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Un énorme ballon noir, plus grand qu'un homme, invite le visiteur à venir se plaquer sur sa surface, oreille, visage, mains collés sur la paroi, un peu comme on embrasse un arbre pour ressentir une sensation de bien-être. Swalling hEARt de l'artiste belge Raymond Delepierre est une large sphère audiosensible qui permet de percevoir via le corps les vibrations du son qui en émane. "Toucher pour écouter. Écouter pour ressentir. Oublier le voir et laisser la matière sonore traverser son esprit ", voilà le voyage intérieur auquel convie ce spécialiste du son dont les installations interrogent la perception que chacun peut en avoir.Interroger notre vision du handicap, telle est l'invitation lancée par l'ULB et la VUB, en partenariat avec Bozar, dans leur exposition intitulée " The Art of Difference ". Elle vient clôturer l'année de la " diversité ", thème de l'année académique 2017-2018 développé par l'ULB.L'exposition est divisée en quatre parties : percevoir, éprouver, contester et imaginer.Le premier thème, percevoir, est consacré aux cinq sens et donne quelques éléments de l'histoire de la perception, de la préhistoire à la génétique. Des installations de chercheurs et d'artistes (comme celle de Raymond Delepierre) montrent ce que signifie voir, entendre, toucher quand on est atteint d'un handicap sensoriel.Le second, éprouver, s'attache à l'homme en mouvement et aux recherches et innovations concernant le handicap moteur. A côté d'un aperçu de l'évolution des prothèses, des exosquelettes, bras robotisés et impressions en 3D illustrent comment on peut retrouver une certaine autonomie.Ces premières parties exposent plutôt les solutions scientifiques apportées aux problèmes de handicap. Les deux dernières sections, contester et imaginer, s'intéressent à la façon dont les artistes s'emparent de cette problématique pour en faire des oeuvres. Toutes ces technologies suscitant bien sûr des critiques, notamment sur les dangers de la robotisation du corps humain et du transhumanisme.L'objectif des concepteurs de l'expo est aussi de montrer comment le handicap a permis de créer des formes nouvelles. L'histoire de l'art fourmille d'exemples à l'instar de Monet qui peint ses Nymphéas quand il perd la vue. Ici, un aveugle philosophe et photographe explique comment il voit par la seule force de son imagination ; là, un danseur unijambiste, sans prothèse, arrive à intégrer une compagnie de danse ; là encore, des artistes créent des prothèses uniques, véritables objets artistiques.Enfin, en partenariat avec le musée du Dr Guislain à Gand et le musée Art et Marges à Bruxelles, des oeuvres témoignent de la force d'expression de l'art brut, une autre façon d'interroger les frontières floues de la normalité.Des premiers essais de prothèses aux prothèses esthétiques, le chemin parcouru, tant technique que philosophique, est proprement abyssal. " Dans l'augmentation du corps humain, on n'a pas idée de tout ce qui va arriver, ce n'est qu'un début ", fait observer Marleen Wynants, coordinatrice du STAL (Science Technologies Arts Lab, Bozar). Le handicap a longtemps été l'objet de rejet, de mépris, de fascination mais, progressivement, il a conduit scientifiques et philosophes à une réflexion sur la condition humaine et la vie en société. La technologie va-t-elle nous rendre plus humain ? Sera-t-elle accessible ? ...Les innovations technologiques ont incontestablement amélioré la vie des personnes en situation de handicap, mais elles ont également fait naître tout un nouveau pan d'interrogations philosophiques, éthiques et... artistiques. Art of Difference ouvre sans tabou le dialogue, en donnant accès à la compréhension actuelle du cerveau et du handicap, en montrant les technologies innovantes et comment la frontière entre la norme et l'anormal disparaît peu à peu...