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Une crise d'asthme se caractérise par une détérioration aiguë du contrôle des symptômes, avec à la clé une baisse du débit respiratoire de pointe et des signes de bronchoconstriction. Cette situation de crise est sous-tendue par une inflammation accrue des voies respiratoires basses, qui peut être déclenchée par divers stimuli tels qu'une infection respiratoire virale, l'effort, l'émotion, des allergènes, la chaleur, la fumée, etc. "Il est important d'avoir conscience de cette inflammation sous-jacente à la crise d'asthme et de la traiter simultanément avec la bronchoconstriction", souligne le Dr Yentl Driesen (pneumo-pédiatre au service de pédiatrie des hôpitaux ZNA à Anvers et consultante à l'UZA). Chez les patients adultes, on pourra envisager un suivi du débit expiratoire de pointe en vue d'anticiper les crises et d'ajuster le traitement d'entretien lorsque les valeurs diminuent. Cette approche est par contre beaucoup moins entrée dans les moeurs chez les enfants, parce qu'ils ne réalisent souvent pas correctement les manipulations nécessaires, ce qui compromet l'interprétation des résultats. Dans cette population, la crise d'asthme fera donc l'objet d'un diagnostic clinique. On pensera évidemment à une crise d'asthme face à une détresse respiratoire chez un enfant avec un asthme déjà diagnostiqué mais, plus largement, il faudrait envisager cette piste chez tout enfant qui a des difficultés à respirer. En sus de la détresse respiratoire, le petit patient peut présenter d'autres symptômes tels que toux, tachypnée, tirage intercostal ou battements des ailes du nez. Il est possible qu'il se redresse spontanément en position assise et se montre anxieux. Il peut aussi avoir du mal à parler. Dans les cas graves, il peut être question d'une altération de la conscience ou d'un enfant qui s'endort d'épuisement. À l'auscultation, on constatera souvent une respiration sifflante, qui n'est toutefois pas nécessairement synonyme d'un diagnostic d'asthme. L'autre cause la plus courante d'un wheezing aigu chez les sujets pédiatriques est l'aspiration d'un corps étranger. Ce dernier cas de figure suivra généralement un scénario classique: l'enfant avale de travers et se met brusquement à tousser puis à étouffer, souvent en présence d'un stridor inspiratoire. Le wheezing pourrait alors être perceptible de façon unilatérale ou asymétrique. Face à un wheezing aigu, on pensera aussi à la possibilité d'une réaction anaphylactique. Il arrive aussi d'entendre une respiration sifflante en cas de pneumonie ou de bronchiolite chez un enfant en bas âge. Ce symptôme peut toutefois aussi être absent chez les petits patients qui souffrent d'asthme. Ce sera par exemple le cas lorsque la bronchoconstriction est très légère, un wheezing n'étant alors perceptible qu'à l'expiration forcée. À l'autre extrême du spectre, le wheezing disparaît également en cas de bronchoconstriction sévère et généralisée (silence expiratoire). La gravité de la crise peut être évaluée sur la base des observations cliniques. "En première ligne, on prêtera une attention toute particulière aux signaux d'alarme qui doivent inciter à référer aux urgences sans tarder: baisse de la saturation en oxygène, silence expiratoire, incapacité à parler et altération de la conscience", souligne le Dr Driesen. "Ajoutons qu'un enfant victime d'une grave crise d'asthme mais dont la saturation en oxygène reste bonne devra être réévalué toutes les 20 minutes. Si ce n'est pas possible au cabinet de médecine générale ou au poste de garde, le renvoi aux urgences sera également indiqué." Plusieurs outils existent pour l'évaluation de la gravité d'une crise d'asthme, comme le score Qureshi et la Pediatric Respiratory Assessment Measure. Sans nier leur intérêt, dans la pratique quotidienne, une stratification en quatre catégories permet toutefois déjà de déterminer facilement la stratégie à adopter. · En cas de crise légère, l'enfant est capable de parler normalement, affiche une SpO2 > 94% et ne sollicite pas ses muscles respiratoires. Les crises légères pourront généralement être prises en charge en ambulatoire. Débutez par l'administration de 4-6 puffs de salbutamol (100 µg/puff) et, si la réponse est bonne, répétez toutes les 3-4 heures jusqu'à disparition de la détresse respiratoire et du wheezing. "Il convient de préciser ici que, chez les enfants victimes d'une crise d'asthme, l'objectif poursuivi sera une bronchodilatation rapide", précise le Dr Driesen. "Certaines directives préconisent de traiter des crises relativement marquées par deux puffs de salbutamol, mais ce n'est pas une approche efficace. Il ne