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La musique klezmer est une musique juive, originaire de l'Europe de l'est. " Il est faux de croire que c'est une musique religieuse ; on la joue en rue et lors des festivités ", nous fait savoir le Dr Kostucki. Elle est aussi chantée et n'est pas destinée à être jouée en concert. Elle accompagnait les événements de la vie, de la profonde tristesse à l'allégresse, dans les shtetels (bourgades) de l'Europe de l'Est.Les premières notes, c'est naturellement à la maison qu'il les entend. " Père et mère sont des survivants de la Shoah ", nous dit-il. " Ils avaient bien d'autres priorités que celle de nous faire prendre des cours de musique. " C'est pourquoi, malgré cette accroche familiale, le déclic se passe sur le tard. Durant ses études, le Dr Kostucki suit entre autres des cours de sculpture car la musique semblait inaccessible sans un bagage musical. Mais à l'aube de la quarantaine, il décide de passer le cap et de se mettre à la clarinette. " Tout le monde m'avait découragé jusque-là, argumentant que je ne savais pas lire les notes, ce qui était vrai, et que je n'avais aucune chance ".Le hasard lui donne alors un coup de pouce. Il rencontre Jean-Pierre Debacker, le clarinettiste de Krupnik, le premier orchestre klezmer en Belgique. Il a alors 43 ans. " Un musicien pas juif pour un sou mais qui avait compris l'esprit de cette musique. Un gars qui me jure avoir débuté la clarinette passé ses 20 ans et qui m'affirme que commencer à mon âge est tout à fait possible ! " Un demi-mensonge en vérité car il omet sciemment de lui dire qu'il avait fait l'académie et qu'il jouait du saxo depuis ses dix ans. Sans doute faut-il y voir l'intention de ne pas éteindre dans l'oeuf l'enthousiasme du thérapeute.Confiant, Willy Kostucki se rend chez Schott pour y acheter sa première Buffet Crampon. Après quelques semaines de tâtonnement, il constate que la maîtrise de l'art s'annonce plus compliquée que prévue. Il prend quelques cours de solfège et surtout un professeur pour acquérir correctement les bases de l'instrument. " C'est dans ces souffrances de débutant adulte qu'on fait preuve de beaucoup d'indulgence pour les musiciens amateurs et d'un énorme respect pour les professionnels ", nous confie-t-il." Je me suis alors dit que monter un groupe serait certainement le meilleur moyen de progresser. J'ai attiré des amis plus doués que moi - pas difficile ...- et c'est cela qui m'a fait évoluer ". Une méthode qu'il nous avoue avoir appliqué tout au long de sa carrière : " l'intelligence consiste souvent à s'entourer de gens plus intelligents que soi."Depuis la création du groupe, les KlezWhatever ont donné des dizaines de concerts. Ils se sont produits dans des restaurants, lors de fêtes de rue, des bar-mitzvat, des anniversaires, des mariages, des festivals ou des fêtes de la musique. Aucun des musiciens n'est professionnel. Tous les instruments typiques du genre Klezmer sont représentés. " Jouer en groupe est un véritable bonheur ", insiste le Docteur.Le décès de leur violoniste Roger Borenstein il y a un peu plus d'un an a été un coup dur pour le groupe. " Le coeur n'y était plus ", nous confie le cardiologue. " Personne n'avait le courage de le remplacer ". KletzWhatever s'est alors tu même si l'envie de jouer et de se retrouver reste présente.Quand on demande au directeur médical le principal apport qu'a pu avoir la clarinette sur son travail, son côté rebelle reprend le dessus. " Les médecins qui n'ont que la médecine comme centre d'intérêt ont des oeillères intellectuelles. Je me suis toujours entouré de gens qui n'étaient pas monomaniaques. La plupart de ceux que je considère comme de vrais médecins dans leur essence humaniste ont d'autres passions dans la vie ". Pour Willy Kostucki, les équipes fonctionnent le mieux quand elles associent des savoirs différents. Il nous donne alors son binôme idéal qui serait composé d'un apprenti-boucher vibraphoniste et d'un astrophysicien spinoziste. " Les neurosciences nous ont appris l'importance de développer diverses zones cérébrales pour que jaillisse la solution " out of the box ". L'apprentissage de la musique y contribue ".Les notes lui ont également permis d'être confronté à la souffrance et aux challenges. Il serait impossible de connaître la difficulté d'un instrument sans en jouer. Le travail serait essentiel et représenterait 90% de la réussite.Passionné, il nous déclare en fin d'interview avoir découvert dans cette musique quelque chose qui est aussi gratifiant que la médecine. " Il y a une similitude entre le bonheur du médecin qui reçoit le sourire, la joie et l'émotion des patients en guise de remerciements et celui du musicien qui les reçoit des quidams qu'il a fait chanter, rire et danser. C'est tout simplement une transmission d'émotions. " Et de terminer en nous affirmant que : " la clarinette, avec sa anche vibrante, fine et subtile, est conçue pour faire rire et pleurer. C'est en réalité pour cela que je me suis tourné vers cet instrument. "