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Cela commence par le grand nettoyage annuel du dernier atelier que Paul Cézanne acheta à 61 ans: quatre ans après avoir perdu sa chère mère il se rapproche de son aimée... La montagne Sainte-Victoire. Une sainte victoire qu'à son tour grâce aux images de la photographe Marie-Françoise Plissart, Sophie Bruneau s'approprie, magnifie par quatre fois: quatre tableaux, quatre points de vues quatre saisons ou chaque fois un petit élément vient rompre l'immobilisme picturale de cette montagne qui prend la pose pour l'éternité, rappelle la fugacité de la vie à ses côtés par une simple fumée, un nuage ou des avions de chasse qui filent en effet. Des "peintures" qui viennent rythmer dans cette ode à la lenteur choisie, les scènes mouvantes de l'intérieur, de cette pièce où prennent place et se déplacent les trois gardiennes de ce mausolée, les guides ou les visiteurs. Ces tableaux vivants en plan fixe évoquent l'univers de poésie absurde de Tati, toiles mobiles rappelant parfois Vermeer ou Corot, où dans le décor inerte des objets intimes du peintre, tous effectuent un étrange ballet. Un petit théâtre décrit avec une tendre ironie, fait de compositions où, en opposition avec l'éternité de la montagne, les pommes remplacées tous ces jours d'hiver au milieu des objets inertes sont présentes également, comme les natures mortes dans lesquels ces petites vaniteuses figurent l'éphémérité de l'existence. Des fruits qui font de la figuration dans une peinture qui n'est pourtant pas figurative, et "figurent" chaque jour la présence renouvelée de l'artiste défunt en ces murs baignés d'une lumière hivernale. Le décor de ce film est aussi sonore, qui raconte par les bruits, les échos le discours et les discussions dans diverses langues, l'artiste et son oeuvre. Celle de Sophie Bruneau, laquelle est anthropologue de formation, choisit l'épure, peint un portrait ressemblant de Cézanne, du souvenir que l'on en garde et que l'on garde. Un tableau universel et pourtant intime à découvrir sur grand écran... donc sur la toile.