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Le journal du Médecin : Un petit bilan de votre prédécesseur (NDLR : Luc Lefebvre) ?Dr Thomas Orban : eh bien, je pense que Luc a modernisé la SSMG sur le plan du fonctionnement. On a une chouette équipe. C'est un atout considérable que de laisser chacun travailler dans son domaine d'expertise et d'excellence. Luc est un rassembleur de personnes porteuses d'idées diverses. Il a compris très tôt l'importance de l'empowerment du patient. Mon Généraliste.be, c'est son oeuvre. Il a aussi pris les contacts avec les différentes associations pour inscrire la SSMG dans les changements sociétaux. Un mini-bilan aussi de votre vice-présidence à l'heure de devenir le grand patron ?C'est le bilan d'une équipe avant tout. J'ai surtout été un homme de terrain. J'ai eu je crois beaucoup d'idées. La naissance de la SSM-J, c'est moi. Je me vois encore l'idée à la Wonca (World Organization of National Colleges, Academies and Academic Associations of General Practitioners, ndlr) à Bâle avec les jeunes membres en 2006 avec Thierry (Van der Schueren, secrétaire général, ndlr). La cellule alcool et son certificat universitaire, c'est également moi. On venait de se rendre compte qu'il y avait un problème de formation. Mais c'est ici aussi un travail d'équipe avec Philippe de Timary, Paul Verbanck... La cellule santé mentale, la cellule échographie... Cela fait quand même beaucoup de choses. J'ai également présidé M-Deon, porte-parole de B-Transparent. Hyper-actif ?Oui mais l'action avec la réflexion. Je pense que la réflexion doit faire partie de l'action.Pas d'éparpillement ?J'ai beaucoup de choses en tête mais toujours dans la même direction. C'est d'être finalement au service de la SSMG, de la médecine générale. De nos confrères. Et puis je suis un enthousiaste. J'ai découvert l'échographie, j'ai envie de la transmettre. On en discute avec d'autres. Puis on est parti. C'est fabuleux ! L'acoologie, c'était pareil. Je n'y connaissais rien au début. Puis c'est devenu normal pour les MG de s'entendre parler d'alcool. La SSMG est-elle devenue plus influente dans le monde de la santé avec le binôme Lefebvre/Orban ?Cela fait en effet partie du bilan de Luc également. Il a su en faire une société qui est reconnue et appréciée comme interlocuteur. C'est un challenge pour moi de conserver ce bilan. On verra dans quatre ans (sourire). Un héritage ?Oui. Un travail de finesse. De savoir rencontrer les uns et les autres. Avec beaucoup de diplomatie. Je le suis peut-être un peu moins, diplomate. Plus direct. On a des caractères différents, c'est sûr.Vous avez accepté tout de suite ?Ouh non ! C'est compliqué comme processus. J'ai de l'expérience dans la SSMG au sein de cellules spécifiques. Je connais bien les rouages, pas mal d'interlocuteurs extérieurs. Thierry était plus enclin à travailler en binôme. Il garde sa place de secrétaire-général et remplacera petit à petit Michel Vanhalewyn. Je suis très serein en même temps. J'ai trois enfants, une femme qui travaille. J'ai beaucoup réfléchi mais je n'ai accepté que parce que nous avons un SG à mi-temps. J'ai présidé M-Deon. Cela ne m'a pas pris un temps fou. Parce que c'est une excellente équipe. J'imagine un peu ce fonctionnement-là à la SSMG. Que tout ne dépende pas de moi. Et donc j'ai accepté. En dépit de la rédaction en chef de la Revue de la Médecine générale en plus... En plus j'aime la musique (guitare, pianiste), la nature... Donc je n'ai pas besoin pour faire des choses pour m'occuper...Mais vous étiez en quelque sorte inévitable...Peut-être. Difficile de le dire moi-même. Une obligation ?Je ne suis pas un homme d'obligation. Non. Un enthousiasme ?Oui, voilà. Je vais faire les choses avec peut-être trop d'enthousiasme mais pas sous la contrainte. En même temps, j'admets la contradiction facilement. En cela je ne suis