"E n réalité, les systèmes d'inégalités s'auto- alimentent. Plusieurs facteurs vont s'entrecroiser pour aggraver les inégalités de genre. Donc, quand on parle de la question de l'emploi des femmes, on ne peut pas la dissocier de la question de l'origine, de l'âge ou encore du handicap. On remarque que les personnes précarisées en général sont un groupe divers et particulièrement à risque ; il y a eu, par exemple, une féminisation du sans-abrisme et le plus souvent avec enfants. Et le fait de saucissonnerle genre d'un côté, la précarité, l'âge, la monoparentalité ou l'origine de l'autre, fait qu'on ne fournit pas la meilleure prise en charge pour ces personnes", constate l'experte.

"Prenons l'exemple du groupe des aides- soignantes au sein duquel les femmes d'origine étrangère sont en surreprésentation ou encore les métiers du nettoyage qui ont été fort sollicités notamment pour les hôpitaux vu la hausse des protocoles de désinfection face au virus, il y a dans ces groupes un croisement de la dimension de genre et de l'origine. Et ces femmes d'origine étrangère qui travaillent dans des conditions particulièrement mauvaises ont été impactées au premier plan par cette crise socio- sanitaire."

Le rapport relève que les métiers essentiels sont exercés principalement par des femmes: près de 100% pour les soins familiaux et complémentaires à domicile, plus de 80% pour les centres de santé mentale et les pharmacies ou encore entre 70 et 80% pour les hôpitaux. Or, ces métiers sont souvent dévalorisés, tant au niveau symbolique que salarial, et les conditions de travail y sont plus pénibles.

Santé mentale: les femmes plus vulnérables que les hommes

Le rapport observe également que les femmes sont plus vulnérables et plus touchées par la dépression. " D'après plusieurs études universitaires belges", poursuit l'experte , "les femmes ont, avec la crise, une plus grande charge mentale mais aussi physique, car elles doivent davantage que les hommes s'occuper de la maison et des enfants. Et pour les jeunes filles, l'une de ces études pointait le fait qu'elles étaient mises à contribution dans la gestion des émotions de leurs proches face à la crise: remonter le moral, écouter les confidences ou les peurs, etc. Et cela a, évidemment, des conséquences au niveau psychique", poursuit la psychologue.

Les violences faites aux femmes sont multiples

La violence conjugale est un fléau de société qui touche principalement les femmes. " L'ONU parlait déjà d'un effet pandémique bien avant le confinement mais depuis lors, on est sur des augmentations à tous les niveaux et où les femmes sont structurellement plus impactées que les hommes. Le rapport compile plusieurs chiffres en la matière: par exemple, ceux de la zone de police d'Auderghem, Uccle et Watermael-Boisfort qui a enregistré une augmentation des plaintes de 30% pour les faits de violences entre partenaires lors du premier confinement ou encore ceux d'un grand centre d'hébergement des femmes victimes de violences conjugales qui a connu une hausse de plus de 236% de la demande, après la fin du premier confinement. De manière générale, on remarque que les services d'aide aux victimes sont encore plus sollicités depuis la crise."

Par ailleurs, d'autres types de violences ont, potentiellement, pu être impactés par la crise mais l'absence de données ne permet pas, à ce jour, d'établir un bilan. On pensera, entre autres, aux violences en contexte migratoire telles que les mutilations génitales féminines et les mariages forcés. De même que les violences ciblant la communauté LGBTQIA+(1) qui, elles aussi, ont été totalement invisibilisées durant la crise sanitaire. Une communauté pour laquelle aucun chiffre officiel ni publication ne sont disponibles d'ailleurs. Or, la crise n'a pas été sans effet sur elle à en croire l'association Rainbow House qui signale que son public a été exposé à une recrudescence des stéréotypes homophobes, de la discrimination et d'une certaine méfiance engendrant une augmentation du stress et du mal-être au sein de la communauté.

Les recommandations générales

"De manière générale, il faudrait une politique de genre courageuse, forte et intersectionnelle, qui détricoterait, d'un coup, tous les systèmes d'inégalités se nourrissant l'un l'autre et ce, afin d'éviter la prise en charge "saucissonnée" des discriminations vécues simultanément par une même personne", explique l'experte en genre et diversité.