faut pas avoir peur d'utiliser ces doses plus élevées. La priorité est de rouvrir les voies respiratoires, fût-ce au prix d'une tachycardie." · À l'autre extrême, une crise d'asthme menaçant le pronostic vital se caractérise par une SpO2 < 90%, un faible effort respiratoire, un silence expiratoire, une cyanose, un patient qui ne parle pas, une altération de la conscience et une bradycardie. L'enfant sera alors transféré à l'hôpital par le SMUR et recevra en cours de route un aérosol de salbutamol, ipratropium et oxygène. À l'arrivée à la clinique, il sera immédiatement amené au service des soins intensifs pédiatriques. · Entre les deux, on retrouve tout d'abord la crise modérée, avec une SpO2 de 92 à 94%, une capacité à parler normalement, un état de conscience normal et une sollicitation minimale des muscles respiratoires auxiliaires. · La crise grave, enfin, se traduit par une SpO2 < 92%, une grande difficulté à parler (quelques mots isolés tout au plus) et une sollicitation marquée des muscles respiratoires auxiliaires. Le rythme respiratoire et cardiaque est anormal - rythme respiratoire > 40/min avant cinq ans ou > 30/min au-delà de cet âge, rythme cardiaque > 130/min avant cinq ans et > 120/min au-delà de cet âge. En cas de crise modérée ou grave, on administrera de l'oxygène et deux puffs de salbutamol (100 µg/puff). Idéalement, le traitement fera l'objet d'une titration à la hausse: après deux minutes, on administrera deux puffs supplémentaires jusqu'à un maximum de six puffs chez les enfants de moins de cinq ans ou de dix puffs chez les plus de cinq ans. "Dans la mesure où cette approche chronophage n'est pas toujours possible au service des urgences, on peut aussi administrer en une fois le nombre maximum de puffs (déterminé en fonction de l'âge)", commente le Dr Driesen. Juste après, on enchaînera sur quatre puffs d'ipratropium (20 µg/puff) puis sur les corticostéroïdes systémiques, qui devraient être administrés dans la demi-heure qui suit le début du traitement. Ils seront proposés par voie orale si possible (prednisolone 1 à 2 mg/kg, avec un maximum de 40 mg) ou, lorsque ce n'est pas le cas, par voie intraveineuse. Le stress de la piqûre peut toutefois aggraver la bronchoconstriction. Le traitement par salbutamol et ipratropium sera répété toutes les 20 minutes pendant une heure, après quoi on répétera la mesure de la saturation en oxygène et l'auscultation. En l'absence d'amélioration, on pourra essayer d'obtenir une bronchodilatation plus poussée en administrant du sulfate de magnésium intraveineux. "Ce traitement donne de bons résultats et permet parfois d'éviter une hospitalisation au service des soins intensifs pédiatriques, où l'enfant recevra en dernier recours du salbutamol par voie intraveineuse", précise la spécialiste. Des examens complémentaires (RX thorax, prise de sang) ne sont généralement pas nécessaires en cas de crise d'asthme, sauf lorsque le pronostic vital est engagé ou que l'on soupçonne une autre cause (corps étranger dans les voies respiratoires). Après la crise aiguë, le salbutamol sera progressivement réduit en fonction de l'évolution clinique. Les corticostéroïdes systémiques seront administrés durant trois à cinq jours. Par ailleurs, les enfants qui ont besoin de corticostéroïdes systémiques en cas de crise devront recevoir un traitement d'entretien. Si c'était déjà le cas, le dosage devra être accru durant deux à quatre semaines pour maîtriser l'inflammation sous-jacente ; par la suite, il pourra à nouveau être réduit. Les enfants qui n'ont pas été hospitalisés seront idéalement revus après quelques jours puis après quelques semaines pour s'assurer que la situation est bien sous contrôle. Il est aussi important d'évaluer une éventuelle implication de stimuli allergiques et de s'assurer qu'un éventuel traitement d'entretien existant est bien correctement utilisé. Des mesures d'éducation supplémentaires peuvent s'avérer utiles. En ambulatoire, il importe par ailleurs de mettre au point un plan d'urgence écrit en concertation avec l'enfant et avec ses parents. L'objectif sera d'identifier rapidement la survenue d'une crise d'asthme et de déterminer ce que les parents peuvent déjà faire eux-mêmes au début de l'attaque. Combien de puffs de salbutamol administrer en cas de détresse respiratoire? Quelle dose maximale? Quels critères pour faire appel à l'aide d'un professionnel? "Les parents doivent aussi bien comprendre que, en cas de crise débutante, il faut utiliser un aérosol-doseur avec chambre d'inhalation. Les autres appareils exigent en effet une puissance inspiratoire dont le patient ne dispose pas au cours d'une crise", précise encore le Dr Driesen.