage de crédit si le médecin est équipé d'un dermoscope. Aujourd'hui, nous recevons de nombreuses 'fausses urgences', où le médecin préfère nous adresser le patient par précaution, mais qu'un examen de base au dermoscope aurait permis de distinguer d'un vrai péril. Et on aurait pu rassurer le patient."Quelles sont les compétences développées durant la formation? "La formation permet la reconnaissance spécifique des lésions cutanées bénignes et malignes selon une série de critères dermoscopiques. Elle aborde aussi les facteurs de risque, la prévention et la prise en charge très pratique des tumeurs cutanées en médecine de première ligne avec notamment des conseils pour réaliser des biopsies et des petites chirurgies." En pratique, comment se déroule la formation? "Il s'agit d'une formation de 25 heures en e-learning et en français de novembre à octobre avec une pause en juillet-août. Chaque mois, des vidéos didactiques de 7 et 15 minutes sont proposées aux participants qui ont ensuite des évaluations formatives afin de s'entraîner à leur convenance. Les webinaires sont interactifs avec des résolutions de cas cliniques et correctifs en direct avec les enseignants. À l'issue de la formation, un examen écrit en ligne sous forme de QCMs permet d'attester de la réussite. La formation est destinée aux médecins de première ligne, et tout particulièrement, aux médecins généralistes, ainsi qu'aux médecins assistants candidats spécialistes en médecine générale et aux médecins du travail." Pour plus d'information: https://uclouvain.be/prog-2021-dtcm7fc