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Hasard du calendrier ou pas, le nouvel album d'Iggy Pop sort deux jours avant l'anniversaire de feu son mentor et son sauveur David Bowie (né la même année), que James Osterberg (de son vrai nom) dépasse désormais en âge comme en production. Sa carrière qui s'étend sur 55 ans ne se résume pas à le présenter comme le précurseur du punk. Celui qui fut le chanteur des Stooges a, depuis ses débuts et au cours de son parcours chaotique, multiplié les volte-face depuis sa remise à flots définitive par un certain David B., il y a 40 ans. Passant d'un son synthé très eighties "Blah Blah Blah" à un hard rock besogneux en compagnie de Steve Jones, ex-Sex Pistols ("Instinct"), puis à une pop rock adulte et efficace ("Brick by Brick"), l'iguane en effet s'est adapté à tous les environnements: grunge sur "American Caesar" (avec notamment Henri Rollins, chanteur de Black Flag), dépouillé et crooner sur "Avenue B", rappeur et râpeux sur "Beat' Em Up", ranimant les Stooges mais sans ranimer leur inspiration (l'épouvantable "The Weirdness"), avant de recréer l'esprit du Berlin des seventies (et de l'album "The Idiot") sous l'égide de Josh Homme des Queens of The Stone Age avec "Post Pop Depression" en 2016 et se plonger dans le jazz atmosphérique avec "Free", trois ans plus tard. S'il ne réussit pas tout, Iggy ose beaucoup, se met à nu au propre comme au figuré et s'en fout au point de commettre un album de reprises en français intitulé "Après", de faire des pubs pour les assurances, de s'essayer au cinéma ou encore d'animer une émission de radio éclectique sur la BBC. Il multiplie également les collaborations, de Goran Bregovic il y a 30 ans à Underworld il y a peu (notamment l'hilarant "The Golden Days of Air Travel"), de Peaches à Bill Laswell dans le cadre d'un CD hommage à William Burroughs voici deux ans, de Joe Jackson pour un album consacré à Duke Ellington (The Duke) à notre compatriote Catherine Graindorge, il y a quelques mois à peine. Et malgré son âge, l'iguane continue, en concert, à se pendre au lustre, lui qui en compte désormais quinze, alors que d'autres sulfureux comme le jeunot de 74 ans Ozzy Osbourne (à qui il a piqué le dernier producteur en date) se déplace désormais en chaise roulante... et sans faire de wheeling. D'ailleurs, Iggy Pop a, pas plus tard que l'été dernier, incendié le Jazz Middelheim d'Anvers. Dans la foulée, "Every Loser", le nouvel album, se révèle tout aussi incandescent, rehaussé de la présence de Duff McKagan (ex Guns & Roses, et pas le premier du groupe à officier avec Mister Pop), Stone Gossard de Pearl Jam, David Navarro de Jane's Addiction, Chad Smith des Red Hot Chili Peppers ou feu Taylor Hawkins des Foo Fighters. Bref, autant dire que l'on ne fait pas vraiment dans la dentelle de Bruges au cours de ces 11 morceaux teintés d'une ironie narquoise - l'ex-Stooges se marre d'ailleurs à la fin du trépidant "Neo Punk" -, mais qui s'octroient aussi des moments d'une mélancolie automnale ("New Atlantis"), bien moins furieux que "Frenzy", le morceau introductif. Un 19e album teinté par l'urgence, 36 minutes pas une de plus, qui tente un équilibre improbable entre rage punk et spoken words new age dans des intervalles... aux allures d'interludes. Iggy est loin d'être et d'en avoir fini, genre "Rock till you drop"... ou "Pop" en l'occurrence. La preuve, "Every loser" is a winner...