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Fermé pour travaux pour trois ans au départ, le musée a multiplié les retards et englouti les budgets (100 millions), tout en augmentant sa surface de 40%. Celle-ci totalise désormais 21.000 m2, permettant de mettre en valeur les 8.400 oeuvres de sa collection. Quelque 640 d'entre elles ont droit aux cimaises, dans de grandes salles aux plafonds hauts, percées de puits de lumière, qui accueillent les toiles et sculptures datant d'avant 1880. Dans ces salles aux différentes thématiques sont confrontées des oeuvres de différentes époques: le thème de la Madone met ainsi face-à-face le chef-d'oeuvre aux couleurs étonnamment modernes de Jean Fouquet, Madone entourée de séraphins et chérubins, avec un autre de van Eyck, des merveilles mises également parfois en regard d'oeuvres contemporaines, celles de Luc Tuymans et de Madeleine Dumas en l'occurrence dans cette même salle. Si le vert van Eyck sert de fond à certaines de ces vastes salles, c'est le rouge Rubens qui domine (forcément, lui est Anversois). Il est d'ailleurs très présent, notamment dans la salle consacrée à la souffrance, qui voit le splendide triptyque Le Retable des Sept Sacrements de Roger de la Pasture confronté à une autre oeuvre de van Eyck encore, une vidéo de Bill Viola (Man of Sorrow), ainsi qu'à un morceau de corps rehaussé, sculpture envoûtée de Berlinde de Bruyckere. Confrontation à nouveau réussie entre présent et passé dans le cas du paradis, entre par exemple un Jugement dernier de van Orley et un prototype à hélice, angélique en effet, signé Panamarenko. Autre thématique parmi d'autres, l'impuissance, dans laquelle un Basquiat coloré fait face à une monumentale statue de Rodin montrant Pierre de Wissant, l'un des six Bourgeois de Calais. Horizon confronte des paysages anciens à un Magritte, lequel se retrouve sous forme de statue dans la partie consacrée au portrait, avec une sculpture assez rare du maître surréaliste montrant un cercueil sur un divan intitulée Madame Récamier. Comparaison osée, également dans la même section, un "portrait" de Mandrill signé Kokoschka voisine avec un prédicateur en noir, oeuvre Rembrandt. La thématique du salon rappelle, dans l'accrochage et les tableaux présentés, les peintres belges du 19 e comme Evenepoel, Stevens ou Jan Van Beers et son étonnant de classicisme Charles Quint enfant caressant un lévrier. Le mal est l'occasion d'admirer une installation toujours aussi bavarde de Marcel Broodthaers intitulée Vipère, et surtout une Chute des anges rebelles, prodigieuse de mouvement et de réalisme d'un certain Frans Floris, peintre anversois du 16 e siècle. Si Rubens et son atelier hantent souvent les salles dans la thématique de la prière, celle-ci réunit d'autres grands Flamands comme Quentin Metsys, de la Pasture ou van Eyck. La thématique profusion est plutôt l'occasion d'admirer des natures mortes, notamment hollandaises et prodigieuses de Davidsz de Heem ou Van Aelst, et bien sûr d'Ensor. Lequel hérite, dans la nouvelle partie contemporaine enchâssée dans le bas du bâtiment 19 e - tout de marbre blanc aux rampes dorées d'un bling-bling bien anversois - d'une partie entière du musée. Il est vrai que celui-ci possède la plus grande collection au monde du maître ostendais: oeuvres de jeunesse comme Paysage brumeux, de la maturité avec Les masques, ou de la fin et plus évanescentes avec Chute des anges rebelles ou encore Adam et Ève chassés du Paradis. Et au milieu, un magnifique autoportrait étrange et vaporeux de Léon Spilliaert. Dans cette partie basse du musée, dans laquelle des étages ont été artificiellement créés le rendant un peu labyrinthique, une partie est consacrée à l'Anversois d'origine et peintre abstrait Michel Seuphor. Ailleurs, la collection se veut à nouveau thématique: couleurs par exemple, avec quelques oeuvres de Schmalzigaug, seul futuriste belge, ou met en exergue un artiste comme Rik Wouters. Mais toute la panoplie d'artistes des début et milieu du siècle dernier s'y trouve, de Victor Servranckx à Magritte, de Bury à Oscar Jespers, en passant par des oeuvres peintes et pointillistes rares de Henry Van de Velde, et du trop oublié Henri Evenepoel. À l'inverse ici, des oeuvres anciennes répondent à d'autres modernes: à un Delvaux, on oppose un Dirk Bouts à la Vierge d'une blancheur tout aussi lunaire, aux couleurs d'un Marthe Donas celles, qui l'honorent, d'un Fra Angelico. Rehaussée de bornes interactives très fluides, de cartels en néerlandais et en anglais (on est en Flandre, mesquine, et l'on n'est pas déçu...), la partie ancienne somptueuse - ponctuée d'interventions de l'artiste Christophe Coppens, que l'on a connu plus inspiré lorsqu'il faisait des chapeaux - nous éblouit par ses collections, lesquelles, dans la partie moderne, pâtissent de l'ambiance "luxe froid" qui prévaut dans cette sorte de labyrinthe cubique ou cubiste mausoléen, et virginalement résurrectionnel, qui les abrite désormais. Et qui doivent rendre un peu plus vivantes les expos temporaires. Les premières concernent le musée et le souvenir photographique des expositions universelles. De cette médaille, c'est un peu l'envers... ou l'Anvers en l'occurrence.