On devine déjà la suite d'un reportage tel que celui-là : le sujet fait la une du jour (ou de la semaine dans le meilleur des cas) et les mesures correctives, dont on s'occupait déjà ou non, seront encadrées plus rapidement. Contrôles des soins plus stricts, hausse des normes minimales, accords avec le secteur, etc. Les initiatives ne manquent pas.

Mais au final, le débat d'hier n'est pas celui d'aujourd'hui. L'an dernier, je soulevais déjà quelques points d'attention dans mon livre Gezondheidszorg, een snelweg met kruispunten que le Conseil consultatif fédéral des aînés a transmis au gouvernement, dont notamment : "Les normes d'encadrement insuffisantes dans les centres d'hébergement et de soins ne permettent pas d'accorder une attention suffisante aux personnes prises en charge. Les ressources de personnel devraient dès lors au minimum évoluer en fonction des besoins en matière de soins."

Eveil des consciences

C'est une bonne chose, naturellement, que le reportage éveille les consciences des bonnes personnes et fasse accélérer les choses. C'est mieux que rien. Mais, comme bien souvent, le risque est de concentrer la politique sur ces problèmes spécifiques à résoudre qui ont, pour l'une ou l'autre raison, suscité l'indignation publique. Or, il faut en faire plus, surtout en matière de soins aux personnes âgées. J'explique brièvement pourquoi.

Pour rester dans la sphère médicale : les problèmes dans nos centres d'hébergement et de soins ne sont pas la maladie, mais un symptôme. Le coeur de la question est qu'il nous est impossible de suivre la vague du vieillissement, lequel est encore loin d'avoir atteint son apogée.

Le vieillissement de la population, ce n'est pas seulement des gens qui deviennent vieux. Cela signifie aussi que les personnes âgées sont toujours plus nombreuses, tombent plus souvent et plus longtemps malades, accumulent les problèmes de santé et nécessitent des soins spécialisés. Le tout combiné nous met face à d'innombrables défis qui dépassent la répartition traditionnelle des secteurs et des compétences (assurance maladie, soins de santé, pensions, bien-être mental, etc.).

Le grand avantage de changements sociaux de masse tels que le vieillissement de la population est qu'ils sont prévisibles longtemps à l'avance. Du moins, si on choisit de ne pas se voiler la face. On aurait pu déjà se rendre compte dans les années 70 du siècle dernier de ce qui nous attendait (à l'exception de la situation économique et des innovations médico-scientifiques bien entendu). Dans les 6 livres que j'ai publiés ces dernières années sur notre système des soins de santé, je n'ai cessé de taper sur le même clou : le vieillissement de la population dans les décennies à venir sera l'ultime test décisif de notre système de soins de santé. D'ailleurs, je tiens à faire remarquer que cela ne concerne pas uniquement la Belgique. Il s'agit d'un problème à l'échelle mondiale. De nombreuses sociétés, même les plus riches occidentales, ne sont absolument pas préparées à ce vieillissement.

Pénurie de gériatres

De plus, j'insiste sur le fait que la question du vieillissement n'est malheureusement pas exclusivement une question (d'un manque) d'argent. Si le vieillissement de la population requiert des efforts financiers importants notamment, il est aussi dépourvu d'une véritable politique ou vision en matière de personnes âgées. Exemple : nous devons faire face à une pénurie criante de gériatres. Les jeunes médecins se montrent peu intéressés par la gériatrie, entre autres parce que son importance est insuffisamment soulignée dans les universités. Par ailleurs, trop peu de médecins peuvent garder une vue d'ensemble chez les patients âgés atteints d'une multitude de maladies, en conséquence de quoi la gériatrie menace de devenir un fourre-tout.

La gériatrie n'est qu'un exemple de la façon dont le vieillissement de la population soulève de nouveaux problèmes. Il en va de même dans le domaine de la sécurité des revenus, de la participation au marché du travail, des soins non médicaux, etc. Seul un changement de mentalité sur la place des aînés dans notre société pourra conduire à une solution durable.

Enfin, un dernier mot sur une tendance qui non seulement a fait son apparition dans le secteur des soins aux personnes âgées, mais concerne tout le secteur des soins de santé en général : la commercialisation des soins. Tous les centres d'hébergement et de soins filmés dans le reportage n'étaient pas par hasard des maisons de repos privées (et onéreuses). Dû au manque de préparation au vieillissement, le système de soins de santé laisse beaucoup d'espace aux améliorations. Les entreprises privées trouvent des besoins non satisfaits en matière de soins et promettent de les combler moyennant un certain prix. Près d'un centre sur six appartient à des organisations à but lucratif (et donc pas à des ASBL ou CPAS). Indépendamment du fait que la solidarité est sapée par des soins de santé à deux vitesses, il existe encore une autre raison pour laquelle je trouve qu'il faut sévèrement brider la commercialisation des soins de santé (aux personnes âgées) : elle ne garantit pas nécessairement des soins de qualité, comme le prouve le reportage de Pano.

Et demain?

Il faut également accorder plus d'attention à l'aide dans les soins à domicile. Il faut y mettre surtout les moyens et la vision adéquats dans le cadre du vieillissement de la population.

Et s'il en va de la sorte pour les centres d'hébergement et de soins, pourquoi d'autres sous-secteurs des soins de santé ne connaîtraient-ils pas le même sort ?

Aujourd'hui, les centres d'hébergement et de soins.

Mais demain, quel secteur des soins de santé ?

*Réaction au reportage télévisé de Pano sur la Één (VRT) le 11 octobre 2017 sur les centres d'hébergement et de soins.

