Comédienne, chanteuse, violoniste, Catherine Graindorge, fille de Feu l'avocat Michel Graindorge, fait aussi partie du trio Nile On Wax, dont l'album précédent, le troisième, paru en 2017, avait valu à cette formation d'avoir les honneurs d'une diffusion de leur morceau éponyme "Bell Dogs" dans l'émission qu'anime Iggy Pop, "Iggy Confidential", sur BBC radio 6. En ont résulté, l'an dernier, une collaboration ("The Dictator") et une rencontre entre l'artiste bruxelloise et le grand-père du punk.

"After Heaven" qui réunit à nouveau Catherine Graindorge et ses deux comparses, David Christophe à la basse et Elie Rabinovitch à la batterie, donne à nouveau dans le post-rock psychédélique habité, plus pulsionnel que la musique solo de la violoniste qui se conçoit plus onirique et éthérée

Le journal du Médecin: Parlons de votre voix et du violon. Sur le premier morceau de ce nouvel album de Nile On Wax, le violon est votre voix en quelque sorte...

Catherine Graindorge: Dans mon projet solo, je développe de plus en plus la voix. Mais, dans la formule du trio, de manière beaucoup plus parcimonieuse.

Cela vous a pris du temps pour oser confronter votre voix à celle du violon?

Oui, mais j'y retrouve une certaine liberté. Des années durant, j'étais victime d'un blocage, bien que ce ne soit pas l'envie qui manquait: une question de confiance... Et puis, j'avais l'impression effectivement que le violon était ma voix et que, de ce fait, cela me rendait muette: un canal de diffusion était fermé.

Avez-vous été influencée au départ par des gens comme Didier Lockwood, Jean-Luc Ponty ou Jean-Pierre Catoul?

Non. En fait, je suis venu à un violon plutôt rock entre guillemets un peu plus par hasard que par envie, parce qu'un jour on m'a demandé de m'accompagner au violon au cours d'une lecture de textes: quelqu'un m'a tendu une pédale de loop et j'ai alors découvert tout un éventail de possibilités.

De quoi s'inspirent des titres comme "Ascension", "Eternity" ou "Impropable" sur le nouvel album de Nile On Wax?

Nous avons enregistré cet album pendant le confinement. Dès que nous avons pu ressortir, nous avons eu cet immense bonheur de pouvoir refaire de la musique ensemble, vu qu'il n'y avait plus de concerts par ailleurs. Une situation assez difficile à vivre en tant qu'artiste: nous nous sommes donc retrouvés au local de répétition, mais sans idées préconçues. Au fur et à mesure, nous nous sommes rendus compte que la musique qui émanait de ces sessions était imprégnée de cette période particulière, improbable, qui pouvait soulever des questions plutôt métaphysiques sur le sens de l'existence, l'au-delà. Des thèmes qui me sont chers personnellement: les titres sont sortis de manière spontanée, et ils reflètent l'état d'esprit dans lequel nous étions à ce moment-là.

Iggy Pop

Vous avez rencontré Iggy pop à l'âge où votre papa est décédé. Avez-vous vu en lui une figure paternelle?

Le rapprochement est amusant. (elle sourit) Peut-être que je l'aurai vu de cette manière... C'est en tout cas quelqu'un de bienveillant qui m'a profondément touché. Il y a d'une part l'aventure musicale bien entendu, mais il y a eu, humainement, durant le peu de temps où nous nous sommes vus (ndlr: le tournage de la vidéo du clip "The Dictator"), des échanges fructueux et je me suis attaché à lui. Peut-être qu'effectivement son âge a quelque peu modifié la relation que nous aurions pu avoir s'il avait été beaucoup plus jeune. Il y aurait peut-être eu plus de séduction entre guillemets... (elle sourit à nouveau)

Le batteur de Nile on Wax est votre compagnon. Cela facilite-t-il les choses ou cela les complique-t-elles dans un ménage à trois tel que ce groupe?