"En réalité, ce rapport montre qu'on n'a pas beaucoup de chiffres capables de mesurer avec précision l'impact de cette crise. Il s'agit d'une compilation de données offrant des tendances mais qui n'explique pas précisément ce qui s'est passé durant cette crise, excepté pour la santé mentale et l'emploi. Nous n'avons d'ailleurs aucun chiffre précis sur certains groupes très à risques d'une augmentation des inégalités subies comme les personnes en situation de handicap, d'origine étrangère, migrantes, en précarité, sans-abris, les travailleuses du sexe ou encore la communauté LGBTQIA+."

"Il faudrait donc une étude de grande envergure sur l'impact de cette crise pour tous les groupes de la société, pour pouvoir en comprendre plus finement les conséquences et mettre en place, par la suite, les différentes recommandations par secteurs formulées par les membres experts du Conseil bruxellois pour l'Égalité entre les Femmes et les Hommes."

1. Lesbian, Gay, Bisexual, Transgender, Queer and/or Questioning, Intersex, and Asexual and/or Ally.

7 recommandations

Voici sept recommandations sur les 19 proposées concernant le domaine de la santé.

1.Reconnaître et revaloriser les essentiels métiers du "care"

"Il faudrait revaloriser tous les métiers dits masculins ou féminins pour attirer un maximum des personnes du genre qui fait défaut. De manière générale, certaines filières du milieu médical deviennent de moins en moins attractives du fait de la pénibilité des conditions de travail ainsi que des faibles niveaux de rémunération. Et fatalement, ce sont les femmes qui vont être dirigées, de par leur socialisation, vers ces métiers du soin à l'autre bien qu'ils soient peu valorisés. Pour corriger cela, on pourrait envisager une reconnaissance de la pénibilité non seulement physique mais aussi mentale de ces métiers du soin", propose l'experte .

2. Prendre soin du personnel soignant abîmé

Le rapport conseille d'augmenter le suivi quant à la santé mentale du personnel soignant plus à risque de développer des états sévères de stress post-traumatique ou encore de répondre à l'enjeu de la pénurie dans certains secteurs médicaux.

3. Renforcer la lutte contre les violences et les féminicides.

Il faut investir en amont dans la prévention, la sensibilisation, le maillage local et les relais efficaces dans la chaîne socio-médico-judiciaire, précise le rapport.

4. Développer une télémédecine plus inclusive

Assurer son accessibilité - tout particulièrement pour les publics souffrant de la fracture numérique - et faciliter son remboursement pour une médecine plus inclusive.

5. Garantir un accès universel aux soins de santé

Comment? Entre autres, en garantissant des soins de qualité avec une meilleure prise en compte des conséquences des conditions de travail sur l'état de santé physique et psychologique des femmes et des hommes ou encore en formant le personnel soignant aux biais de genre et/ou liés à la prise en charge médicale des femmes, des personnes issues de la diversité ("le syndrome méditerranéen"), en situation de handicap et/ou LGBTQIA+.

6. Prendre soin du corps malmené des femmes

La pandémie a renforcé des mécanismes d'invisibilisation des femmes aux besoins spécifiques, porteuses de handicap notamment. Il faudrait remettre le handicap au coeur des mesures prises pendant la crise et après.

7. Prendre soin des droits sexuels et reproductifs menacés des femmes

Les fermetures des centres de planning familiaux ont eu un impact indéniable sur l'accès des femmes à leur santé reproductive et sexuelle. Il faudrait donc réaffirmer le droit à l'IVG et se focaliser à nouveau sur des problématiques liées à la santé des femmes avec des soutiens psychologiques et juridiques.

