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Les touristes ne font pas partie d'un groupe homogène. Certains prennent la route peu de temps après minuit pour arriver sur leur lieu de villégiature, éreintés, le samedi en fin de journée. D'autres estiment que les vacances commencent dès la porte fermée. Ceux-là privilégient les étapes.Un riad en Côte-d'OrSitué à 540 kilomètres de la capitale européenne, le lieu n'est pas proche des grands axes routiers contemporains. Le touriste a dès lors tout loisir de serpenter entre les vignes et les vergers durant quelques dizaines de kilomètres. Cet ancien relais de poste s'étend le long des vieux remparts de la petite entité de Saulieu. Une élégante façade qui pourrait faire penser à un caravansérail: les dromadaires ont été remplacés par des chevaux cabrés, des jaguars ou autres marques allemandes. Le parking fait plus penser au Palais 1 qu'au Palais 12 du salon de l'auto.L'accueil est bien entendu soigné. On vous invite à patienter sur une terrasse donnant sur le jardin. La magie opère immédiatement. Véritable oasis, on ne sent pas dans ce jardin-ci la patte d'un jardinier minimaliste, donc tendance, mais bien celle d'un passionné. Ce " Riad " bourguignon est clos par un hôtel, une piscine, un spa de 1.500 m2 et le fameux restaurant affichant deux étoiles au Michelin.Nous sommes ici aux antipodes de l'Ibis autoroutier. Un couloir aux tomettes vernissées nous mène à notre suite. La baignoire a la taille d'un petit étang. Un crémant de Bourgogne nous attend à côté d'un joli bouquet de roses rouges. Pour le repas, nous étions attendus dans le second restaurant du groupe, appelé: "Loiseau des sens". C'est une nouveauté au sein du groupe et il est situé à l'étage du spa.Petit bémol au tableau, la décoration des murs fait penser à un jeu de tétris et est peut-être la seule faute de goût de l'édifice. Dans l'assiette, c'est agréable. Le chef asiatique surprend pour un prix très démocratique. Nous ne pouvons que vous conseiller le double étoilé qui ce jour-là faisait salle comble. Au mur, des toiles de Dubuffet et de François Pompon, le génie local.Depuis le décès tragique de Bernard Loiseau, c'est son épouse Dominique et son chef, Patrick Berton, qui sont au piano. Installé à Saulieu le long d'une départementale joignant les Hauts de France à l'Occitanie depuis des siècles, cet ancien relais postal s'appelait jusqu'il y a peu la Côte d'Or. En 1904, l'établissement est acheté par Paul Budin, dont le chef Jean-Baptiste Monin créera le jambon à la crème primé au salon de Paris en 1924. La première étoile arrive en 1926. Quatre ans plus tard, la Côte d'Or est reprise par Alexandre Dumaine. En à peine un an, il obtient sa seconde étoile et même une troisième, qu'il conservera jusqu'en 1964.L'établissement est fréquenté par les stars et des personnalités qui posent, toutes, leurs signatures dans un livre d'or. Un objet de convoitise qu'il jettera dans les fourneaux après le commentaire désobligeant d'un client. De 1963 à 1975, l'établissement est repris par François Minot qui confie la cuisine à Bernard Loiseau, alors âgé de 24 ans. Ce dernier prend la responsabilité de l'hôtel en 1975 et rachète l'ensemble en 1982. Sous sa direction, le restaurant a regagné sa deuxième étoile. En 1991, c'est la consécration : Michelin les place au firmament. Pour conserver cette troisième étoile, de nombreux travaux sont entrepris. En 2000, l'établissement se dote d'un spa. Cette même année, le grand chef fait l'objet d'une rétrogradation du guide Gault et Millau, et d'un papier acerbe du critique gastronomique François Simon, dans Le Figaro. Un avis auquel les médias feront écho. Le critique annonce la perte de sa troisième étoile au Guide Michelin. Profondément anéanti par ce jugement, il met fin à ses jours le 24 février 2003, à l'âge de 52 ans, dans son logement de Saulieu, avec son fusil de chasse. Il repose depuis au cimetière de l'église Saint-Saturnin de Saulieu. Quinze jours après son décès, le guide Michelin est en librairie et confirme néanmoins ses trois étoiles...Son épouse, entourée de ses trois enfants, reprend courageusement le tablier avec fierté. Dans la foulée, Dominique Loiseau, décide d'en changer le nom. C'est désormais au Relais Bernard Loiseau que les amateurs de gastronomie ouvriront les menus. Ceci afin d'affirmer que la famille reprend le relais mais aussi pour informer les clients de l'occupation ancestrale du lieu. Cette histoire nous rappelle la pression et la responsabilité énormes que revêt la préservation et l'émancipation d'un tel patrimoine.