Parfois, pour le bassiste, cela peut être difficile: du style, on se dispute avant d'aller répéter et l'on doit faire comme si tout allait bien. (elle rit)

Mais cela fait longtemps qu'Élie me soutient aussi dans mes projets solos et nous partageons une grande complicité. Musicalement, nous nous comprenons.

Au niveau de vos collaborations personnelles en rock, vous évoluez plutôt dans une constellation post-punk avec des artistes comme Nick cave John Parish ou Hugo Race... Et principalement une constellation australienne en fait.

Oui, d'autant que je me suis produite avec une chanteuse berlinoise, Andrea Schroeder, inconnue ici mais qui jouit en Allemagne d'une certaine notoriété: elle se produisait également avec deux musiciens australiens qui ont accompagné Hugo Race. Et c'est vrai que j'ai collaboré avec Hugo Race, Nick cave et Warren Ellis: je n'ai pas physiquement rencontré les deux derniers, mais j'ai enregistré à distance dans le cadre due Jeffrey Lee Pierce Project.

Je pense avoir une affinité particulière avec ces musiciens de Down Under. Je ne prétends connaître la mentalité australienne, mais peut-être cette "attirance" tient-elle au fait qu'ils sont originaires de cette île-continent située très loin de tout, et, qu'en même temps, il y a cette proximité mentale avec l'Europe, et l'Angleterre en particulier. Par ailleurs, ce pays de kangourous et des longues plaines désertes, a quelque chose d'insolite. Je me dis que quand on grandit là-bas - ça peut être mon fantasme à moi parce que je vis ici en Belgique, un petit pays -, on bénéficie peut- être d'un univers légèrement décalé de par le fait d'être isolé et en même temps confrontés à de plus larges horizons en cinémascope... et donc en moins rétrécit. J'ai l'impression que cet isolement géographique pousse aussi à avoir une ouverture sur l'extérieur et se montrer alerte.

Post-rock psychédélique

Par ailleurs, vous avez débuté dans le classique pour évoluer vers le post-punk... et pas seulement australien?

J'ai quitté le monde de la musique classique à 18 ans, parce que cela me stressait: je ne m'y voyais pas. J'ai donc fait du théâtre et étudié la musicologie pour ensuite revenir à la musique en éprouvant le besoin de l'aborder autrement, à ma façon, avec mes émotions. Et de ne pas être toujours dans ce diktat de la virtuosité ou de composer de la musique compliquée. J'ai juste envie de faire ce qui vient et sort de moi-même. Et j'avais besoin de trouver quelque chose de "rough"... de brut de décoffrage.

Dans ce que vous composez à trois ou en solo. L'Univers de Badalamenti pour David Lynch, cela vous parle?

Nous n'y pensons jamais. Mais il est vrai qu'Élie est un féru de cinéma, de musique aussi et de cinéma et m'a beaucoup guidé dans ce domaine. David Lynch joue avec l'angoisse et à mes yeux, la musique est également un exutoire à nos émotions y compris l'angoisse. C'est une catharsis. Hal Hartley a utilisé notre musique. . Nous avons travaillé avec Karim Ouelhaj, un réalisateur liégeois: nous avons notamment composé la musique de "L'oeil silencieux", un court-métrage qu'il a réalisé et pour lequel il a gagné de nombreux prix

Vous voyez des liens entre la musique Nile ON Wax et Godspeed You! Black Emperor, par exemple ou Mogwaï?

On pourrait dire que c'est du post-rock psychédélique nous concernant. le fait que la batterie et la basse donnent d'un côté un peu plus pulsionnel ou moins, alors que la musique solo est un peu plus éthérée, onirique et éthérée. Quant à mes influences musicales personnelles, j'entends beaucoup de choses, mais je ne démarre jamais de l'écoute d'un artiste ou un groupe en me disant Tiens, je vais essayer de M'inspirer de ce qu'ils font. Si je tente ce genre d'approche, le résultat ne ressemble à rien...

Nile On Was. After Heaven.Tonzonen Records/Soulfood Music.

En concert à Bruxelles le 24 octobre, à Hautrage le 24 novembre, à Mouscron le 25, à l'An Vert le 1 décembre, et à Gand le 2 décembre.