On devine déjà la suite d'un reportage tel que celui-là : le sujet fait la une du jour (ou de la semaine dans le meilleur des cas) et les mesures correctives, dont on s'occupait déjà ou non, seront encadrées plus rapidement. Contrôles des soins plus stricts, hausse des normes minimales, accords avec le secteur, etc. Les initiatives ne manquent pas.Mais au final, le débat d'hier n'est pas celui d'aujourd'hui. L'an dernier, je soulevais déjà quelques points d'attention dans mon livre Gezondheidszorg, een snelweg met kruispunten que le Conseil consultatif fédéral des aînés a transmis au gouvernement, dont notamment : "Les normes d'encadrement insuffisantes dans les centres d'hébergement et de soins ne permettent pas d'accorder une attention suffisante aux personnes prises en charge. Les ressources de personnel devraient dès lors au minimum évoluer en fonction des besoins en matière de soins."C'est une bonne chose, naturellement, que le reportage éveille les consciences des bonnes personnes et fasse accélérer les choses. C'est mieux que rien. Mais, comme bien souvent, le risque est de concentrer la politique sur ces problèmes spécifiques à résoudre qui ont, pour l'une ou l'autre raison, suscité l'indignation publique. Or, il faut en faire plus, surtout en matière de soins aux personnes âgées. J'explique brièvement pourquoi.Pour rester dans la sphère médicale : les problèmes dans nos centres d'hébergement et de soins ne sont pas la maladie, mais un symptôme. Le coeur de la question est qu'il nous est impossible de suivre la vague du vieillissement, lequel est encore loin d'avoir atteint son apogée.Le vieillissement de la population, ce n'est pas seulement des gens qui deviennent vieux. Cela signifie aussi que les personnes âgées sont toujours plus nombreuses, tombent plus souvent et plus longtemps malades, accumulent les problèmes de santé et nécessitent des soins spécialisés. Le tout combiné nous met face à d'innombrables défis qui dépassent la répartition traditionnelle des secteurs et des compétences (assurance maladie, soins de santé, pensions, bien-être mental, etc.).Le grand avantage de changements sociaux de masse tels que le vieillissement de la population est qu'ils sont prévisibles longtemps à l'avance. Du moins, si on choisit de ne pas se voiler la face. On aurait pu déjà se rendre compte dans les années 70 du siècle dernier de ce qui nous attendait (à l'exception de la situation économique et des innovations médico-scientifiques bien entendu). Dans les 6 livres que j'ai publiés ces dernières années sur notre système des soins de santé, je n'ai cessé de taper sur le même clou : le vieillissement de la population dans les décennies à venir sera l'ultime test décisif de notre système de soins de santé. D'ailleurs, je tiens à faire remarquer que cela ne concerne pas uniquement la Belgique. Il s'agit d'un problème à l'échelle mondiale. De nombreuses sociétés, même les plus riches occidentales, ne sont absolument pas préparées à ce vieillissement.De plus, j'insiste sur le fait que la question du vieillissement n'est malheureusement pas exclusivement une question (d'un manque) d'argent. Si le vieillissement de la population requiert des efforts financiers importants notamment, il est aussi dépourvu d'une véritable politique ou vision en matière de personnes âgées. Exemple : nous devons faire face à une pénurie criante de gériatres. Les jeunes médecins se montrent peu intéressés par la gériatrie, entre autres parce que son importance est insuffisamment soulignée dans les universités. Par ailleurs, trop peu de médecins peuvent garder une vue d'ensemble chez les patients âgés atteints d'une multitude de maladies, en conséquence de quoi la gériatrie menace de devenir un fourre-tout.La gériatrie n'est qu'un exemple de la façon dont le vieillissement de la population soulève de nouveaux problèmes. Il en va de même dans le domaine de la sécurité des revenus, de la participation au marché du travail, des soins non médicaux, etc. Seul un changement de mentalité sur la place des aînés dans notre société pourra conduire à une solution durable.Enfin, un dernier mot sur une tendance qui non seulement a fait son apparition dans le secteur des soins aux personnes âgées, mais concerne tout le secteur des soins de santé en général : la commercialisation des soins. Tous les centres d'hébergement et de soins filmés dans le reportage n'étaient pas par hasard des maisons de repos privées (et onéreuses). Dû au manque de préparation au vieillissement, le système de soins de santé laisse beaucoup d'espace aux améliorations. Les entreprises privées trouvent des besoins non satisfaits en matière de soins et promettent de les combler moyennant un certain prix. Près d'un centre sur six appartient à des organisations à but lucratif (et donc pas à des ASBL ou CPAS). Indépendamment du fait que la solidarité est sapée par des soins de santé à deux vitesses, il existe encore une autre raison pour laquelle je trouve qu'il faut sévèrement brider la commercialisation des soins de santé (aux personnes âgées) : elle ne garantit pas nécessairement des soins de qualité, comme le prouve le reportage de Pano.Il faut également accorder plus d'attention à l'aide dans les soins à domicile. Il faut y mettre surtout les moyens et la vision adéquats dans le cadre du vieillissement de la population.Et s'il en va de la sorte pour les centres d'hébergement et de soins, pourquoi d'autres sous-secteurs des soins de santé ne connaîtraient-ils pas le même sort ?Aujourd'hui, les centres d'hébergement et de soins.Mais demain, quel secteur des soins de santé ?*Réaction au reportage télévisé de Pano sur la Één (VRT) le 11 octobre 2017 sur les centres d'hébergement et de soins.