"E n réalité, les systèmes d'inégalités s'auto- alimentent. Plusieurs facteurs vont s'entrecroiser pour aggraver les inégalités de genre. Donc, quand on parle de la question de l'emploi des femmes, on ne peut pas la dissocier de la question de l'origine, de l'âge ou encore du handicap. On remarque que les personnes précarisées en général sont un groupe divers et particulièrement à risque ; il y a eu, par exemple, une féminisation du sans-abrisme et le plus souvent avec enfants. Et le fait de saucissonnerle genre d'un côté, la précarité, l'âge, la monoparentalité ou l'origine de l'autre, fait qu'on ne fournit pas la meilleure prise en charge pour ces personnes", constate l'experte. "Prenons l'exemple du groupe des aides- soignantes au sein duquel les femmes d'origine étrangère sont en surreprésentation ou encore les métiers du nettoyage qui ont été fort sollicités notamment pour les hôpitaux vu la hausse des protocoles de désinfection face au virus, il y a dans ces groupes un croisement de la dimension de genre et de l'origine. Et ces femmes d'origine étrangère qui travaillent dans des conditions particulièrement mauvaises ont été impactées au premier plan par cette crise socio- sanitaire."Le rapport relève que les métiers essentiels sont exercés principalement par des femmes: près de 100% pour les soins familiaux et complémentaires à domicile, plus de 80% pour les centres de santé mentale et les pharmacies ou encore entre 70 et 80% pour les hôpitaux. Or, ces métiers sont souvent dévalorisés, tant au niveau symbolique que salarial, et les conditions de travail y sont plus pénibles. Le rapport observe également que les femmes sont plus vulnérables et plus touchées par la dépression. " D'après plusieurs études universitaires belges", poursuit l'experte , "les femmes ont, avec la crise, une plus grande charge mentale mais aussi physique, car elles doivent davantage que les hommes s'occuper de la maison et des enfants. Et pour les jeunes filles, l'une de ces études pointait le fait qu'elles étaient mises à contribution dans la gestion des émotions de leurs proches face à la crise: remonter le moral, écouter les confidences ou les peurs, etc. Et cela a, évidemment, des conséquences au niveau psychique", poursuit la psychologue. La violence conjugale est un fléau de société qui touche principalement les femmes. " L'ONU parlait déjà d'un effet pandémique bien avant le confinement mais depuis lors, on est sur des augmentations à tous les niveaux et où les femmes sont structurellement plus impactées que les hommes. Le rapport compile plusieurs chiffres en la matière: par exemple, ceux de la zone de police d'Auderghem, Uccle et Watermael-Boisfort qui a enregistré une augmentation des plaintes de 30% pour les faits de violences entre partenaires lors du premier confinement ou encore ceux d'un grand centre d'hébergement des femmes victimes de violences conjugales qui a connu une hausse de plus de 236% de la demande, après la fin du premier confinement. De manière générale, on remarque que les services d'aide aux victimes sont encore plus sollicités depuis la crise."Par ailleurs, d'autres types de violences ont, potentiellement, pu être impactés par la crise mais l'absence de données ne permet pas, à ce jour, d'établir un bilan. On pensera, entre autres, aux violences en contexte migratoire telles que les mutilations génitales féminines et les mariages forcés. De même que les violences ciblant la communauté LGBTQIA+(1) qui, elles aussi, ont été totalement invisibilisées durant la crise sanitaire. Une communauté pour laquelle aucun chiffre officiel ni publication ne sont disponibles d'ailleurs. Or, la crise n'a pas été sans effet sur elle à en croire l'association Rainbow House qui signale que son public a été exposé à une recrudescence des stéréotypes homophobes, de la discrimination et d'une certaine méfiance engendrant une augmentation du stress et du mal-être au sein de la communauté. "De manière générale, il faudrait une politique de genre courageuse, forte et intersectionnelle, qui détricoterait, d'un coup, tous les systèmes d'inégalités se nourrissant l'un l'autre et ce, afin d'éviter la prise en charge "saucissonnée" des discriminations vécues simultanément par une même personne", explique l'experte en genre et diversité. "En réalité, ce rapport montre qu'on n'a pas beaucoup de chiffres capables de mesurer avec précision l'impact de cette crise. Il s'agit d'une compilation de données offrant des tendances mais qui n'explique pas précisément ce qui s'est passé durant cette crise, excepté pour la santé mentale et l'emploi. Nous n'avons d'ailleurs aucun chiffre précis sur certains groupes très à risques d'une augmentation des inégalités subies comme les personnes en situation de handicap, d'origine étrangère, migrantes, en précarité, sans-abris, les travailleuses du sexe ou encore la communauté LGBTQIA+.""Il faudrait donc une étude de grande envergure sur l'impact de cette crise pour tous les groupes de la société, pour pouvoir en comprendre plus finement les conséquences et mettre en place, par la suite, les différentes recommandations par secteurs formulées par les membres experts du Conseil bruxellois pour l'Égalité entre les Femmes et les Hommes."