En solo à Meise le 29 septembre, à Ostende le 30, à Diest le 17 octobre, à Mons le 20 octobre et à Bruxelles le 29 novembre.

Infos: http://catherinegraindorge.com/

Comédienne, chanteuse, violoniste, Catherine Graindorge, fille de Feu l'avocat Michel Graindorge, fait aussi partie du trio Nile On Wax, dont l'album précédent, le troisième, paru en 2017, avait valu à cette formation d'avoir les honneurs d'une diffusion de leur morceau éponyme "Bell Dogs" dans l'émission qu'anime Iggy Pop, "Iggy Confidential", sur BBC radio 6. En ont résulté, l'an dernier, une collaboration ("The Dictator") et une rencontre entre l'artiste bruxelloise et le grand-père du punk."After Heaven" qui réunit à nouveau Catherine Graindorge et ses deux comparses, David Christophe à la basse et Elie Rabinovitch à la batterie, donne à nouveau dans le post-rock psychédélique habité, plus pulsionnel que la musique solo de la violoniste qui se conçoit plus onirique et éthérée Le journal du Médecin: Parlons de votre voix et du violon. Sur le premier morceau de ce nouvel album de Nile On Wax, le violon est votre voix en quelque sorte... Catherine Graindorge: Dans mon projet solo, je développe de plus en plus la voix. Mais, dans la formule du trio, de manière beaucoup plus parcimonieuse. Cela vous a pris du temps pour oser confronter votre voix à celle du violon?Oui, mais j'y retrouve une certaine liberté. Des années durant, j'étais victime d'un blocage, bien que ce ne soit pas l'envie qui manquait: une question de confiance... Et puis, j'avais l'impression effectivement que le violon était ma voix et que, de ce fait, cela me rendait muette: un canal de diffusion était fermé.Avez-vous été influencée au départ par des gens comme Didier Lockwood, Jean-Luc Ponty ou Jean-Pierre Catoul? Non. En fait, je suis venu à un violon plutôt rock entre guillemets un peu plus par hasard que par envie, parce qu'un jour on m'a demandé de m'accompagner au violon au cours d'une lecture de textes: quelqu'un m'a tendu une pédale de loop et j'ai alors découvert tout un éventail de possibilités.De quoi s'inspirent des titres comme "Ascension", "Eternity" ou "Impropable" sur le nouvel album de Nile On Wax?Nous avons enregistré cet album pendant le confinement. Dès que nous avons pu ressortir, nous avons eu cet immense bonheur de pouvoir refaire de la musique ensemble, vu qu'il n'y avait plus de concerts par ailleurs. Une situation assez difficile à vivre en tant qu'artiste: nous nous sommes donc retrouvés au local de répétition, mais sans idées préconçues. Au fur et à mesure, nous nous sommes rendus compte que la musique qui émanait de ces sessions était imprégnée de cette période particulière, improbable, qui pouvait soulever des questions plutôt métaphysiques sur le sens de l'existence, l'au-delà. Des thèmes qui me sont chers personnellement: les titres sont sortis de manière spontanée, et ils reflètent l'état d'esprit dans lequel nous étions à ce moment-là. Vous avez rencontré Iggy pop à l'âge où votre papa est décédé. Avez-vous vu en lui une figure paternelle?Le rapprochement est amusant. (elle sourit) Peut-être que je l'aurai vu de cette manière... C'est en tout cas quelqu'un de bienveillant qui m'a profondément touché. Il y a d'une part l'aventure musicale bien entendu, mais il y a eu, humainement, durant le peu de temps où nous nous sommes vus (ndlr: le tournage de la vidéo du clip "The Dictator"), des échanges fructueux et je me suis attaché à lui. Peut-être qu'effectivement son âge a quelque peu modifié la relation que nous aurions pu avoir s'il avait été beaucoup plus jeune. Il y aurait peut-être eu plus de séduction entre guillemets... (elle sourit à nouveau) Le batteur de Nile on Wax est votre compagnon. Cela facilite-t-il les choses ou cela les complique-t-elles