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Alors que la définition des perturbateurs endocriniens vient d'être avalisée par la Commission européenne - une " avancée à pas de fourmis " pour les experts - la pollution de l'air représente un autre défi de la médecine environnementale.Selon une étude réalisée en 2015 par l'OMS, le coût économique des 600.000 décès prématurés et maladies provoqués par la pollution de l'air a atteint annuellement, de 2010 à 2015, la bagatelle de 1.400 milliards d'euros. En Belgique, l'étude évalue que 12.000 décès sont imputables à la mauvaise qualité de l'air, ce qui représente un coût de 20 milliards d'euros. Les chercheurs estiment que la moitié de ces décès sont causés par le dioxyde d'azote (NO2) et les particules fines (PM 2,5).Le Pr Jean-François Argacha, cardiologue à l'UZ VUB, est l'un des chercheurs ayant participé à une étude sur les effets de la pollution sur le risque d'infarctus du myocarde, publiée dans l'International Journal of Cardiology en fin 20161, et menée sur 11.428 patients. " C'est une étude belgo-belge, menée par des investigateurs belges sur la population belge. C'est une réflexion différente sur les effets de la pollution atmosphérique sur les risques cardiovasculaires car dans cette étude, nous avons examiné les effets aigus de la pollution. "" Je suis Français, mais je suis gâté de travailler en Belgique ", estime le Pr Argacha. " C'est un excellent laboratoire d'étude sur la pollution atmosphérique. Pourquoi ? Parce que nous vivons dans un petit pays avec une densité de population assez élevée. Cette population vit sous un réseau de monitoring de qualité de l'air qui est l'un des plus efficients en Europe. Pourquoi un tel réseau ? Parce qu'historiquement, la Belgique est l'un des premiers pays à avoir pu documenter les effets sanitaires de la pollution. On nous rappelle souvent le fameux smog de Londres des années 50, mais c'est faux : le premier événement historique dans lequel on a noté que la pollution de l'air pouvait augmenter la mortalité, ce n'était pas en Angleterre mais en Belgique, en 1930, lors du smog de la vallée de la Meuse. "Aujourd'hui, où en est-on ? " On peut projeter en temps réel les niveaux de pollution en Belgique, dans des zones de 4 km2. "Que se passe-t-il lorsqu'il y a une augmentation de pollution dans les 24 h sur le risque de développer un infarctus du myocarde ? " Dans cette étude, nous avons étudié les effets de la pollution (PM 10, PM 2,5 et polluants gazeux : ozone et dioxyde d'azote) sur le risque d'infarctus stemi (ST-elevation myocardial infarction), les infarctus les plus sévères, liés à une occlusion complète d'une des trois artères qui nourrit le coeur. On remarque que les particules augmentent de 2,5 % le risque d'infarctus du myocarde stemi pour chaque augmentation de 10 µg/m3 de ces polluants dans l'atmosphère. Le facteur qui arrive en tête cependant, et c'est surprenant, c'est le NO2. Lorsqu'il augmente de 10 µg/m3 dans les 24 h on observe une augmentation de 5 % des infarctus du myocarde stemi. "Lors d'un pic de pollution, une personne hypertendue, diabétique, ou encore ayant déjà subi un infarctus du myocarde n'est toutefois pas plus vulnérable qu'une autre. " Nous n'avons pas pu documenter de facteurs de vulnérabilité par rapports aux effets de la pollution. Par contre, nous avons observé que les populations âgées de plus de 75 ans souffrent plus des effets des particules, alors les moins de 55 ans souffrent davantage des effets du NO2. "De récentes recommandations de la Commission européenne mentionne de sérieux problèmes de pollution de l'air en Belgique, particulièrement concernant le NO2, et fait part de ses craintes que le pays de puisse respecter, d'ici 2020, l'objectif qui lui a été fixé, c'està-dire réduire de 15 % les émissions non-ETS (transport, bâtiments, agriculture, déchets), par rapport aux émissions de 2005." On peut penser que la Belgique est un des pays les plus pollués d'Europe, au niveau de la qualité de l'air. Mais si l'on se fie aux normes européennes de qualité de l'air sur la période d'étude (2009-2013), les taux annuels de particules fines et de NO2 sont parfaitement respectés ", indique le Pr Agarcha. " Nos observations se font donc malgré le fait que la qualité de l'air reste dans les normes fixées par la Commission européenne. "Mais la réflexion s'est basée sur les risques dans les 24 h d'un pic de pollution. " Là, la seule référence que l'on a nous vient de l'OMS qui préconise de ne pas dépasser 25 µg/m3 de PM 2,5. En Belgique, on dépasse alors 17,5 % de jours par an la norme fixée par l'OMS. La conclusion de l'Europe visant à dire que la qualité de l'air reste bonne en Belgique, si on la transpose à ce que recommande l'OMS, diffère totalement. Il n'y a pas de norme de cette sorte à l'échelle européenne. Ce problème n'existe pas pour la Commission européenne. "1. https : //doi.org/10.1016/j.ijcard. 2016.07.191