peut-être pas très belge. Le compromis à la Belge, c'est pas trop mon truc. Tout à l'heure, au cabinet médical avec ma collègue, on n'était pas d'accord. J'ai croisé le fer. Et puis on a ri. Cela ne changera pas ma manière de faire. Les rapports avec Maggie De Block. C'est une MG mais en même temps, elle ne l'a pas un peu oublié? Comment voyez-vous vos rapports avec cette ministre qui fait plein de réformes, qui a une vraie vision mais qui avance parfois comme un bulldozer. Est-elle en phase avec vos aspirations à la SSMG ?La question des rapports avec Maggie De Block se pose plutôt en rapport avec son cabinet. Sur le plan personnel, je ne la connais pas en fait. Des rapports avec Maggie De Block, je n'en ai pas. Je n'ai pas d'avis dessus. Avec ce que fait son cabinet, à l'heure actuelle, c'est difficile. Car pour avoir des rapports il faut dialoguer. Et pour dialoguer, il faut être minimum deux. Pour l'instant, il y a très peu de dialogue. Les rapports existeront lorsqu'il y aura des dialogues. Je trouve cela dommage. Pour moi, il y a peu de démocratie. On décide et on avance. Parfois avec des intérêts derrière. Quand je discute alcool, j'ai quand même un peu de doute sur l'indépendance du cabinet de la ministre par rapport à tout un secteur alcoolier. Ils soutiennent ce plan alcool qui n'en est pas un. Où est son libre-arbitre là-dedans ? Sa priorité, est-ce bien la santé des gens ? Je comprends qu'un ministre prenne des décisions. Pas de souci là-dessus. Mais il faut du respect avec les gens. Sans dialogue, il n'y a pas de respect. Depuis des décennies, on parle du "MG au centre". Mais depuis quelques années de nouveau, toute la réflexion semble faite autour de ce qu'on fait ou pas en hôpital. Donc, est-ce un slogan ?J'aime évidemment l'idée que le MG est au centre - je suis assez d'accord avec nos amis anglais sur le fait que le MG est celui qui peut le plus faire bouger les soins de santé car c'est la personne qui les connaît le mieux et le plus complètement. Cependant, on a quand même fait beaucoup pour les MG. On les a beaucoup soutenus. On peut vouloir plus. Il y a la forme (sur le respect) et le fond (il y a sur le terrain des forces à qui il faudrait rappeler que les MG existent). Si on fait de l'hospitalisation à domicile sans les MG, il y aura un problème. Mais le MG doit aussi s'en souvenir qu'il est un acteur et que cela commence par lui. Mais pour moi, être au centre, ne veut ni dire "tout le contrôle" ni "aucun contrôle". Et c'est parfois un peu le cas. Le MG n'a plus rien à dire ?J'ai travaillé dans des équipes de soins palliatifs (Saint-Luc) pendant trois ans. Je dis souvent autour de la table que tout le monde est égal y compris la technicienne de surface qui est parfois celle qui voit le plus souvent le patient. Mais si on a une décision médicale à prendre, c'est bien le MG qui la prendra. Il a donc un rôle d'écouter tout le monde mais après la décision lui incombe même si elle est prise avec le patient. "Les conseilleurs sont aussi les bénéficiaires", dis-je communément aux patients. Le MG ne gagne pas forcément mieux sa vie de conseiller un traitement. Le patient aime encore ce côté conseilleur désintéressé.Vous parliez de décision. Les quotas de bon marché, la substitution, est-ce une perte de décision, de liberté thérapeutique qui se racrapote ?Je ne mets pas, à titre personnel, ma liberté dans le choix du produit mais dans le choix du traitement. Je suis confiant dans le travail de contrôle de l'AFMPS (Agence du médicament, ndlr). Je sais qu'elle suit l'industrie pharmaceutique. Les produits sur le marché sont des bons produits. C'est un peu de la foutaise de dire le contraire. On ne vit pas dans un pays du Tiers-Monde. Laissons le pharmacien faire son travail. Mon logiciel, c'est de prescrire en DCI. Même si les gens ne sont pas contents. Ils sont accrochés à la marque. Mon