dans un ménage à trois tel que ce groupe?Parfois, pour le bassiste, cela peut être difficile: du style, on se dispute avant d'aller répéter et l'on doit faire comme si tout allait bien. (elle rit)Mais cela fait longtemps qu'Élie me soutient aussi dans mes projets solos et nous partageons une grande complicité. Musicalement, nous nous comprenons. Au niveau de vos collaborations personnelles en rock, vous évoluez plutôt dans une constellation post-punk avec des artistes comme Nick cave John Parish ou Hugo Race... Et principalement une constellation australienne en fait. Oui, d'autant que je me suis produite avec une chanteuse berlinoise, Andrea Schroeder, inconnue ici mais qui jouit en Allemagne d'une certaine notoriété: elle se produisait également avec deux musiciens australiens qui ont accompagné Hugo Race. Et c'est vrai que j'ai collaboré avec Hugo Race, Nick cave et Warren Ellis: je n'ai pas physiquement rencontré les deux derniers, mais j'ai enregistré à distance dans le cadre due Jeffrey Lee Pierce Project. Je pense avoir une affinité particulière avec ces musiciens de Down Under. Je ne prétends connaître la mentalité australienne, mais peut-être cette "attirance" tient-elle au fait qu'ils sont originaires de cette île-continent située très loin de tout, et, qu'en même temps, il y a cette proximité mentale avec l'Europe, et l'Angleterre en particulier. Par ailleurs, ce pays de kangourous et des longues plaines désertes, a quelque chose d'insolite. Je me dis que quand on grandit là-bas - ça peut être mon fantasme à moi parce que je vis ici en Belgique, un petit pays -, on bénéficie peut- être d'un univers légèrement décalé de par le fait d'être isolé et en même temps confrontés à de plus larges horizons en cinémascope... et donc en moins rétrécit. J'ai l'impression que cet isolement géographique pousse aussi à avoir une ouverture sur l'extérieur et se montrer alerte. Par ailleurs, vous avez débuté dans le classique pour évoluer vers le post-punk... et pas seulement australien?J'ai quitté le monde de la musique classique à 18 ans, parce que cela me stressait: je ne m'y voyais pas. J'ai donc fait du théâtre et étudié la musicologie pour ensuite revenir à la musique en éprouvant le besoin de l'aborder autrement, à ma façon, avec mes émotions. Et de ne pas être toujours dans ce diktat de la virtuosité ou de composer de la musique compliquée. J'ai juste envie de faire ce qui vient et sort de moi-même. Et j'avais besoin de trouver quelque chose de "rough"... de brut de décoffrage. Dans ce que vous composez à trois ou en solo. L'Univers de Badalamenti pour David Lynch, cela vous parle?Nous n'y pensons jamais. Mais il est vrai qu'Élie est un féru de cinéma, de musique aussi et de cinéma et m'a beaucoup guidé dans ce domaine. David Lynch joue avec l'angoisse et à mes yeux, la musique est également un exutoire à nos émotions y compris l'angoisse. C'est une catharsis. Hal Hartley a utilisé notre musique. . Nous avons travaillé avec Karim Ouelhaj, un réalisateur liégeois: nous avons notamment composé la musique de "L'oeil silencieux", un court-métrage qu'il a réalisé et pour lequel il a gagné de nombreux prixVous voyez des liens entre la musique Nile ON Wax et Godspeed You! Black Emperor, par exemple ou Mogwaï?On pourrait dire que c'est du post-rock psychédélique nous concernant. le fait que la batterie et la basse donnent d'un côté un peu plus pulsionnel ou moins, alors que la musique solo est un peu plus éthérée, onirique et éthérée. Quant à mes influences musicales personnelles, j'entends beaucoup de choses, mais je ne démarre jamais de l'écoute d'un artiste ou un groupe en me disant Tiens, je vais essayer de M'inspirer de ce qu'ils font. Si je tente ce genre d'approche, le résultat ne ressemble à rien...