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" Les médias sacrent Israël, le champion de la lutte anticovid par le vaccin Pfizer. Depuis le 20 décembre, en 24 jours, plus de 20% des Israéliens (deux millions de personnes) ont été vaccinés ", écrit le Dr Delépine dans France-Soir. " Mais, depuis cette date, selon les chiffres de l'OMS, les nombres quotidiens de contaminations et de morts attribuées au Covid19 explosent. Les contaminations quotidiennes sont ainsi passées de 1.886 cas le 21 décembre à 8.094 le 10 janvier. La Grande-Bretagne est le second pays dans la course à la vaccination qui a débuté le 4 décembre avec le vaccin développé par Pfizer et BioNTech. Depuis cette date, le nombre de contaminations quotidiennes a explosé de 14.898 le 4 décembre à 68.063 le 9 janvier 2021. Malheureusement aussi la mortalité Covid19, qui après une augmentation de près de 300% (414 le 4 décembre à 1.564 le 14 janvier) dépasse de 27% celle observée en mars-avril 2020 (pic maximal 1.224 le 22 avril 2020). Ces augmentations considérables et simultanées des incidences journalières des contaminations et des décès après vaccination sont très inquiétantes et confirment que les autorisations de mise sur le marché des vaccins ont été prématurées. "" En France, tant le nombre de nouveaux cas que le nombre de morts quotidiennes sont restés stables durant cette période et à un niveau beaucoup plus faible (par million) que dans les pays champions de la vaccination. "Le Dr Delépine se demande ainsi si la vaccination est la cause de cette envolée des contaminations. Et conclut : " Il faut féliciter le gouvernement de la lenteur qu'il met à généraliser la vaccination anti covid. Les résultats actuels du vaccin Pfizer dans les populations israélienne et britannique laissent en effet craindre une catastrophe sanitaire vaccinale dans ces pays et l'alerte norvégienne (ndlr : 23 décès après administration du vaccin) accroit l'inquiétude. On ne peut espérer aucun avantage individuel à vacciner contre le covid les moins de 65 ans, puisque la maladie est chez eux plus bénigne que la grippe ; cette population ne peut donc rien espérer des vaccins anticovid si ce n'est des complications. "Que penser de cette position ? En lieu et place d'argumentaire, l'article du Dr Delépine est plutôt un pamphlet qui crée l'amalgame entre les vertus intrinsèques du vaccin, les effets indésirables que peut avoir la vaccination sur le comportement de la population et la difficulté des autorités de prendre les décisions les plus pertinentes.Envisageons, pour ne citer qu'un exemple, la phrase suivante : " Ces augmentations considérables et simultanées des incidences journalières des contaminations et des décès après vaccination sont très inquiétantes et confirment que les autorisations de mise sur le marché des vaccins ont été prématurées. " L'auteur amalgame un peu vite des décès après vaccination... et le fait que les personnes vaccinées meurent. Où sont les données chiffrées qui établissent une comparaison avec un groupe de contrôle ? Et qu'est-ce qui confirme que les autorités ont pris des décisions prématurées ? La force du discours réside dans la dialectique, et non dans l'approche scientifique.Nous n'avons actuellement aucune raison de croire que le vaccin lui-même augmenterait la susceptibilité au Covid-19. Les études de phase 3 prouvent le contraire (1),(2),(3). Et par contraste à ce que prétend le Dr Delépine (dans un paragraphe non cité ci-dessus), les analyses n'ont pas été faites sur la base du seul test PCR. Les 'cas de Covid-19' entrant dans l'analyse étaient des personnes présentant des symptômes évocateurs avec PCR positive (conformément aux critères de l'OMS).Par ailleurs, la hausse des courbes en Grande-Bretagne était amorcée bien avant qu'on n'y entame la vaccination (4). L'explosion observée en ce moment outre-manche est essentiellement la retombée exponentielle de ce qui s'était