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Jacques de Toeuf avait intitulé son exposé "médecins et mutuelles : adversaires ou partenaires ?" sur base d'un document visionnaire des mutuelles d'ici 2030 s'interrogeant sur l'ensemble des convergences, des divergences et quelques casus belli. Mais paradoxalement, de Toeuf y a vu principalement des convergences. La durabilité, l'accessibilité, la survie du système sont des préoccupations communes médecins/mutuelles. Si l'efficacité revient à s'abstenir de pratiquer ce qui ne marche pas, qui peut être en désaccord ? Idem pour l'efficience si on la définit par "le mieux pour le moins cher". D'accord pour la transparence qui consiste à expliquer au patient la structure de coût. Oui à la prévention, oui à la qualité même si la qualité se mesure souvent hélas au strict respect des normes qu'on impose. Oui bien sûr à l'innovation même si les moyens budgétaires manquent ; oui à la solidarité (mais solidaire ne signifie pas forcément la gratuité). Enfin, ré-étalonner la nomenclature pour qu'elle prenne en compte le coût du produit et de la durée véritable de l'acte, OK, à condition que cela ne débouche pas sur l'obsession de la baisse des volumes.Des divergences il y en a aussi, et de taille : le libre choix thérapeutique est une vertu cardinale, rappelle de Toeuf. Et en tant qu'artisan, le médecin doit continuer à être payé à l'acte de manière substantielle. "Il s'agit de le rémunérer pour ce qu'il fait et pas pour ce qu'il est. De ne pas se contenter de mettre une plaque 'Je suis médecin'." Dans la définition des seuils d'activités, surtout maximaux, attention au spectre du 9h/5h, dit de Toeuf. Qui rappelle son opposition à l'échelonnement. Mieux vaut la liberté de choix du médecin par le patient.Quant au modèle de concertation, "il ne peut s'entendre qu'étranger à la duplicité des acteurs qui tentent d'obtenir par la loi au Parlement ce qu'ils n'ont pas obtenu en médico-mut." Paraphrasant Descartes, de Toeuf rappelle que la concertation c'est un peu "Je pense donc vous suivez". Pour le chirurgien bruxellois, les mal nommés suppléments d'honoraires ne font que récompenser l'artiste qu'est le médecin et la science qu'il apporte au patient, surtout lorsque l'honoraire est inférieur au coût engendré par le service au patient. Dans "rémunération juste", il faut donc définir ce que signifie "juste". Quant à la marchandisation, "tout ce qui est marchand n'est pas forcément malhonnête. Tous les commerçants ne sont pas des voyous." Le marché est présent partout jusque dans les universités publiques qui courent après leur nombre d'étudiants. "Les mutualités remboursent des séances de sauna, de la margarine contre le cholestérol. Elles ont une approche commerciale visant à augmenter leur part de marché. Tout le monde est dans une logique de marché. Celle-ci n'est pas rédhibitoire tant qu'il n'y a pas évidemment de victimes..."Les hôpitaux aujourd'hui sont dans une optique de rentabilité. On tente de valoriser les actes en essayant de trouver une valeur au diagnostic. La santé met en équilibre quelqu'un prêt à payer et quelqu'un qui va se faire payer. Le Dr de Toeuf ne voit d'ailleurs pas de problème à discuter du prix en colloque singulier, ni à faire participer le patient citoyen à la décision économique au sein, par exemple, du conseil général ou à co-gérer l'hôpital.L'Etat lui-même est un marchand : on va permettre moins de RMN, moins de chirurgie cardiaque, on va centraliser la chirurgie du poumon car cela coûte trop cher. On agit sur l'offre, pas sur la demande ni les besoins du patient. "Lorsqu'on négocie à la baisse le volume des appendicectomies il s'agit, de la part de l'Etat, d'une approche mercantile au carré. Donc les médecins participent à un mode de management qui n'est pas strictement démocratique."Le fait de valoriser financièrement son activité ne relève pas de la cupidité. Bien que les hôpitaux ne visent pas le lucre, eux-aussi doivent présenter des comptes équilibrés. Commerce encore lorsque "les hôpitaux s'enrichissent sans vergogne de l'activité médicale en prenant une part des honoraires supérieurs aux frais générés. Il faut accepter les mécanismes du marché et encourager l'esprit d'entreprise, souligne de Toeuf. Or aujourd'hui il est quasi impossible d'innover tellement il y a de règles fédérales, régionales, communautaires et communales...