rôle c'est de choisir le médicament. Même si c'est difficile à entendre. Je n'ai pas de réponse par rapport à ça. Cependant, je comprends qu'on veuille utiliser les deniers de l'Etat à meilleur escient. Qu'on veuille le médicament le moins cher. Après cela dépend ce qu'on fait des sous dans le reste du pays. Il faut être cohérent...Donc vous n'êtes pas du genre MG Calimero... Pas du tout. Mais je suis entré précocement à la SSMG. J'y ai rarement entendu des discours Calimero. Je trouve que les syndicats médicaux font leur job et très bien. A chacun de défendre son rôle. On ne fait pas progresser les choses en s'apitoyant sur son sort ! Un moment donné, toutefois, lorsqu'on ne voit aucune amélioration, je tape et je taperai sur la table. Comme pour l'alcool. Maintenant ça suffit. J'ai beaucoup de respect pour les MG. On les critique beaucoup. Qu'ils font trop ceci, pas assez cela. Mais qui fait leur boulot ? La médecine de première ligne tous les jours, tous les jours, tous les jours... Il n'y en a pas beaucoup.Vous parliez des syndicats. Toujours pas de velléités de faire comme Domus Medica et AADM, une société scientifique et un syndicat ?Non. On travaille beaucoup au niveau du Collège de la médecine générale. J'y crois pas mal. Question d'atmosphère. La Belgique est un petit pays. Pourquoi les toubibs devraient passer leur temps à se taper dessus ? Ils doivent s'unir. La SSMG, son rôle est faire du qualitatif, de la formation continue, de l'accompagnement. Donner son éclairage scientifique. Ce n'est pas de faire du syndicalisme. Je préfère dire que le Collège, c'est un toit commun. Tout le monde qui vit sous ce toit ne doit pas forcément être d'accord. On se respecte. On sait qui est qui. La 6e Réforme de l'Etat n'a pas fait que des MG heureux. Pourtant, elle attache une importance substantielle à la Première ligne et s'il y a une 7e, cela sera encore plus le cas... N'y a-t-il pas une opportunité à saisir ?Il faut y être attentif et voir ce que la MG peut y apporter... Quels sont les grands enjeux de votre mandat de 4 ans ?Les pôles santé tout d'abord. Il faut continuer le travail de groupe qui est très enrichissant. En tant que MG solo, je ne suis pas un ayatollah de la pratique de groupe. Mais je pense qu'elle a beaucoup de qualité. C'est très agréable. Je pense aux pôles de santé français. Deux : les réseaux. On est dans une dynamique de travailler ensemble avec d'autres soignants. Chez M-Deon, j'ai toujours été dans cette optique. C'est une évolution sociétale. L'informatique ? Au pas de charge pour le moment. La prescription électronique en 2018, je veux bien, mais c'est un manque de dialogue. Si on tire la sonnette d'alarme, c'est qu'on n'est pas informé. Donc, informez-nous. Sinon, c'est de nouveau un manque de dialogue. Qu'allez-vous faire pour ceux qui n'ont pas de logiciel de prescription ? L'informatique doit être performante mais cela ne suffit pas. Il faut continuer à former nos médecins. Il faut de bonnes données à mettre sous forme informatique. Et il faut accompagner les médecins âgés, les aider. Patients complexes : il n'y a quasi plus que le MG qui a une vue complète du patient. Qui devient de plus en plus complexe avec des pathologies qui arrivent en même temps. Maintien à domicile : soyons vigilants. Certaines choses m'interpellent. Le kiné à domicile est à peine mieux payé, me souffle une patiente récemment. Oui, je lui réponds. C'est exact. Et pourtant on veut maintenir les gens à domicile ! Comment faire si le prestataire n'est pas payé correctement pour y aller ? Une nouvelle fois, ne va-t-on pas au pas de charge ?C'est la vision politique du court terme. On va au pas de charge car on est pressé. La vision de la santé publique à long terme à 20 ans ? On ne change pas les habitudes des gens au pas de charge. Il faut une adhésion des médecins au projet à long terme.