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ThéâtreAu milieu d'un paysage végétal que surplombe une cabane sur pilotis aérienne, s'avance deux figures qui paraissent masculines. Leurs voix s'élèvent alors et révèlent l'artifice qu'on a pris sous le tricorne par la princesse grecque Léonide aidée de sa dame de compagnie Corine, afin de ravir le coeur et le corps d'Agis. L'élève du philosophe Hermocrate qui vit en compagnie de sa soeur Léontine dans cette tanière hors-sol, refusant tout contact organique, a appris à haïr cette princesse qu'il croit méchante et rivale, installée sur un trône désormais ennemi qui pourtant n'attend que lui.Car c'est la mission de Phocion. Sous les traits de cet homme à la voix d'ange, masquée, elle s'avance accompagnée d'Hermidas, elle aussi masculée. La princesse vierge de tout amour s'apprête à conquérir le territoire du coeur du philosophe, de sa soeur et surtout d'Agis afin de le ramener à la maison, à la raison de ses sentiments. Usant de stratagèmes et d'artifices, notre " homme " et son équipage répandent peu à peu le philtre d'amour dans le coeur asséché du vieil homme, de sa soeur, du bel adonis, des valets, voire d'elle-même.... L'amour est un jeu qui ne laisse rien au hasard.Denis Podalydès se montre lui un amant fidèle en montant la pièce de Marivaux, dont il garde intacte la langue, organe essentiel dans le combat amoureux, mais jouant des silences qui en disent long autant que les accélérations rythmiques, chamades qui trahissent les élans du coeur autant qu'ils provoquent le rire puisqu'Arlequin est présent. Ce combat mené par Phocion qui sonne la charge pour débusquer les sentiments de ces rivaux, se veut une sorte de capes et d'épées verbale, à fleurets mouchetés certes, mais c'est un vrai duel où il s'agit au final de culbuter l'autre, de le piquer au coeur, bref de s'escrimer à le toucher. Musicalement accompagné d'un violoncelle, instrument organique s'il en est, dont les cordes rappellent celles vocales, cette nouvelle version se présente dans un décor " naturel " soufflant, signé Eric Ruf, patron de Podalydès à la Comédie française. Reste que sous un arrière- fond de nuages agités qui rappellent ceux des fêtes galantes de Watteau ou Fragonard, le rôle de cette cabane pivotante (une autre version du mythe de la caverne?) est un peu mystérieux, potiche au milieu des postiches et de ce feu d'artifices fomentée par Léonide/Phocion. Ce rôle-titre est confié à Leslie Menu, dont le physique androgyne convient parfaitement au personnage ambigu maître en imposture et feintes, répandant le jeu de l'amour sans, croit-il, ne rien laisser au hasard. Hélas, la voix de cette dame de coeur qui pique en cachant son jeu est parfois trop fluette pour dominer le timbre assuré et parfois tonitruant du reste de la distribution. Mais la pièce est excellemment dirigée, en costumes signés Christian Lacroix, portés entre autres par les Belges Edwig Baily (Hermidas) et Stéphane Escoffier (Léontine). On découvre également un Dominique Parent nordiste qui interprète le jardinier Dimas avec un accent chti des plus drôle et terrien. Mais le triomphe de Léonide, cette jeune lionne qui s'en va chasser l'amour, aurait mérité quelques rugissements...Le triomphe de l'amour de Marivaux au Théâtre de Liège du 23 au 27 octobre dans la Salle de la grande main.Théâtre de Liège Place du 20-Août, 16 · 4000 Liège Billetterie exclusivement : + 32 (0)4 342 00 00 theatredeliege.be A.P.