dessiné dès le mois de septembre de l'année dernière.Signalons, enfin, qu'il existe des données pour contredire l'affirmation que chez les moins de 65 ans, le Covid-19 serait plus bénin que la grippe. Une étude a été menée chez presque 90.000 personnes hospitalisées soit avec une grippe, soit avec le Covid-19. Les courbes d'admissions aux soins intensifs (% des patients) et de mortalité pendant l'hospitalisation, comparables chez les adultes jeunes, se dissociaient dès la catégorie d'âge des 41-50 ans. Le Covid-19 prenait alors le dessus, avec un écart qui s'amplifiait rapidement. Autre fait remarquable, la mortalité pendant l'hospitalisation était dix fois élevée pour le Covid-19 que pour la grippe chez les adolescents âgés de 11 à 17 ans (5).Une autre étude a suivi 1.700 personnes ayant présenté un Covid-19 sévère et âgées entre 47 et 65 ans. Dans cette population, 63% des participants signalaient une fatigue ou une faiblesse musculaire persistante à six mois après l'épisode aigu. Dans le sous-groupe des patients ayant atteint un score de sévérité très élevé pendant l'épisode aigu, environ un quart prestait un résultat en dessous de la normale au test de marche (6).Ceci dit, tout n'est pas à jeter dans le discours du Dr Delépine. Il est vrai que l'effet du vaccin sur le risque de transmission n'est pas démontré. D'autres hypothèses n'ont d'ailleurs pas été confirmées non plus. Dont l'efficacité chez les plus âgés. Aucune des études de phase 3 publiées à ce jour ne comprend suffisamment de personnes âgées pour permettre des conclusions robustes à leur sujet. Le phénomène bien connu de l'immunosénescence nous incite pourtant à rester attentifs.Nos autorités réagissent actuellement sur la base d'un pari raisonné. Face à la crise, il faut faire vite. Et si le vaccin ne produit pas de résultat favorable chez les aînés, il ne leur sera probablement pas nocif non plus. S'il y a lieu de s'interroger sur l'effet du vaccin dans cette catégorie d'âge, l'expérience ne nous donne aucun motif pour préjuger d'un risque supérieur en termes d'effets secondaires. La vague de décès dans un Ehpad (maison de repos) norvégien doit être confrontée aux données de contrôle. Les décès sont malheureusement fréquents en maison de repos. Un argument fallacieux de plus dans le chef de notre auteur.Quand on combine l'incertitude quant à l'effet du vaccin chez les personnes âgées et quant à son effet sur la transmission, il y a probablement lieu de s'interroger sur le devenir de l'épidémie. S'ajoute à cela la question de la durée de protection. Mais on ne peut que faire de son mieux sur la base des données qui, pour la première fois depuis le début de la pandémie, ont de la substance. Et notre mission ne consiste certainement pas à décrier la vaccination sur la base de raisonnements bancals.Quant à savoir si la population s'adonne à un " laisser-aller " après vaccination et surtout après la première dose sous prétexte que le vaccin la protégera, c'est une autre question. Si on fait le tour des experts belges, aucun ne répondra probablement par oui ou par non, tant il est difficile d'analyser la réalité épidémiologique de cette pandémie. Quoi qu'il en soit, l'attitude inadaptée de certaines catégories de personnes ne peut être un argument pour arrêter un remède qui fonctionne. Mieux vaut alors communiquer pour redresser la barre et laisser au recours en question la possibilité de donner toute sa mesure. Somme toute, on pourrait dire : donnons une chance à la vaccination. C'est le meilleur atout que nous ayons, basé sur des preuves tangibles.1. Lancet 2020; https://doi.org/10.1016/ S0140-6736(20)32661-1.2. N Engl J Med 2020; 383:2603-2615.3. N Engl J Med 2020; doi: 10.1056/NEJMoa2035389.4. ons.gov.uk (Coronavirus Infection Survey, UK : 24 december 2020)5. Lancet Respir Med 2020; https://doi.org/10.1016/ S2213-2600(20)30527-0.6. Lancet 2021; https://doi.org/10.1016/S0140-6736(20)32656-8.